"J'ai énormément pleuré" : un médecin militaire ukrainien retrouve sa mère et sa sœur en France après plus de quatre ans de séparation

Militaire en Ukraine, il a obtenu une permission de dix jours. Leur famille est séparée depuis le départ de la mère et de la fille pour la France en 2020.

Article rédigé par Victor Matet
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Un soldat ukrainien, le 12 décembre 2023. Image d'illustration. (KANIUKA RUSLAN / AVALON / MAXPPP)
Un soldat ukrainien, le 12 décembre 2023. Image d'illustration. (KANIUKA RUSLAN / AVALON / MAXPPP)

Plus de quatre ans sans se voir. Quand à la sortie du collège, Polina, 14 ans, a reconnu son frère, l'adolescente n'y a d'abord pas cru et a été submergée par l'émotion. "Je laisse mes affaires par terre. Je cours dans ses bras. J'ai énormément pleuré. C'était un choc", raconte Polina. "Elle a crié : 'C'est mon frère ! C'est mon frère !", décrit leur maman Joulia qui a filmé la scène.

Loin des tractations diplomatiques, la guerre en Ukraine continue de séparer les familles. Grâce à une permission, David, médecin militaire auprès des démineurs en mer Noire à Odessa, a pu venir à Paris pendant dix jours, retrouver sa mère et sa sœur. Ils ne s'étaient pas vus depuis plus de quatre ans.

Joulia a préparé la surprise depuis deux mois. Elle tente de rassembler ses souvenirs. "J'ai oublié. Il est très très grand et pour moi, c'est mon petit bébé", confie la mère de famille. En 2020, Joulia quitte la ville de Kherson et accompagne sa fille pour vivre à Paris. Polina a été acceptée à l'école de danse de l'Opéra. Son frère et son père restent en Ukraine. Deux ans plus tard arrive la guerre. 

"Toutes les nuits, on entend les bombes qui explosent. Le bruit des combats", explique David. Ce médecin militaire de 1,86 m et âgé de 29 ans, a lui aussi pleuré en revoyant sa sœur et sa mère. Il soigne les plongeurs qui se blessent en allant désactiver les mines. Il s'estime chanceux de ne pas être directement au front mais le quotidien de la guerre n'est jamais loin. "La mort, les gens blessés, les mères qui voient leurs enfants sous les immeubles qui sont tombés, les cris et les pleurs des gens à qui on annonce la perte d'un proche… Toutes les choses horribles qu'on peut imaginer, on les voit", confie le militaire.

"Je dois combattre et protéger mon pays"

Le père de Polina, lui, vit les armes à la main dans le Donbass. Champion de kickboxing avant la guerre, il combat désormais les Russes. Difficile de communiquer par téléphone. Sa femme, en France, regarde les informations. "Ça fait peur et je pleure toujours aussi", confie-t-elle. Polina pense à son frère et son père tout le temps. "J'ai tout le temps peur pour eux, explique la collégienne. Il n'y a pas un moment dans la journée où je me dis 'bon bah ça va'. Il y a toujours des larmes aux yeux. Bien sûr, j'essaie de les cacher pour ne pas leur montrer que je suis triste, pour ne pas les rendre triste, pour qu'ils pensent que je vais bien."

La famille pourrait-elle un jour se retrouver au complet à Paris ? Pas tant que la guerre n'est pas finie. "Mon père et mon frère sont vraiment des patriotes", indique Polina. "Ici, il y a ma famille, explique David. Bien sûr, j'ai envie de rester mais en Ukraine, on a besoin de moi. Je dois combattre et protéger mon pays."

L'entretien prend fin, David et sa femme Victoria  elle aussi médecin et qui a pu l'accompagner en France – doivent partir : ils ont oublié de prendre avec eux leurs médicaments. Des antidépresseurs qui les aident quotidiennement depuis plus de trois ans et le début de la guerre.

Guerre en Ukraine : retrouvailles à Paris - Reportage de Victor Matet

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