"Paradise Papers" : la France peut "toute seule" décider de "taxer différemment les multinationales"
"Il y a un moment où il faut dire qu'on prend nos responsabilités et on réforme notre fiscalité, tout seul" a affirmé lundi sur franceinfo Gabriel Zucman, professeur d’économie, suite aux révélations des "Paradise Papers".
Dix-huit mois après les "Panama Papers", les "Paradise Papers" révèlent un nouveau scandale financier à l'échelle mondiale grâce à des millions de documents qui ont fuité, issus notamment du cabinet britannique Appleby, spécialisé dans l'optimisation fiscale.
"Il y a eu des progrès qui ont été faits", comme l'"échange automatique d'informations bancaires entre les pays qui commence à être mis en place", a commencé lundi 6 novembre sur franceinfo, Gabriel Zucman, professeur d’économie à Berkeley et auteur en 2013 de La richesse cachée des nations, enquête sur les paradis fiscaux paru au Seuil. Mais "il y a encore une opacité financière considérable" selon lui. Il affirme que la France pourrait décider "toute seule" de taxer par exemple Apple "sur ses profits réalisés" sur son territoire.
franceinfo : que révèle l'affaire des "Paradise Papers", cela veut-il dire que rien n'a changé depuis les "Panama Papers" par exemple ?
Gabriel Zucman : Non il y a eu des progrès qui ont été faits au cours des dernières années en matière de lutte contre l'évasion fiscale, en particulier un échange automatique d'informations bancaires entre les pays qui commence à être mis en place. Mais on est qu'au début de la lutte contre les paradis fiscaux. Il y a encore une opacité financière considérable. Il y a 8% de la richesse financière des ménages qui est distribuée dans les paradis fiscaux et il y a une optimisation fiscale grandissante de la part des multinationales du monde entier. Il reste beaucoup de travail pour réduire cette opacité fiscale, réduire cette optimisation, réduire cette évasion fiscale (…). Comme on fait trop peu pour créer de la transparence financière et pour bien taxer les multinationales, elles ont toujours une longueur d'avance, mais ça ne tient qu'aux États d'inverser la situation. On pourrait par exemple créer des cadastres financiers qui enregistreraient les propriétaires des actions des obligations, des parts de fonds de placement de la même manière pour les propriétaires des logements et des terrains.
Qui est responsable de cette situation, comment peut-on l'expliquer ?
On a laissé toute une industrie de gestion de fortunes se développer à l'abri des regards dans les paradis fiscaux avec des fondations des sociétés écran qui permettent aux grandes fortunes de dissimuler leurs richesses, de payer peu et parfois pas d'impôts. Surtout, on a laissé les multinationales délocaliser de façon artificielle leurs profits dans les paradis fiscaux comme les Bermudes. Par exemple en 2015, Google a fait 15,5 milliards de dollars de profits aux Bermudes où l'impôt sur les sociétés est de 0%. Et c'est ça le problème auquel il faut s'attaquer aujourd'hui. Il faut que ces révélations suscitent une prise de conscience et surtout une action politique pour résoudre les problèmes très réels qui se posent aujourd'hui.
Toutes ces pratiques sont-elles toutes légales ? N'est-ce pas du blanchiment d'argent sale ?
C'est légal et parfois ça ne l'est pas. Cela se passe dans une zone grise. Ce qui est à peu près légal la plupart du temps, c'est quand les multinationales enregistrent des profits faramineux, aux Bermudes ou dans d'autres paradis fiscaux de cette nature. Il ne tient qu'à nous de faire différemment. Ce qui est essentiel de comprendre, c'est qu'on peut taxer différemment les multinationales. On pourrait dire par exemple dire que si Apple fait 100 milliards de dollars de profit au niveau mondial et 10% de ces ventes en France, on peut considérer que 10 % de leurs profits, c’est-à-dire 10 milliards de dollars sont taxables en France et on appliquerait notre taux d'impôts sur les sociétés. Ça, c'est une réforme que la France pourrait faire demain toute seule et ça mettrait un terme à ce problème d'optimisation fiscale des multinationales qui coûte plus de 10 milliards d'euros par an à la France. Il y a un moment où il faut dire qu'on prend nos responsabilités et on réforme notre fiscalité, tout seul. On n'a pas besoin de l'accord du Luxembourg, on peut taxer Apple en prenant leurs profits mondiaux consolidés et en calculant la portion de ses profits réalisés en France en regardant les ventes que fait Apple en France. On peut le faire nous-mêmes à partir de l'année prochaine.
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