Guerre à Gaza : "L’objectif final de Benyamin Nétanyahou, c’est l’annexion totale", selon le sociologue Adel Bakawan

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Article rédigé par franceinfo - Édité par l'agence 6Medias
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A la suite de la décision du gouvernement israélien de lancer un assaut sur la ville de Gaza, Nathalie Layani reçoit Adel Bakawan, directeur de l’Institut européen pour les études du Moyen-Orient, accompagné d’Aude Soufi-Burridge, éditorialiste internationale pour franceinfo, pour analyser les enjeux de cette nouvelle étape du conflit israélo-palestinien.


Ce texte correspond à une partie de la retranscription de l'interview ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder en intégralité.


Nathalie Layani : On va revenir sur cette nouvelle étape dans la guerre de Gaza. Le ministre de la Défense a donné hier son feu vert pour lancer l'assaut sur la ville de Gaza. Soixante mille réservistes ont été rappelés, alors que le Hamas se disait prêt à accepter un cessez-le-feu contre la libération d'une partie des otages. Que cherche, selon vous, Benyamin Nétanyahou ? Éradiquer le Hamas ? Conquérir Gaza, ce dont il se défend ? Ou tout simplement rester au pouvoir ?

Adel Bakawan : Écoutez, la décision de Benyamin Nétanyahou reflète parfaitement l'état des rapports de force sur le terrain. Il y a un mois, un mois et demi, Benyamin Nétanyahou avait accepté exactement la même proposition, la même proposition d'origine américaine élaborée par les Qataris et les Égyptiens. Mais le Hamas l'avait acceptée avec des conditions. Et donc ces conditions ne convenaient pas à Benyamin Nétanyahou. Il y a eu une renégociation, mais depuis un mois et demi, le Hamas n'est plus en situation de proposer des modifications. Il a accepté la proposition telle qu'elle est. Mais Benyamin Nétanyahou est monté en force, à la fois diplomatiquement grâce à Donald Trump et surtout militairement sur l'ensemble du territoire de la bande de Gaza, qu'il contrôle aujourd'hui à 75%. Il ne reste que 20 à 25% de ce territoire.

Nathalie Layani : Mais justement, espérait-il faire plier totalement le Hamas et obtenir la libération de tous les otages par l'annonce de cet assaut ?

Adel Bakawan : Pas seulement. Le Hamas, en acceptant cette proposition, est déjà plié. Il est déjà plié parce que, tout simplement, dans cette proposition-là, il y a tout sauf les revendications du Hamas. Benyamin Nétanyahou a un autre projet que j'ai annoncé en détail dans mon livre en trois phases : d'abord l'embargo, ensuite la destruction et après l'annexion. L'objectif final, c'est l'annexion totale de la bande de Gaza.

Nathalie Layani : Ce dont il se défend pour l'instant.

Aude Soufi-Burridge : De moins en moins, quand même. Il est entouré de ministres qui l'assument. Il veut conquérir la bande de Gaza, il veut coloniser de plus en plus la Cisjordanie. Et si son plan était de ramener les otages, il pourrait se satisfaire d'en ramener une partie, 18, sachant que ce plan, c'est le plan Witkoff qui a été renégocié pour convenir aux Israéliens. Donc le Hamas fait en quelque sorte un geste en se soumettant à ces conditions. Et là, Israël non seulement n'accepte pas, mais tergiverse et ne donne pas sa décision, alors que dans le même temps, les familles, les proches d'otages attendent qu'au moins une partie puisse être de retour.

Nathalie Layani : Et sachant que la grande majorité d'entre eux, jusqu'à présent, ont été libérés par la négociation, notamment lors de cessez-le-feu, très peu l'ont été par une action militaire. Parfois, même, ils ont perdu la vie lors d'actions militaires. Donc ça veut dire que le Premier ministre israélien fait une croix sur la libération des otages ?

Adel Bakawan : Pas seulement le Premier ministre israélien, je pense qu'il y a un changement de paradigme au sein de la société israélienne. Désormais, la société israélienne accepte les sacrifices. Auparavant, des années plus tôt, pour libérer un seul soldat, on libérait 2 000, 3 000, 4 000, 5 000 Palestiniens détenus, n'est-ce pas ? Désormais, je pense qu'il y a ce changement social et sociétal intériorisé par le gouvernement israélien.

Mais si vous me permettez, il n'y a qu'une seule pression qui pourrait faire changer d'avis Benyamin Nétanyahou : ni le président Emmanuel Macron, ni l'Union européenne, ni l'Egypte voisine, ni les pays arabes, et encore moins l'ONU. C'est Donald Trump. Même pas Steve Witkoff, même pas le Congrès. Si Donald Trump ne prend pas le téléphone pour appeler directement Benyamin Nétanyahou, il est peu probable qu'il change d'avis.

Nathalie Layani : Mais pourquoi le Hamas ne libère-t-il pas tous les otages s'il n'a pas lui aussi en tête la poursuite de la guerre ?

Adel Bakawan : Libérer comment ? Selon un accord, n'est-ce pas ? Selon les négociations, selon les rencontres. Auparavant, Israël acceptait les rencontres avec le Hamas. Mais désormais, la négociation est rejetée catégoriquement. Comme je le dis, il y a des rapports de force sur le terrain qui ont totalement changé en faveur du gouvernement israélien. Benyamin Nétanyahou pense que le moment est venu non seulement pour annexer la bande de Gaza, mais aussi la Cisjordanie.

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