: Reportage "Beaucoup vont abandonner le métier" : en Espagne, le désarroi des agriculteurs, un mois après les inondations meurtrières
Le sud-est de l'Espagne, et notamment la région de Valence, a connu de fortes intempéries qui ont désormais des conséquences dramatiques sur le secteur de l'agriculture.
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En Espagne, un mois après les inondations meurtrières qui ont touché le sud-est du pays et fait plus de 220 morts, tout reste à reconstruire, notamment dans le secteur agricole. En effet, environ 49 000 agriculteurs et éleveurs sont concernés, et plus de 70 000 hectares ont été impactés, selon le ministère de l’Agriculture espagnol. Dans la région de Valence, où sont récoltés des agrumes, mais également près de 80% des kakis du pays, les conséquences à court et long terme sont catastrophiques.
Ce qui frappe quand on entre dans le verger de Bernardo Ferrer, situé à Alzira, au sud de Valence, c’est l’odeur de pourriture. “Vous voyez ? Les fruits tombent”, explique l'agriculteur. Ses kakis, gorgés d'eau et rongés par des champignons, s'écrasent au sol où ils forment un tapis visqueux.
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Normalement destinés à l'exportation vers d'autres pays européens, ils sont aujourd’hui irrécupérables. L'agriculteur a perdu cinq hectares, soit un quart de sa récolte. "Ça, c’est la première conséquence de l’excès d’eau. C’est monté jusqu’à 2 mètres, 2 mètres 20”, raconte-t-il.
"Les politiciens n'ont rien pour nous"
Ce ne sont pas les seuls dégâts. S'il a réussi à mettre ses machines et ses tracteurs au sec – "On a sauvé ce qui valait le plus cher" –, Bernardo Ferrer s'inquiète de ce qu'il va découvrir au printemps : "Dans quelques mois, quand on va devoir relancer l’irrigation, on va se rendre compte qu’il y a des trous dans les tuyaux, que ça a rouillé… Il faudra tout reprendre.”
Campé dans ses bottes en caoutchouc, l’agriculteur regrette que les aides promises par l’État espagnol soient “ridicules”. “Avec cinq hectares, j’ai perdu 50 000 euros. Mais le maximum qu’ils vont me donner, c’est 20 000.” Or, il faut aussi nettoyer les champs, toujours envahis de détritus ou de meubles, et maintenir le salaire de ses quatre employés. "Les politiciens viennent nous voir, ils nous serrent la main, ils font des photos, mais ils n'ont rien pour nous. C'est ça, la réalité”, déplore-t-il.
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Un mois après la "DANA", l’épisode météorologique responsable des inondations, l’agriculteur estime que les dédommagements auraient dû se concrétiser : "Ils avaient promis que la partie bureaucratique serait très simple. Ça nous a semblé très bien, mais les semaines passent et les aides n'arrivent pas. L'État espagnol et l'Union européenne ont abandonné les agriculteurs”.
"Je ne sais pas ce qu'il y a dans cette boue"
Dans les champs de Julio Quilis, un autre agriculteur situé à la sortie de Catarroja, l’eau a laissé une couche pâteuse en se retirant. Il n’y a plus de choux, de laitues, d’oignons, de radis, de blettes, ni d’épinards. Les fraises sous la serre ont elles aussi été emportées par le courant.
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L’agriculteur, qui a commencé le bio il y a 15 ans, observe que les herbes folles qui ont commencé à repousser ont mauvaise mine. "Je ne sais pas ce qu'il y a dans cette boue, mais on ne va rien récolter sur cette parcelle ! Et on va la mettre en quarantaine au moins jusqu'à l'été”, se désole-t-il.
"Vous imaginez repartir de zéro ?"
L’agriculteur, qui produit pour le marché local, attend les résultats des analyses, persuadé que ses sols sont contaminés. Avant de se déverser dans ses cultures, l’eau est en effet passée par différentes zones industrielles. "Certains disent qu’ils ont vu les fûts de produits phytosanitaires de l’usine de Bayer partir avec le courant. Il faut qu’on soit très prudents. Le pire, c’est ce qu’on ne voit pas.”
Un mois après les inondations, le découragement s’installe dans un secteur où sept agriculteurs sur dix ont plus de 60 ans. Celestino Rico, le vice-président de l’Association des agriculteurs de Valence, s’en inquiète. "Après une telle catastrophe, vous imaginez repartir de zéro, souvent sans personne pour prendre la relève ? On pense que beaucoup d’entre eux vont abandonner le métier”, regrette-t-il.
Face à cette situation, les syndicats agricoles et le gouvernement espagnol ont demandé le déblocage en urgence des fonds européens.
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