Reportage "Une lumière au bout d'un long tunnel" : l'Irlande fait face à son passé et entame l'exhumation des restes de 800 enfants morts au foyer de Tuam

Pendant des décennies, en Irlande, des milliers de femmes tombées enceintes hors mariage ont été internées de force dans des institutions dirigées par l'Église catholique. Beaucoup de leurs enfants n'ont pas survécu et ont été enterrés en secret.

Article rédigé par franceinfo - Clémence Pénard
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2min
Anna Corrigan pense que les restes du corps de son frère John, figurent parmi ceux des enfants enterrés à Tuam après avoir été victime de négligences et malnutrition. (CLEMENCE PENARD / RADIO FRANCE / FRANCEINFO)
Anna Corrigan pense que les restes du corps de son frère John, figurent parmi ceux des enfants enterrés à Tuam après avoir été victime de négligences et malnutrition. (CLEMENCE PENARD / RADIO FRANCE / FRANCEINFO)

C'est l'un des chapitres les plus sombres de l'histoire irlandaise : le scandale des foyers pour mères et bébés. À Tuam, dans l'ouest de l'Irlande, sur le site désormais tristement célèbre de l'un de ces foyers, les premières exhumations débutent lundi 14 juillet.

"Nous pensions que ce jour n'arriverait jamais, confie Anna Corrigan, c'est une lumière au bout d'un long tunnel", insiste cette femme. À ses pieds reposent très probablement les restes de son frère John, comme ceux de 800 autres enfants nés et morts au foyer de Tuam. "J'ai ici un rapport d'inspection datant de 1947. John y est décrit comme un enfant de 13 mois, misérable, émacié. Il est mort à 16 mois, officiellement, de la rougeole. Mais moi, je ne crois pas qu'il soit mort de la rougeole. Il est mort de négligences et de malnutrition", soutient-elle.

Des pelleteuses sont déjà visibles sur les lieux où doivent se tenir les fouilles. (CLEMENCE PENARD / RADIO FRANCE)
Des pelleteuses sont déjà visibles sur les lieux où doivent se tenir les fouilles. (CLEMENCE PENARD / RADIO FRANCE)

Après des décennies de silence, Anna et de nombreuses autres familles espèrent enfin obtenir des réponses. L'exhumation n'aurait jamais pu avoir lieu sans leur combat acharné et celui d'une historienne. "Il nous en a fallu du temps, lance Catherine Corless. Cela signifie énormément pour moi, car ce fut un véritable combat. Beaucoup de gens ne voulaient pas que ça arrive et le plus révoltant, c'est que ce sont précisément ceux qui auraient dû reconnaître, depuis longtemps, ce qu'il s'est passé ici : l'Église, l'État, nos autorités locales. Mais ils ont préféré se taire."

"Quand je pense à tous ces bébés qui pourraient encore être en vie aujourd'hui, mais qui ont fini jetés dans les égouts ! Comment peut-on les laisser là ?"

Catherine Corless, historienne

à franceinfo

Dans l'Irlande du XXe siècle, l'Église imposait sa loi et dictait des règles cruelles envers les femmes, maltraitées dans ces foyers pour mères et bébés. Les bébés étaient envoyés à l'adoption, aux États-Unis notamment, quand ils ne mouraient pas d'épidémies ou de négligences.

Les fouilles doivent démarer lundi 14 juillet sur le site de Tuam. (CLEMENCE PENARD / RADIO FRANCE)
Les fouilles doivent démarer lundi 14 juillet sur le site de Tuam. (CLEMENCE PENARD / RADIO FRANCE)

L'objectif de cette exhumation est d'offrir à ces enfants oubliés une sépulture digne, mais l'identification des corps s'annonce extrêmement complexe. "Compte tenu de l'état des restes humains et du temps écoulé, le succès de l'enquête dépendra de notre capacité à extraire des profils ADN exploitables à partir des restes et du nombre de familles disposées à fournir des échantillons ADN pour faire la comparaison", reconnaît Daniel MacSweeney, archéologue responsable des fouilles.

Tuam n'est qu'un exemple parmi dix-huit foyers pour mères et bébés. En Irlande, jusqu'à 9 000 enfants seraient morts dans des conditions similaires…

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