Jacques-Marie Bourget : « Une balle de M16, peu de gens peuvent en parler »
Grand reporter, correspondant de guerre, Jacques-Marie Bourget a connu tous les terrains de guerre. Mais derrière son sourire, une blessure subsiste, celle qu'il a reçue en 2000 à Ramallah quand il a été victime d'un tir israélien. Qui a failli le tuer.
Ancien de l'ORTF, l'Express, Paris-Match...Jacques-Marie Bourget, aujourd'hui âgé de 70 ans, a connu de nombreux terrains de conflits (Vietnam, Proche-Orient, Ex-Yougoslavie...). «J'ai été envoyé sur tous les terrains depuis 1967, la guerre des Six jours. Je me croyais assez malin pour éviter une balle», raconte-t-il, sous le ciel normand de Bayeux où se tient le Prix des correspondants de guerre.
Jacques-Marie Bourget était alors grand reporter à Paris Match et il couvrait la seconde intifada. Nous sommes en 2000, dans la ville palestinienne de Ramallah quand il reçoit une balle de M16 israélien dans le poumon, à côté du cœur.
Fort de son expérience, il mesurait le danger, connaissant les risques à ne pas prendre mais «je n'avais pas pensé que des gens me tireraient dessus sciemment». Grièvement blessé, il échappe de peu à la mort, grâce aux médecins palestiniens. Puis, en but aux tracasseries israéliennes, le journaliste doit à l'intervention personnelle de Jacques Chirac, en voyage présidentielle en Chine, auprès du premier ministre israélien Ehoud Barak, de pouvoir être évacué vers la France.
Mais la blessure demeure, profonde. Pas seulement la blessure physique et ses séquelles handicapantes, mais aussi psychologiques. «Savoir qu'on a été visé ; ne pas connaître la tête de celui qui a tiré, cela rend difficile de 'faire son deuil' pour reprendre une expression connue. Moi je ne sais rien».
Je suis mort et ressuscité
De cette expérience, le journaliste ne sort pas indemne : «je suis mort et ressuscité. Ca laisse des traces. Je suis devenu peureux, on se remet mal». Elle l'autorise à avoir un regard, critique, sur la profession de journaliste aujourd'hui.
«Ce métier on le fait par plaisir, parcequ'on veut rapporter. Il y avait une tradition, regrette-t-il. Le reporter sur le terrain avait toujours raison. En cas de désaccord avec le média, on s'expliquait au retour. Aujourd'hui, ce n'est plus lui qui a raison, mais Paris, la hiérarchie, les autres médias... On lui tire dans le dos ».
Et derrière son éternel sourire, il se fait le procureur d'une professions «sinistrée» où s'imposent les pressions «économiques et idéologiques, plus proches des marchés que de Karl Marx».
Les journalistes eux-mêmes ont changé, selon Jacques-Marie Bourget. «Ils sont trop diplomés, ils veulent réussir. On était des fous, des maladades, maintenant ce sont des cadres». Pour lui, faisant notamment allusion aux chaînes d'info continue, les envoyés sont trop jeunes : «il faut avoir de l'expérience, avoir plus de cinquante ans, ça évite de dire des conneries».
Les pieds dans le sang et les tripesLe grand reporter, devenu écrivain, (il vient de sortir Le vilain petit Qatar, avec Nicolas Beau Fayard) estime que son plus grand souvenir remonte à 1991. Lors de la première guerre du Golfe, il est l'un des trois seuls journalistes «occidentaux» à être resté à Bagdad sous les bombes. «J'ai passé la guerre là-bas, c'était dur. J'ai vu le bombardement d'un abri avec des civils. Quelque 400 morts. Les pieds dans le sang et les tripes. La solitude, on est seul avec ses infos, même si j'ai réussi à faire parvenir des photos à Paris Match». Pendant ce temps, du côté occidental, la propagande parlait d'un abri militaire, malgré les affirmations des journalistes sur place.
«Au Kosovo, c'était la même chose, on parlait de 100.000 morts. On me demandait de les trouver. En vain. Alors aujourd'hui quand on parle de 100.000 morts en Syrie, on doute ». Le doute, une vertu majeure du métier selon lui. «Et puis c'est un métier qu'on ne peut pratiquer qui si on n'a mauvais caractère »...On a pourtant du mal à le croire avec sa voix calme et son éternel sourire.
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