Guerre dans la bande de Gaza : la situation des enfants alarme les humanitaires, alors que l'aide acheminée est "une goutte d'eau dans l'océan"
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Alors que les bombardements israéliens s’intensifient et que l'aide humanitaire peine à atteindre les civils, un cadre de l’ONU a donné l'alerte : un rapport estime à 14 000 le nombre d'enfants de moins de 5 ans menacés de malnutrition sévère d'ici mars prochain.
"Il y a 14 000 bébés qui pourraient mourir dans les 48 heures si nous ne pouvons pas les atteindre." Prononcés mardi 20 mai sur la BBC par Tom Fletcher, chef des opérations humanitaires de l'ONU, ces mots ont relancé l'alerte sur la gravité de la crise humanitaire dans la bande de Gaza. Après onze semaines de blocus quasi total imposé par Israël et des réserves alimentaires presque épuisées, la situation est critique dans l'enclave palestinienne, en particulier pour les enfants. L'acheminement de l'aide a certes repris très partiellement, lundi, avec l'autorisation d'entrée accordée à une centaine de camions, mais, en parallèle, les bombardements israéliens se sont intensifiés. Le chiffre lâché par le chef des affaires humanitaires des Nations unies a certes frappé les esprits, mais il a aussi suscité des interrogations sur son origine.
Contacté par franceinfo, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha) a précisé que ce chiffre était tiré d'un récent rapport de l'Integrated Food Security Phase Classification (IPC), publié le 12 mai. Ce document évalue le nombre de malnutritions aiguës sévères chez les enfants de six mois à 5 ans à 14 100 cas dans la bande de Gaza, entre avril 2025 et mars 2026. Cette estimation "ne signifie pas que 14 000 enfants mourront dans les deux jours", nuance Olga Cherevko, porte-parole de l'Ocha à Gaza, notant néanmoins qu'"il n'y a pas une minute à perdre". "Nous devons acheminer les fournitures au plus vite, idéalement dans les 48 heures", insiste-t-elle, faisant écho aux propos de Tom Fletcher.
"La malnutrition fait rage dans la bande de Gaza"
Selon le ministère de la Santé de Gaza, contrôlé par le Hamas, 57 enfants sont déjà morts de malnutrition depuis le début du blocus de l'aide humanitaire le 2 mars, rapporte l'ONU. "Les décès d'enfants que nous redoutions tant sont en train de se produire en ce moment même, alors que la malnutrition fait rage dans la bande de Gaza", avait déjà alerté Adele Khodr, directrice régionale de l'Unicef pour le Moyen-Orient, dans un communiqué publié en mars.
Olga Cherevko décrit ainsi une situation dramatique pour les enfants. "Les plus jeunes ont été privés de toute forme d'enfance et les bébés sont habitués au bruit des bombes", déclarait-elle récemment à franceinfo. Les conditions de vie des plus petits dans l'enclave palestinienne reflètent celles de toutes les générations, selon les humanitaires. "On parle aujourd'hui de toute la population n'ayant pas accès à leurs besoins en calories pour une alimentation équilibrée", alerte de son côté Tamara Alrifai, directrice des relations extérieures de l'UNRWA, l'agence onusienne pour les réfugiés palestiniens.
Lundi, les convois humanitaires ont repris dans l'enclave. Mercredi, l'ONU a annoncé qu'"environ 90 chargements de camions" avaient été expédiés dans le territoire. Le gouvernement du Hamas à Gaza a confirmé que l'équivalent de 87 poids lourds d'aide étaient entrés. Mais les quantités sont loin de suffire pour aider la population, insistent les représentants des ONG interrogés par franceinfo. "Une toute petite quantité de farine, de nourriture pour bébés et de matériel médical est entrée à Gaza hier", assure Tamara Alrifai. "Il s'agit de moins de 100 camions et cela n'inclut pas de produits hygiéniques ni de carburant", précise-t-elle. Selon la représentante des Nations unies, il faudrait entre 500 et 600 camions par jour. "Ce qui est entré ne suffit même pas pour le quart de la population pendant plus d'une journée", alerte-t-elle.
