: Vidéo "Il faut arrêter l'horloge maintenant" : le prix Nobel d'Economie Philippe Aghion plaide pour "stopper" la réforme des retraites jusqu'à la présidentielle
Lundi 13 octobre, l'économiste Philippe Aghion a reçu le prix Nobel d'économie. Invité du 20 Heures de France 2, il a tenu à alerter sur la nécessité de la France et de l'Europe à ne pas laisser trop d'avance aux États-Unis et à la Chine en matière de high-tech. Il s'est par ailleurs dit opposé à la taxe Zucman.
Ce texte correspond à une partie de la retranscription du reportage ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder dans son intégralité.
Léa Salamé : Philippe Aghion, vous êtes prix Nobel d'économie. Comment avez-vous réagi quand on vous a appelé ? Comment ça s'est passé ?
Philippe Aghion : On m'a appelé à 10h30. Un numéro qui commençait par 46. Je sais que 46, c'est la Suède. J'étais très surpris parce que je ne pensais pas du tout que cela pouvait arriver et certainement pas cette année.
Et vous avez décroché le numéro 46 ?
J'ai décroché le numéro 46. Je ne trouvais pas mes mots, j'essayais de trouver les mots, mais je n’y parvenais pas, je n’arrivais pas à faire une phrase. Je n'arrivais plus à m'exprimer.
À qui avez-vous pensé en premier quand on vous a dit que vous étiez prix Nobel d'économie ?
J'ai pensé d'abord à mes parents, Gabi et Raymond, qui ont tous deux été des innovateurs à leur façon. Raymond voulait faire la révolution sociale en Égypte, un pays avec beaucoup d'analphabétisme et très inégal, et il voulait transformer l'Égypte en associant le mouvement surréaliste naissant. Ensuite, ils sont venus en France et ont été très proches des surréalistes. Et ma mère, elle a innové en créant le prêt à porter de luxe avec la création de la maison Chloé.
Vos travaux ont été récompensés pour le lien que vous faites entre l'impact des nouvelles technologies sur la croissance économique. Vos premiers mots étaient de dire qu'il faut que les Européens se réveillent, qu'il ne faut pas qu'on soit en retard et qu'on laisse les Américains et les Chinois devenir leaders sur les nouvelles technologies. C'est ça le message que vous avez envie de passer ce soir ?
C'est vraiment de dire que l'Europe doit se réveiller. On décroche technologiquement par rapport aux États-Unis et à la Chine depuis les années 1990. Eux font de l'innovation de rupture high-tech et nous, on reste cantonnés à l'innovation incrémentale mid-tech. L'Europe a besoin de devenir innovante parce que sinon, l'Europe va décliner.
Et ce n'est pas trop tard déjà ?
Je pense qu'il n'est absolument pas trop tard. On a des atouts formidables, des chercheurs, des mathématiciens, et de formidables ingénieurs. Et puis, on a du soft power. C'est-à-dire que le soft power, c'est d'abord que la démocratie et la liberté, c'est en Europe d'abord. Le modèle social, c'est en Europe d'abord. L'environnement, c'est chez nous. Donc, on peut attirer. Plein de gens veulent venir travailler chez nous. Il faut que nous, on se réveille, qu'on crée l'écosystème qui favorise l'innovation. Donc, l'Europe doit revoir sa doctrine économique qui était très rigide. Trop de régulations, trop de contraintes pour sortir de là. Et on veut réconcilier innovation et modèle social. On ne veut pas perdre le modèle social.
Philippe Aghion, vous avez conseillé François Hollande, puis Emmanuel Macron en 2017, quand il a établi son programme économique. Aujourd'hui, on est huit ans après. La France traverse une crise politique comme jamais. Est-ce qu'il faut suspendre la réforme des retraites ?
Il faut arrêter l'horloge maintenant jusqu'aux élections présidentielles. C'est-à-dire qu'on est à 62 ans et 9 mois, on stoppe à 62 ans et 9 mois jusqu'aux élections présidentielles.
On peut se le permettre ?
On peut absolument se le permettre, ça ne coûte pas très cher de stopper. Cela ne veut pas dire que la réforme est supprimée normalement, ça veut dire que si rien ne se passe, ça reprend en 2027. Et puis maintenant, le nouveau président ou le nouveau gouvernement ou le nouveau parlement peut décider d'une nouvelle loi. Mais on stoppe l'horloge, c'est simplement qu'on interrompt l'horloge pour un an. Je ne sais pas si le mot suspension fait peur, mais c'est évident qu'il faut faire ça. C'est la façon de calmer les choses. Moi, j'ai toujours été pour un 63 ans plus revoyure. Et je dois vous dire que même les LR étaient pour. Le regretté Olivier Marleix et Xavier Bertrand étaient d'accord sur l'idée d'un 63 ans et revoyure. Laurent Berger aussi. Donc, je crois que ça peut être vraiment une ligne de consensus.
En revanche, sur la taxation des hauts patrimoines, on écoutait François Hollande tout à l'heure, la taxe Zucman, vous, vous êtes contre ?
Je pense qu'il faut qu'il y ait un effort des hauts patrimoines, mais je ne veux pas toucher l'outil productif et je ne veux pas toucher ceux qui cherchent à innover. Par exemple l'intelligence artificielle. Est-ce que la France doit manquer cette révolution ? On parle toujours d'Arthur Mensch, mais il y en a d'autres également. Si vous voulez, ils ont des entreprises très valorisées mais qui donnent très peu de revenus. Donc cela veut dire que si on mettait en place la taxe Zucman, pour payer leurs impôts, ils devraient trouver des prêteurs. Au lieu d'essayer de trouver des financiers pour financer l'innovation, ils devraient consacrer leur énergie à payer leurs impôts. Donc évidemment, ils ne vont pas tenir la concurrence avec d'autres licornes ailleurs. C'est évident qu'à ce moment-là, on risque de manquer la révolution de l'intelligence artificielle. Est-ce qu'on veut la manquer ? Non. Parce qu'on parle du réveil européen, justement. Et j'aime beaucoup Gabriel Zucman. C'est un formidable économiste et c'est un bon ami. J'ai une énorme estime pour lui. Mais là-dessus, nous avons un petit différent. Cependant, je pense qu'il faut taper sur les niches, par exemple les holdings familiales, il y a un abus des holdings familiales.
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