Reportage "Ça ne changera rien" : la reconnaissance de l'Etat de Palestine par la France laisse des habitants de Cisjordanie sceptiques

Alors que la France doit reconnaître l'État de Palestine lundi au cours de la 80e Assemblée générale des Nations unies, en Cisjordanie occupée, les Palestiniens scrutent cette initiative avec prudence.

Article rédigé par franceinfo
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  (PAUL ROQUECAVE / HANS LUCAS)
  (PAUL ROQUECAVE / HANS LUCAS)

À Raba, petite commune de 5 000 habitants dans le nord de la Cisjordanie occupée, le chant du coq est perturbé par un bruit bien connu des Palestiniens. Les bulldozers israéliens s'activent sur place depuis trois mois. Mais certains ont un mince espoir que les choses changent : Emmanuel Macron doit prendre la parole lundi 22 septembre dans l'enceinte des Nations unies afin d'y proclamer la reconnaissance française de l'État de Palestine.

Juché sur une colline, Ghassan Bazour, le maire de Raba balaye la zone des yeux. "Les habitants n'ont plus le droit d'aller sur leurs terres. Ils ne peuvent pas non plus faire paître leurs bêtes pour ceux qui en ont. Au début, ils vont construire une base militaire, mais ensuite, de nouvelles colonies seront sans doute érigées ici", se désole-t-il.

"Aucune application n'a suivi"

Plus de 13 hectares ont été saisis précise le maire. Pour lui et ses administrés, la course contre la montre a désormais commencé. De retour à la mairie, l'édile retrouve un de ses conseillers municipaux. Ensemble, ils feuillettent le dernier document envoyé par les autorités israéliennes, qui annoncent de nouvelles saisies de terres dans la région. "J'espère que la reconnaissance de l'Etat de Palestine va les pousser à mettre fin à ces opérations", glisse Ghassan Bazour.

"C’est une bonne chose cette reconnaissance, c’est un pas dans le bon sens. Mais il va falloir faire bien plus."

Ghassan Bazour, maire de Raba

à franceinfo

Son conseiller municipal, Amar Bazour, se fait lui peu d'illusions : "Si c'est juste une reconnaissance de papier, ça ne changera rien à notre quotidien. Il y a des résolutions de l'ONU depuis des décennies maintenant. Aucune application n'a suivi". Habitués aux déceptions à répétition, les Palestiniens, assure-t-il, ne peuvent que rester prudents face à l'initiative française. "Nous avons perdu confiance dans la plupart des pays au monde", lâche-t-il.

Le gouvernement palestinien réprouvé

La France veut également régénérer l'Autorité palestinienne. Mais cette dernière est aujourd'hui impopulaire et en perte de vitesse en Cisjordanie. Derrière une longue allée de palmiers, à quelques kilomètres de Ramallah, le village de Tourmoussaya subit l'occupation israélienne de plein fouet. "Ici, actuellement, l'Autorité palestinienne ne nous aide pas beaucoup, on peut dire qu'on est seul à 90 %", se désole Yaser Alkam qui travaille à la municipalité et ne peut qu'énumérer les restrictions de circulations ou encore les attaques de colons.

L'autorité Palestinienne est aussi très impopulaire, précise Zayan Abu Daka, le cofondateur d'un institut de sondage : "Le parti au pouvoir a été critiqué pour la corruption, pour son système clientéliste qui favorise les proches. C'est vrai que ça existe".

À cause des restrictions israéliennes, l'Autorité palestinienne est en banqueroute. Elle n'a pas la main sur la sécurité, mais manque surtout de projet politique : "Nos leaders, jusqu'à maintenant, ont adopté une stratégie de la survie et de l'attente. Et ça n'a rien apporté, juste rendu les Palestiniens plus faibles", observe le politologue Hani Al Masri. Le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas manque aussi de légitimité. Il n'y a d'ailleurs pas eu d'élection en Palestine depuis maintenant 20 ans.

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