S'ajoute à cela la difficulté pour ces convois d'atteindre les Gazaouis. "Pour que ce soit clair, aucune aide n'est parvenue aux personnes dans le besoin pour l'instant", soutient Olga Cherevko. "Les routes sont coupées, les bombardements continuent. Et on parle encore de négocier chaque passage d'aide humanitaire avec les autorités israéliennes", confirme Tamara Alrifai, qui reproche la "militarisation de l'aide humanitaire" par le gouvernement israélien.
"C’est une violation du droit international. L’accès aux soins, à la nourriture, à l’eau doit rester non négociable."
Tamara Alrifai, porte-parole de l'UNRWAà Franceinfo
Le porte-parole du secrétaire général de l'ONU, Stéphane Dujarric, a également dénoncé, mardi lors d'une conférence de presse, les restrictions imposées par Israël. Les camions doivent ainsi être déchargés du côté palestinien du point de passage de Kerem Shalom, au sud de l'enclave, une étape qui ralentit la distribution. "Malheureusement, ils n'ont pas pu faire entrer les fournitures dans notre entrepôt", a-t-il précisé, ajoutant que ces convois représentaient une "goutte d'eau dans l'océan de ce qui est nécessaire".
Si une livraison urgente est bien arrivée à Rafah, dans le sud du territoire, jeudi matin, "les stocks de matériel médical et de médicaments restent au plus bas", rapporte de son côté Hisham Mhanna, porte-parole du Comité international de la Croix-Rouge (CICR). Concernant les enfants en situation de malnutrition sévère, il souligne que "faute d'accès aux soins essentiels et à une alimentation adaptée, leur état se dégrade, car les structures dans lesquelles ils sont pris en charge ne disposent souvent que du strict minimum".
"Des centaines d'appels de familles désespérées"
En parallèle de la reprise de l'aide humanitaire dans l'enclave, les frappes sur la bande de Gaza se sont intensifiées depuis le lancement, dans la nuit du 17 au 18 mai, de l'opération terrestre israélienne baptisée "Chariots de Gédéon". L'armée israélienne a ainsi déployé ses forces au sud de Khan Younès, mais aussi au nord de Gaza, afin d'"étendre le contrôle opérationnel" sur l'ensemble de l'enclave palestinienne. Cette situation inquiète les ONG, qui craignent aujourd'hui une dégradation encore plus rapide de la crise humanitaire. "Ce que nous observons depuis cette nouvelle offensive militaire, c'est une accélération des bombardements, des déplacements et des destructions", déplore notamment la directrice des relations extérieures de l'UNRWA, qui appelle à un cessez-le-feu immédiat.
Selon elle, "80% de la bande de Gaza sont aujourd'hui déclarés par le gouvernement israélien comme zone militaire". Pour Tamara Alrifai, ce statut a engendré le bombardement d'hôpitaux et le déplacement forcé de la population. "Les travailleurs humanitaires interviennent sous les tirs, et tout cela se détériore sous leurs yeux", pointe également la porte-parole de l'UNRWA, soutenant que cela complique encore davantage l'acheminement de l'aide. Quant à Hisham Mhanna, il confirme que les hôpitaux sont des cibles régulières. "Chaque jour, de nouveaux hôpitaux ou centres de soins sont touchés par les combats, ce qui réduit davantage leur aptitude à traiter l'afflux de blessés”, alerte-t-il.
"Chaque hôpital forcé d’arrêter ses services a des conséquences très réelles pour les civils, déjà traumatisés, qui vivent dans une boucle de déplacements, de désespoir et de conditions inhumaines."
Hisham Mhanna, porte-parole du CICR dans la bande de Gazaà Franceinfo
Le CICR reçoit "des centaines d'appels de familles désespérées, emprisonnées sous les décombres, cherchant désespérément sécurité et aide", témoigne le porte-parole, ajoutant que "les besoins à Gaza, extrêmement élevés, vont au-delà de notre capacité de réponse".
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