Assassinat de militantes kurdes : "Ce qu'on dira sera interprété pour servir un camp ou l'autre"
Trois militantes kurdes ont été assassinées jeudi à Paris, au moment où le PKK a conclu un accord avec la Turquie. Sabri Cigerli, spécialiste de la question kurde, invite à la prudence.
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Trois douilles et trois cadavres découverts dans la nuit de mercredi à jeudi 10 janvier, à Paris. Les trois femmes tuées étaient des militantes de la cause kurde. L'une d'elles, Sakine Cansiz, est même considérée comme la cofondatrice du mouvement turc armé et marxiste du Parti des travailleurs au Kurdistan, le PKK.
Assassinat politique ? "Elles ont sans doute été exécutées", s'est contenté de déclarer le ministre de l'Intérieur, Manuel Valls. L'assassinat n'a pas été revendiqué, mais il survient alors que les services secrets turcs sont sur le point de conclure un accord mettant fin au conflit avec les séparatistes kurdes, qui a fait 40 000 morts depuis 1984. Le gouvernement turc parle lui d'un conflit interne au PKK. D'autres dénoncent un assassinat mené par les autorités turques ou un parti d'extrême droite. Sabri Cigerli, auteur de plusieurs ouvrages sur la question kurde, dont Les réfugiés kurdes d'Irak en Turquie (L'Harmattan), et professeur à l'université Paris VIII, invite à rester très prudent sur toute interprétation.
Francetv info: Pouvez-vous nous dire qui est Sakine Cansiz ?
Sabri Cigerli : C'est l'une des fondatrices du PKK. Elle a eu un parcours mouvementé. Elle a été prisonnière politique, était proche d'Abdullah Öcalan, leader du PKK [détenu à l'isolement sur l'île d'Imrali, en mer de Marmara, depuis 1999]. Elle a été un temps opposante au sein même du parti, puis s'en est rapprochée. Mais cela ne donne aucune explication, tout peut être mal interprété. Ça ne veut pas dire qu'elle était contre l'accord de cessation des hostilités. Elle n'avait pas fait de déclaration en ce sens.
Ce qu'on peut dire sur son assassinat et celui des deux autres femmes va être interprété pour servir un camp ou l'autre. Des éditorialistes accusent l'Etat turc, car le PKK est en train de trouver un accord avec le gouvernement. Du côté des autorités turques, on affirme que c'est une affaire interne au PKK.
Pourquoi le gouvernement turc cherche-t-il à signer un accord avec le PKK ?
Il y a d'abord un facteur de politique intérieure. Il y a eu en Turquie une grève de la faim de très nombreux militants politiques kurdes. Ils dénonçaient le maintien à l'isolement d'Abdullah Öcalan et y ont mis fin en novembre après 68 jours. Ça a créé une atmosphère tendue. Or, en 2014 doit se dérouler une élection présidentielle que souhaite remporter le Premier ministre, Tayyip Erdoğan. Il a intérêt à régler cette question.
La montée en puissance des Kurdes en Syrie et en Irak joue-t-elle aussi un rôle dans la conclusion de cet accord ?
Oui, car le gouvernement turc redoute que les Kurdes de Syrie, mais aussi d'Irak, ne donnent un mauvais exemple aux Kurdes de Turquie.
Le parti pro-PKK en Syrie, le PYD, contrôle une partie importante de la Syrie qui correspond au Kurdistan [région habitée majoritairement par les Kurdes, qui s'étend de la Turquie à l'Iran en passant par la Syrie et l'Irak] de l'Ouest. Pour les Kurdes de Syrie, les islamistes et Bachar Al-Assad sont deux dangers. Ils ne sont alliés à aucun camp. Mais les Kurdes y sont en situation de puissance.
A côté, le Kurdistan d'Irak est presque indépendant et s'enrichit avec le pétrole qu'il vend. D'ailleurs, la Turquie a des relations commerciales et politiques importantes avec ce territoire, même s'il sert de base arrière au PKK. Tout cela est gênant pour le gouvernement turc, entouré d'ennemis en Irak, en Iran, en Syrie. Il est contraint de chercher une alliance, mais pour cela il doit d'abord trouver une solution avec ses propres Kurdes, d'où l'accord avec le PKK.
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