A Leipzig, le mouvement anti-islam Legida fait un flop
Le mouvement allemand hostile à l'islam a été privé de son baroud d'honneur. Après l’annulation de sa manifestation, lundi, à Dresde, il espérait se rattraper à Leipzig, mercredi. Mais la soirée a tourné au vinaigre. Reportage.
L’hymne national à peine terminé, la foule frigorifiée évacue l’Augustusplatz de Leipzig (Saxe, est de l'Allemagne). Il faut moins de dix minutes pour disperser les quelque 4 000 soutiens de Legida, petite sœur de Pegida, mouvement anti-islam né à Dresde quelques mois plus tôt. Au plus fort du rassemblement, ce mercredi 21 janvier, ils étaient 14 000, selon la police, mais la plupart n’ont pas réussi à atteindre l’esplanade. Au moins trois rangées de policiers filtrent les entrées.
Habituellement, les lumières de l’opéra illuminent cette place grouillante de piétons. Mais ce mercredi, le majestueux bâtiment, devant lequel est installée la scène de Legida, est éteint. Sur sa façade, en capitales, les mots "diversité, tolérance, ouverture" contrastent avec le discours du porte-parole, Jörg Hoyer.
Legida "plus déterminée et radicale que Pegida"
L’homme est encore plus controversé que le leader de Dresde, Lutz Bachmann. Ce dernier, rattrapé par une photo de lui grimé en Adolf Hitler et par ses commentaires racistes publiés sur Facebook, a présenté sa démission, mercredi soir, en plein rassemblement Legida. Sur Augustusplatz, face à une caméra de la télévision allemande, un couple de militants quinquagénaires déclare "préférer que Bachmann s’en aille et ne revienne pas, on ne veut pas de gens comme ça, nous".
Ils n’ont probablement pas encore lu Die Welt (article en allemand), qui rapporte que Jörg Hoyer, autoproclamé expert de l’histoire militaire, revend sur internet des exemplaires de Mein Kampf et des souvenirs du IIIe Reich. A cause de lui notamment, Legida a vite acquis la réputation d’être "plus déterminée et plus radicale" que sa voisine Pegida. A tel point que Kathrin Oertel, qui remplace Lutz Bachmann à la tête de Pegida, a décidé de prendre ses distances. Elle a même demandé à Legida de changer de nom, pour éviter que les deux mouvements soient associés.
Pourtant, le vocabulaire et l'audience de Leipzig ressemblent à s'y méprendre à ceux de Dresde. Chapeau noir à larges bords, manteau noir, le porte-parole Jörg Hoyer se garde d’évoquer tout ça, préférant les références au passé révolutionnaire de Leipzig. C’est là en effet que se sont déroulées les premières et les plus importantes marches pacifiques qui ont conduit à la chute du mur de Berlin, en 1989. "Comme le 9 octobre 1989, nous allons montrer qu’il est temps que les choses changent, dans notre pays et en Europe ! Nous sommes le peuple !" Face à lui, un tapis de crânes rasés, de vieillards coiffés de chapkas et de quadras aux cheveux en brosse, écoute religieusement puis reprend "Nous sommes le peuple !" en agitant des drapeaux allemands, danois ou régionaux et des pancartes aux messages islamophobes.
"Legida ne passera pas"
Pour couvrir les paroles de Jörg Hoyer, des militants proches de l’extrême gauche ont installé des haut-parleurs devant un accès à la place. Ils crachent une techno insupportable qui ne suffit pas à intimider l’orateur. Ces opposants à Legida sont plus nombreux et organisés que leurs adversaires idéologiques. Pendant que plus de 4 000 policiers s'installaient et bouclaient Augustusplatz, en milieu d'après-midi, ils se massaient déjà aux différentes entrées pour barrer la route aux supporters de Legida.
Leurs cagoules dissimulées sous des casquettes, leurs écussons anti-fascistes et leur manière de se protéger le visage des appareils photos soulignent leur habitude des manifestations et de leurs débordements. Beaucoup n'ont pas 20 ans, mais savent déjà comment résister à la pression, parfois brutale, des policiers. Il suffit que l’un crie "debout", "assis", "formez une chaîne", pour que trois rangées suivent.
Collés les uns aux autres, ils parviennent à faire reculer les supporters de Legida et les forces de l’ordre, tout en braillant en chœur : "Sortons le nationalisme des esprits", "Il n'existe pas de droit à la propagande nazie" ou "Legida ne passera pas".
"En 2070, on aura un gouvernement musulman"
Avec son blouson grand ouvert, sa mèche au vent et son regard doux, Aaron, 22 ans, pourrait être assis avec ces étudiants de gauche. Mais il est debout, de l’autre côté des barrières de la police, au milieu des supporters de Legida. Et il revendique "des idées conservatrices". Ce fils de pasteur est l’un des rares à accepter de parler à des journalistes. Les militants de Legida comme ceux de Pegida rejettent "la presse menteuse" et, mercredi soir, sur Augustusplatz, certains menacent même les journalistes équipés de micros ou de caméras.
"Je suis ici parce que j’ai peur pour mes enfants", déclare Aaron, comme une évidence. Il n'est pas encore père, mais il souhaite que ses futurs enfants "grandissent dans les mêmes conditions" que lui, "dans un pays de tradition occidentale et chrétienne". "Je n’ai rien contre l’islam, mais si on ne s’y oppose pas aujourd’hui, en 2070, on aura un gouvernement musulman et je ne veux pas que ça arrive", assure-t-il, houellebecquien.
Avant la fin de notre conversation, il ne reste plus sur la place que le petit groupe d’hommes qui démontent la scène, et encore une longue file de camions de police. A quelques centaines de mètres, sur le parvis de la gare, les durs des deux camps s’insultent, se jettent bouteilles et pétards, mais peu après 22h30, tout est fini. Les meneurs de Legida espéraient rassembler 60 000 personnes et ainsi gagner la ville symbole de la révolution de 1989. L’efficacité des contre-manifestations et les dissensions entre leaders ont miné leur grand soir. Et peut-être, aussi, plombé l'ascension fulgurante du mouvement anti-islam.
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