"C'était la voix de Gaza qui appelait à l'aide" : on vous raconte l'histoire de Hind Rajab, 5 ans, héroïne posthume d'un film ovationné à la Mostra de Venise
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"La Voix de Hind Rajab", qui raconte les dernières heures d'une fillette gazaouie tuée par l'armée israélienne en janvier 2024, pourrait décrocher le Lion d'or.
Vingt-trois minutes d'ovation et de nombreuses larmes. La Voix de Hind Rajab a secoué la Mostra de Venise, mercredi 3 septembre, se hissant parmi les favoris pour décrocher le Lion d'or lors de la clôture du festival italien de cinéma samedi soir. Le film de Kaouther Ben Hania retrace les dernières heures d'Hind Rajab, fillette de cinq ans tuée avec sa famille dans la bande de Gaza en janvier 2024. Au cœur du long-métrage : les enregistrements des trois heures que l'enfant a passées au téléphone avec les secours, avant de succomber à ses blessures.
"Lorsque j'ai entendu pour la première fois la voix d'Hind Rajab, il y avait quelque chose de plus que sa voix. C'était la voix de Gaza qui appelait à l'aide et personne ne pouvait entrer", confie Kaouther Ben Hania, alors qu'Israël intensifie encore son offensive dans l'enclave palestinienne, ravagée par deux ans de guerre contre le Hamas. La famille de la jeune gazaouie a autorisé la cinéaste tunisienne à utiliser le son de son appel d'urgence, enregistré par le Croissant-Rouge palestinien le 29 janvier 2024.
Des tirs nourris pendant l'appel
Ce jour-là, Omar, un opérateur de l'ONG, est au téléphone dans les bureaux de l'organisation à Ramallah (Cisjordanie). Plus de 80 kilomètres le séparent de la ville de Gaza et de Layan Hamada, la jeune Palestinienne qui se trouve au bout du fil. Quelques heures plus tôt, l'armée israélienne a appelé à l'évacuation immédiate de l'ouest de la localité, où l'adolescente de 15 ans habite avec sa famille, raconte The Washington Post. Cherchant à fuir vers le nord, les parents de Layan ont fait grimper leurs trois enfants, ainsi que leur nièce Hind Rajab, dans leur voiture. Les autres proches de la fillette, dont sa mère, ont évacué à pied.
Mais le véhicule des Hamada ne parcourt que 400 mètres avant de s'immobiliser, entouré par des chars israéliens et visé par des tirs. Bashar Hamada, sa femme et deux de ses enfants sont tués. Seules Layan et Hind survivent. Vers 13 heures, l'adolescente parvient à joindre l'un de ses oncles, qui donne l'alerte au Croissant-Rouge palestinien. Il faut plus d'une heure à l'ONG pour parvenir à contacter Layan Hamada sur son portable. "Ils nous tirent dessus. Le tank est près de moi", panique-t-elle, dans l'enregistrement relayé par Al-Jazeera. "Vous êtes cachées ?", lui demande Omar, l'opérateur.
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La conversation est interrompue par des bruits de tirs nourris, accompagnés des hurlements terrorisés de Layan Hamada. Les cris s'arrêtent, la ligne coupe, raconte-t-il sur franceinfo. Omar vient d'entendre la jeune fille se faire tuer. Selon l'enquête du Washington Post, qui s'appuie sur une analyse de l'enregistrement audio, plus de 62 tirs ont visé la voiture en seulement six secondes.
"J'étais en dissociation, comme si mon esprit avait quitté mon corps. Je n'arrivais pas à comprendre ce à quoi je venais d'assister."
Omar, opérateur du Croissant-Rouge palestiniensur franceinfo
Omar rappelle le numéro. Dernière survivante, Hind Rajab répond au téléphone. La voix tremblante d'effroi, la fillette de cinq ans explique qu'un char israélien continue de s'approcher de la voiture. Blessée au dos, à la main et au pied, selon des proches cités par Le Monde, elle est assise sur la banquette arrière, entourée de six cadavres. Sous le choc, Omar transfère l'appel à sa collègue Rana.
"S'il te plaît, viens me chercher !"
Durant plus de trois heures, l'opératrice du Croissant-Rouge tente de rassurer l'enfant. "Parfois, elle me disait : 'Ils [ses proches] sont tous en train de dormir'. Et à d'autres moments : 'Ils sont tous morts, il y a du sang partout, il y a des tirs'", se remémore Rana, interrogée sur franceinfo. "J'entendais le bruit du tank. (...) A un moment, il s'est déplacé et j'ai entendu Hind pleurer et hurler de peur", témoigne-t-elle encore, auprès d'Al-Jazeera.
"Sa voix était pleine de tristesse et de détresse", se souvient l'opératrice, qui entend aussi des drones et des tirs sporadiques. Alors que la nuit tombe, Hind Rajab est de plus en plus faible, et de plus en plus effrayée. "J'ai tellement peur, s'il te plaît, viens me chercher !" implore-t-elle.
Rana promet de lui venir en aide, mais le Croissant-Rouge doit obtenir le feu vert de l'armée israélienne avant d'envoyer une ambulance sur place. La coordination avec l'Etat hébreu prend du temps. "[Hind] m'a dit : 'Dans combien de temps tu seras là ?' J'ai répondu 'une heure'. Finalement, une heure et demie s'est écoulée et nous n'avions toujours envoyé personne", regrette l'opératrice.
Les secouristes visés à leur tour
Le Croissant-Rouge n'obtient l'autorisation d'intervenir qu'à 17h40, reconstitue The Washington Post. Peu avant 18 heures, l'ambulance arrive enfin dans la rue où se trouve Hind Rajab. "On était toujours en ligne avec elle et en lien avec nos secouristes", poursuit Rana sur franceinfo. Les deux ambulanciers informent l'ONG qu'ils sont visés par des lasers. "Tout d'un coup, on a entendu des tirs. Jamais on n'aurait pensé que c'était l'ambulance qui était ciblée, elle était presque au niveau de Hind." Rama perd le contact avec la fillette et ses collègues avec les secouristes.
Il faut douze jours pour que le Croissant-Rouge parvienne à envoyer une nouvelle équipe sur place. Elle y découvre "les corps en décomposition" de Hind Rajab et de ses proches, dans une voiture "criblée de balles", révèle un rapport de l'ONU rendu public en juillet 2024. L'ambulance venue à sa recherche est retrouvée quelques dizaines de mètres plus loin, "complètement détruite", avec à son bord "les dépouilles de deux secouristes", précise le document.
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Pour le Croissant-Rouge, le véhicule des secours, clairement identifiable, a été ciblé par l'armée israélienne. Une attaque qui pourrait consister un "crime de guerre", tout comme le meurtre de Hind Rajab et de sa famille, dénonce le rapport des Nations unies. Interrogée par l'AFP, l'armée israélienne assure être encore "être en train d'examiner" les circonstances de la mort de la jeune Palestinienne. Comme elle, plus de 63 000 Gazaouis ont perdu la vie depuis le début du conflit, selon le ministère de la Santé, administré par le Hamas.
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