Reportage "La protection est compromise" : deux mois après une attaque russe, le dôme de la centrale de Tchernobyl reste endommagé

39 ans après la catastrophe de Tchernobyl, la guerre en Ukraine fait redouter le pire, après une attaque de drone russe il y a deux mois, touchant la centrale nucléaire.

Article rédigé par franceinfo - Stanislas Poyet
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Des soldats ukrainiens participent à des exercices militaires simulant une éventuelle attaque dans la zone de Tchernobyl, à quelques kilomètres de la frontière avec le Bélarus, le 20 février 2023. Photo d'illustration. (SERGEI SUPINSKY / AFP)
Des soldats ukrainiens participent à des exercices militaires simulant une éventuelle attaque dans la zone de Tchernobyl, à quelques kilomètres de la frontière avec le Bélarus, le 20 février 2023. Photo d'illustration. (SERGEI SUPINSKY / AFP)

Un trou noir, béant, comme une plaie ouverte au sommet de l'arche de confinement.  Les fantômes du passé resurgissent, 39 ans après la catastrophe de Tchernobyl, qui plongeait le monde dans l'horreur nucléaire. Le 14 février dernier, une frappe de drone russe a ravagé l'arche de confinement censée sécuriser les vestiges du réacteur détruit. À deux mois de l'attaque, les dégâts apparaissent bien plus graves qu'annoncé. Sur place, l'inquiétude grandit face à cette nouvelle vulnérabilité.

Deux mois après l'attaque de drone russe, l'impact de près de 15 mètres carrés est toujours visible sur la centrale nucléaire de Tchernobyl. Sur le site ultra-sécurisé, au cœur de la zone d'exclusion, Rouslan Hinochouk, adjoint au chef de l'exploitation du nouveau confinement, passe le détecteur de radioactivité.

Il décrit l'ampleur des dégâts : 70 % de la membrane intérieure, censée protéger le site des éléments extérieurs, a été détruite par l'incendie."La maîtrise de l'incendie a été extrêmement complexe, car nous ne savions pas où concentrer nos efforts. Le feu s'est lentement propagé à travers la membrane", détaille-t-il.

"C'est une ligne qui n'aurait jamais dû être franchie"

Sous cette arche d'acier, achevée en 2019, reposent 200 tonnes de combustible nucléaire et des milliers de mètres cubes de déchets hautement radioactifs. "L'impact a compromis le revêtement hermétique de l'arche : sa fonction de protection est compromise. Des éléments pourraient générer de nouvelles fuites de substances radioactives. Nous ne pouvons pas commencer ces opérations tant que le NBS n'est pas entièrement réparé" précise Rouslan Hinochuk.

Depuis son occupation par les Russes en 2022, la pire catastrophe nucléaire de l'histoire s'est invitée dans le conflit armé et le site est devenu une vulnérabilité. Nazar Kovalchuk, conseiller au ministère ukrainien de l'Environnement pour la zone d'exclusion de Tchernobyl, alerte sur les conséquences d'une telle attaque. "C'est une ligne qui n'aurait jamais dû être franchie. Attaquer un site nucléaire protégé au niveau mondial n'est pas seulement une violation du droit, c'est une attaque contre les normes internationales. Si le monde tolère cela, alors plus aucune infrastructure critique n'est à l'abri", dénonce-t-il.

Pour l'heure, l'Agence internationale de l'énergie atomique assure que les niveaux de radiation restent sous contrôle. Mais la réparation de la structure, longue et coûteuse, est désormais la seule barrière contre de nouveaux risques. Sans elle, les travaux de démantèlement du vieux réacteur 4 resteront suspendus.

Le reportage de Stanislas Poyet en Ukraine

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