Guerre en Ukraine : la ville de Budapest choisie pour une rencontre Donald Trump et Vladimir Poutine, au grand dam de l'Union européenne

Le sommet pourrait avoir lieu dans deux semaines, ou un peu plus tard, a précisé le Kremlin. Le voyage du président russe dans un pays de l'UE soulève de nombreuses questions.

Article rédigé par franceinfo
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Le Premier ministre hongrois, Viktor Orban, et le président russe, Vladimir Poutine, après une déclaration commune au Kremlin, le 5 juillet 2024 à Moscou (Russie). (ALEXANDER NEMENOV / AFP)
Le Premier ministre hongrois, Viktor Orban, et le président russe, Vladimir Poutine, après une déclaration commune au Kremlin, le 5 juillet 2024 à Moscou (Russie). (ALEXANDER NEMENOV / AFP)

Après l'Alaska, Donald Trump et Vladimir Poutine ont rendez-vous à Budapest. Les deux dirigeants sont convenus, jeudi 16 octobre, de se rencontrer dans la capitale hongroise. La date précise et le lieu précis n'ont pas encore été fixés, mais cela pourrait avoir lieu "d'ici deux semaines, voire un peu plus tard", a ensuite fait savoir le Kremlin. Le Premier ministre hongrois, Viktor Orban, s'est félicité de la nouvelle, affirmant que Budapest était "le seul endroit en Europe aujourd'hui où une telle rencontre peut avoir lieu". La Hongrie est une "île pour la paix", a-t-il ajouté.

Vladimir Poutine est donc sur le point d'être reçu dans un pays de l'Union européenne (UE), alors que Bruxelles planche sur un 19e paquet de sanctions et que la question des visas accordés aux ressortissants russes fait débat au sein des Etats membres. Le journal conservateur hongrois Magyar Hirlap a qualifié la future rencontre de "sévère gifle" infligée aux dirigeants de l'UE, applaudissant la "victoire" décrochée en coulisses par Viktor Orban. Le quotidien britannique The Telegraph a jugé que cette décision était "une humiliation majeure pour l'UE". La Hongrie, en effet, est sans doute l'Etat membre le moins favorable au soutien à l'Ukraine.

"Nous vivons dans le monde réel"

La Maison Blanche semble prêter peu de cas à cet aspect. "Je suis certain que Trump n'est pas au courant et qu'il s'en fout", explique au HuffPost Jim Townsend, spécialiste des questions de sécurité qui a travaillé au sein du secrétariat de la Défense américain et de l'Otan. "[Vladimir] Poutine est un ami de [Viktor] Orban", a éludé la porte-parole Karoline Leavitt. "La plupart des gens n'iraient pas considérer Budapest comme un terrain neutre pour une telle rencontre, mais je suppose que [Donald] Trump et [Vladimir] Poutine le font", ajoute-t-il.

Bruxelles a été mis devant le fait accompli. "Nous vivons dans le monde réel", a commenté Olof Gill, porte-parole de la Commission européenne, cité par l'AFP, rappelant que la tenue du sommet bilatéral n'était pas encore confirmée. "Les réunions ne se déroulent pas toujours dans l'ordre ou le format que nous souhaiterions, mais si elles nous rapprochent d'une paix juste et durable pour l'Ukraine, alors nous devons les accueillir favorablement."

Reste à savoir comment Vladimir Poutine et son ministre Sergueï Lavrov pourraient se rendre en Hongrie. Les avions gouvernementaux russes ont l'interdiction de survoler la majeure partie de l'Europe, en raison des restrictions imposées par l'UE. Chaque Etat membre, toutefois, peut accorder ou non une dérogation à titre individuel. Si le président russe est soumis à un gel de ses avoirs, il n'est pas soumis "spécifiquement à une interdiction de voyager", a rappelé Anitta Hipper, porte-parole de la Commission européenne pour les questions diplomatiques et de sécurité. La participation de l'UE à ce sommet bilatéral, présidé par Viktor Orban, n'est pas assurée à ce stade.

La route la plus courte impliquerait de traverser la Biélorussie, la Pologne et la Slovaquie. Mais on voit mal Varsovie, soutien de l'Ukraine, accorder un sésame. Il est plus probable que l'Iliouchine II-96 présidentiel contourne la difficulté par le Sud. 

Un mandat d'arrêt non respecté

Le voyage de Vladimir Poutine est également un pied de nez à la Cour pénale internationale (CPI), qui a émis à son encontre un mandat d'arrêt pour le crime de guerre de déportation illégale d'enfants ukrainiens. La Hongrie avait déjà annoncé en avril son retrait du Statut de Rome, traité fondateur de la CPI, au moment d'accueillir le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, autre dirigeant visé par un mandat. Mais cette décision devient effective seulement une année après la notification."Un retrait n'a aucune incidence sur les procédures en cours ni sur toute question déjà examinée par la Cour avant la date à laquelle il prend effet", répond la juridiction à franceinfo. "La CPI compte sur les Etats pour exécuter ses décisions."

De droit, Vladimir Poutine devrait donc être arrêté s'il entrait prochainement en Hongrie. Viktor Orban, bien entendu, n'a aucune intention d'honorer cette obligation. Et ce mandat d'arrêt n'a pas non plus dissuadé Vladimir Poutine de se rendre le 8 octobre au Tadjikistan, pays signataire du Statut de Rome.

Sur un plan plus symbolique, enfin, le choix la capitale hongroise reste associée à un douloureux épisode pour Kiev. C'est là que l'ancienne république soviétique a conclu en 1994 un accord, connu sous le nom de mémorandum de Budapest, acceptant de remettre à la Russie les armes nucléaires soviétiques stockées sur son territoire. La Russie de Boris Eltsine s'était alors engagée à respecter l'intégralité territoriale de l'Ukraine. Une promesse que Vladimir Poutine a déjà trahie par deux fois, en 2014 et en 2022.

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