"On n'avait même plus de cercueils" : dix mois après le début de l'épidémie de Covid-19, retour à Bergame, ville la plus touchée d'Italie
Il y a moins d'un an, le coronavirus touchait l'Europe en commençant par l'Italie. La ville martyre de Bergame et sa province, en Lombardie, ont payé le plus lourd tribut. Aujourd'hui, même si la ville semble mieux armée pour faire face à la deuxième vague, sa population veut savoir pourquoi elle a été en première ligne.
À Bergame, la température est prise partout, même à l'entrée du cimetière en plein air, sous la pluie. Chaque visiteur doit approcher son visage du thermoscanner avant de pouvoir y pénétrer. Stefano Fusco a perdu son grand-père en mars dernier, il tient à montrer la partie du cimetière réservée aux morts du Covid-19. Pourtant, beaucoup sont morts le même jour. En passant près des tombes, il lit la date du décès écrite dessus et elle se répète : "14 mars, 14 mars, 14 mars... C’est comme à la guerre. Des tombes construites dans la précipitation car il n’y avait pas de place."
"On ne s’attendait pas à une telle explosion. Beaucoup n’ont pas eu droit à une sépulture digne."
Stefano Fusco, habitantfranceinfo
"Comme vous pouvez le voir sur chaque tombe, il y a un numéro, décrit Stefano Fusco. Ces personnes sont restées des numéros. On n'avait même plus de cercueils à un moment. Au point que les morts étaient transportés dans des sacs noirs. Et ce n’est pas pareil de transporter un cercueil rigide et un sac avec un corps qui bouge et se plie."
Dans la province, au moins 6 000 personnes sont mortes lors de la première vague. Une augmentation de 600% par rapport à la même période l’année précédente. Un traumatisme pour Stefano qui a fondé l’association "Noi denunceremo" (Nous dénoncerons).
Le pays était-il préparé ?
À quelques mètres du cimetière vit Consuelo Locanti, l'avocate de l'association. "Devant la porte, là, il y a la route où sont passés les fameux camions de l’armée qui transportaient les corps de nos morts", se souvient-elle. Des images qui ont fait le tour du monde. Depuis, le parquet de Bergame a ouvert une enquête tous azimuts pour savoir si le pays était préparé à affronter cette pandémie. Les plaignants veulent comprendre : pourquoi est-ce qu'il n'y a pas eu de zone rouge dans la province de Bergame ? Pourquoi le système de santé a-t-il été dépassé ? Pour l'heure, le président du Conseil, les ministres de l’Intérieur, de la Santé et le président de la région Lombardie, entre autres, ont déjà été entendus.
De son côté, l’avocate Consuelo Locanti – dont le père est mort des conséquences du coronavirus puisque son masque à oxygène lui a été retiré pour le donner à un patient plus jeune – a mis la main sur deux documents décisifs selon elle. L'un provient du gouvernement, l'autre de l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS). "Ces documents démontrent que nous n'avions aucun plan contre la pandémie et que l'Italie a même violé une décision du Parlement européen qui imposait un plan dès 2013, explique-t-elle. Ces documents sont des actes d'accusation contre le gouvernement et la région. Si l'Italie avait eu un vrai plan contre la pandémie, nous aurions probablement épargné au moins 10 000 vies."
"Sur 600 médecins de famille dans la province, six sont morts et 150 sont tombés malades."
Guido Marinoni, médecinfranceinfo
À la présidence de l'Ordre des médecins de Bergame, là aussi il faut obligatoirement se faire prendre la température et se laver les mains, mais la situation est bien plus calme. Guido Marinoni, le président de l'Ordre des médecins, explique qu'il n'y a plus d’urgence à Bergame, tellement la population a été touchée la première fois. Il en tire des premières conséquences : "Avant tout, on doit pouvoir compter sur la santé publique. On doit avoir un plan de lutte contre les pandémies, on a besoin de tracer les cas, d'isoler les patients pour éviter de faire exploser l'épidémie dans les hôpitaux."
Ce ne sont pas les seuls manquements que Guido Marinoni pointe du doigt. Selon lui, "les médecins ont été abandonnés sans protection individuelle. Ils se sont retrouvés devant le dilemme de ne pas pouvoir visiter leurs patients ou d'y aller sans être protégés, quitte à se rendre malade et à être contagieux." Et le médecin de poursuivre : "Il ne suffit donc pas d’avoir les meilleurs hôpitaux, c'est bien le maillage territoriale des soins de santé qu'il faut repenser." En effet, pour le président de l'Ordre des médecins, le problème est aussi là : "Il manque cruellement de médecins de famille et d'infirmiers."
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