Cessez-le-feu à Gaza : pourquoi le désarmement du Hamas, prochaine étape du plan Trump, est à la fois crucial et très incertain

Article rédigé par Lamis Djemil
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min
Des combattants du Hamas sont réunis à Nuseirat (bande de Gaza), le 22 février 2025. (BASHAR TALEB / AFP)
Des combattants du Hamas sont réunis à Nuseirat (bande de Gaza), le 22 février 2025. (BASHAR TALEB / AFP)

Le mouvement islamiste palestinien refuse pour l'instant de rendre les armes. Une condition pourtant considérée comme incontournable pour mettre en œuvre la suite du plan de paix dans la bande de Gaza.

Le cessez-le feu dans la bande de Gaza, entré en vigueur il y a une semaine, peut-il durer ? Alors que la première phase du plan Trump, qui prévoit la libération de tous les otages israéliens en échange de prisonniers palestiniens, se poursuit tant bien que mal, l'instauration d'une paix durable reste soumise à de nombreuses inconnues, et notamment à un hypothétique désarmement du Hamas.

L'organisation islamiste palestinienne a réaffirmé, vendredi 17 octobre, "son engagement" à mettre en œuvre l'accord de cessez-le-feu et à "remettre tous les corps restants" des otages, après n'en avoir restitué que neuf sur 28. Une fois cette condition remplie, une deuxième phase du plan imaginé par le président américain est censée s'ouvrir. Elle prévoit de "désarmer" et de "démilitariser" le Hamas, condition posée par Israël pour poursuivre son retrait progressif de la bande de Gaza.

Désarmer ou démilitariser, deux réalités distinctes

Dans le texte du plan Trump, le "désarmement", défini au point 6, correspond à un "décommissionnement des armes", autrement dit leur remise ou leur confiscation sous supervision internationale. Le point 13, lui, prévoit une "démilitarisation", c'est-à-dire la destruction des infrastructures militaires (tunnels, dépôts et ateliers de fabrication d’armes). Désarmement et démilitarisation "sont indissociables dans la lettre et l’esprit du plan Trump", souligne David Rigoulet-Roze, chercheur associé à l’Institut français d’analyse stratégique (Ifas) et spécialiste des conflits au Moyen-Orient. Le plan américain prévoit également une "amnistie" pour les membres du Hamas qui accepteraient une "coexistence pacifique" et choisiraient l’exil.

En revanche, les modalités de contrôle restent floues : le texte mentionne une supervision "d’observateurs indépendants" sans désigner d’acteurs précis à ce stade. "Il faut qu’il y ait des acteurs capables de constater la réalité du désarmement", précise David Rigoulet-Roze. "L’Egypte, en raison de ses relations de longue date avec Israël et de sa connaissance du terrain, pourrait jouer un rôle important. La Turquie également, parce qu’elle a exercé une pression déterminante sur le Hamas pour qu’il accepte les paramètres du plan Trump, même si les relations avec Israël demeurent empreintes de défiance."

Un arsenal dispersé et difficile à tracer

Deux ans après le début du conflit, le Hamas reste bien présent dans la bande de Gaza, bien que ses capacités aient été affaiblies. Il n'existe pas de décompte vérifié sur les pertes du mouvement islamiste. En fonction des sources et des estimations, entre 8 000 et 12 000 combattants ont été tués en deux ans, sur les 25 000 à 30 000 que comptait le groupe palestinien avant le 7 octobre 2023.

Le Hamas dispose encore d’un arsenal diversifié incluant armes légères, roquettes artisanales et drones rudimentaires. Comme l'avait relevé en 2018 le Small Arms Survey, un programme de recherche suisse spécialisé dans l'armement, le Hamas a développé de longue date une filière locale de fabrication de roquettes à partir de matériaux civils détournés.

Pendant plusieurs années, bien avant le 7-Octobre, des composants ont pu être acheminés par la mer avant la mise en place du blocus israélien, ou depuis la région égyptienne du Sinaï, via des tunnels de contrebande menant dans la bande de Gaza, comme le rapportaient à l'époque le think-tank israélien Institute for National Security Studies (INSS) et le Département d'Etat américain. Les autorités égyptiennes affirment avoir détruit la majorité des tunnels reliant Rafah, dans le sud de l'enclave, à Gaza, au Nord, entre 2013 et 2019, même si Israël a laissé entendre à plusieurs reprises qu'ils existaient toujours, rapporte AFP Factuel.

Sous terre, une guerre invisible

Depuis le 7-Octobre, c'est un autre réseau de tunnels auquel Israël s'attaque : ceux qui ont permis au Hamas de cacher ses armes, de circuler dans la bande de Gaza sans se faire repérer et de détenir certains otages. Les services de renseignement israéliens estiment sa longueur à au moins 500 kilomètres. Surnommées le "métro de Gaza", ces galeries servent selon Tsahal au "transport, au stockage et à l’assemblage d’armes". Leur neutralisation revient à l’unité d’élite Yahalom, qui dépend du génie militaire israélien. Créée en 1995, elle est chargée, entre autres, de la "détection et destruction de tunnels".

"Sans des informations précises sur les plans de ces galeries, il paraît difficilement imaginable pour Tsahal de prétendre être en mesure de les neutraliser dans leur ensemble", observe David Rigoulet-Roze. Ces tunnels, inscrits dans le volet "démilitarisation" du plan Trump, constituent l’un des obstacles majeurs au processus de paix.

Désarmer le Hamas risque de se heurter à la volonté du groupe palestinien. Le 11 octobre, un responsable du Hamas a affirmé à l'AFP que la remise d’armes évoquée était "hors de question et non négociable", rejetant ainsi l’idée d’un désarmement imposé dans le cadre du plan de paix.

"Sans coopération, cela reviendrait à rouvrir le conflit"

En cas de refus de la part du Hamas, Donald Trump menace d'intervenir directement. "S'ils ne désarment pas, nous les désarmerons", a déclaré le 14 octobre le président américain, en ajoutant que "cela se passera vite et peut-être violemment".

Une voie médiane consisterait en un désarmement progressif : d’abord les missiles et roquettes, ensuite les armes légères. "Cela ne pourrait fonctionner que s’il existait des dépôts placés sous scellés, mis sous séquestre et supervisés par les services égyptiens ou turcs", estime David Rigoulet-Roze.

"Tout dépendra de la manière dont le monitoring de ce désarmement sera exercé", analyse le spécialiste. "Mais sans coopération, cela reviendrait à rouvrir le conflit." Pas sûr en effet que le Hamas se plie à de telles obligations. "Accepter de désarmer reviendrait, pour le Hamas, à admettre une capitulation. Officiellement, il ne peut s’y résoudre, même s’il sait qu’il n’a pas d’alternative", conclut David Rigoulet-Roze.

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