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Témoignage Un mois de guerre en Ukraine : "Qu'une guerre devienne la routine, c'est triste à vivre", confie Jacky, un Français resté sur place

Ce Français de 70 ans habite la ville de Jytomyr, à 150 km à l'ouest de Kiev, bombardée au début de la guerre. Il a choisi de rester sur place et témoigne de son quotidien bouleversé.

Article rédigé par Etienne Monin, Gilles Gallinaro
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Jacky, originaire de Boulogne-sur-Mer, dans le Pas-de-Calais, vit depuis trois ans dans la banlieue de Jytomyr, à 150 km à l’ouest de Kiev. (GILLES GALLINARO / RADIO FRANCE)
Jacky, originaire de Boulogne-sur-Mer, dans le Pas-de-Calais, vit depuis trois ans dans la banlieue de Jytomyr, à 150 km à l’ouest de Kiev. (GILLES GALLINARO / RADIO FRANCE)

"Ils ont dû bombarder vers 22h... Je me suis pris un coup dans le ventre, tout a vibré dans la maison" : devant les ruines d’un immeuble coupé en deux par un missile, Jacky Lebas raconte comment, malgré la peur, il vit cette guerre, depuis un mois ce jeudi 24 mars, au coté des Ukrainiens

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Jacky, originaire de Boulogne-sur-Mer, dans le Pas-de-Calais, vit dans la banlieue de Jytomyr, à 150 km à l’ouest de Kiev. La cité de 260 000 habitants fait partie des villes qui ont été lourdement bombardées au tout début du conflit : huit personnes sont mortes, d’après la municipalité. Il y est installé depuis trois ans avec sa femme.

Quand les bombes commencent à pleuvoir sur la ville, dès le début de l’invasion par les forces russes, il choisit de rester, avec de quoi tenir sur la durée. "J'ai fait quelques stocks : 100 kilos de pommes de terre, 25 litres d'huile, 200 litres d'eau, 150 kilos de farine, 100 kilos de sucre. Moi, j'étais prêt !", assure-t-il.


Au début de l'offensive de la guerre en Ukraine, des bombardements ont eu lieu sur des habitations privées dans la banlieue de Jytomyr, comme sur ce bâtiment, photographié le 23 mars 2022. (GILLES GALLINARO / RADIO FRANCE)
Au début de l'offensive de la guerre en Ukraine, des bombardements ont eu lieu sur des habitations privées dans la banlieue de Jytomyr, comme sur ce bâtiment, photographié le 23 mars 2022. (GILLES GALLINARO / RADIO FRANCE)

"La nuit, on dormait dans le jardin, dans la serre"

Dans cette ville de garnison, plantée sur un axe stratégique, les alertes sont incessantes. Les missiles et les bombes tombent sur une école, des magasins, des maisons. 

Le jardin de Jacky devient alors plus rassurant que la cave de la maison : "Quand sont arrivés les bombardements, j'ai dit non, je ne vais pas me mettre dans cette cave ! Si je me mets dans cette cave, et qu'il y a vraiment quelque chose, je me prends la maison sur la tête... Et puis six mois après, si je suis dans la cave, on ne serait toujours pas venu me chercher. Donc la nuit, on restait avec des manteaux. Il y a un mois, il faisait très froid, alors on dormait dans le jardin, dans la serre. Je n'ai pas eu peur une seconde, parce qu'on n'a pas le temps d'avoir peur. C'est une pression que je n'imaginais pas être en état de guerre.

"Ces avions-là, ils larguent les bombes"

D’après lui, les bombardements ont surtout lieu la nuit. Et, à la longue, après plus de 15 jours, l’oreille identifie la menace. 

"C'était toujours le même scénario. C'était horrible. Il y avait des envolées d'oiseaux, comme dans les films de Hitchcock. Et puis, tout de suite après, ces avions, ces avions... Et j'ai réussi, après, à analyser ceux qui passent très haut, très vite, ce n'est pas pour nous, ils vont plus loin. Ceux qui sont plutôt avec des moteurs vrombissant à hélices, qui passent doucement, ceux-là larguent des bombes. Alors, on apprend. C'est triste à vivre parce qu'une guerre devienne la routine, c'est vraiment quelque chose de pas bon", regrette-t-il.

D’après la municipalité de Jytomyr, le dernier bombardement date de presque 15 jours, mais les troupes russes sont à un peu plus de 100 km au nord. Et la crainte maintenant pour le Français, c’est que ça recommence tôt ou tard.

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