Internet: le détournement de l'image de Poutine illégal en Russie
«Mème» pas drôle ! Poutine à dos de météorite, de belette, de pivert, dans les airs avec les cigognes, ces détournements de dessins, images ou photos (appelés donc mème...), c'est (peut-être) fini. Les mèmes de célébrités sont désormais illégaux en Russie. Un rappel à l'ordre qui menace tout un courant de la culture Web. Ce qui ne dérangera pas forcément les Russes.
Le Roskomnadzor, le cerbère des médias russes bien connu des «hamsters du Net» (le petit nom de l'opposition russe sur les réseaux sociaux), ne s'en était pas encore pris aux mèmes. Ces détournements de dessins, vidéos, photos… humoristiques voire hilarants et facilement viraux sont désormais dans son collimateur. Le 7 avril 2015, l'organe de surveillance des médias au pays de Vladimir Poutine a publié sur sa page VKontakte (équivalent de Facebook) une «mise à jour» de la loi sur les données personnelles. Elle déclare «illégal d'utiliser l'image d'une célébrité dans un mème qui n'aurait rien à voir avec sa personnalité».
Le prétexte : un chanteur de charme vexé
Il s'agit en fait de la jurisprudence d'une décision du tribunal de Moscou après la plainte d'un chanteur de charme contre un Wikipédia parodique, Lurkmore, pour un détournement de son image, comme le détaille le site GlobalVoices. Non content de statuer en faveur de l'artiste, explique Le Monde, le juge a demandé au Roskomnadzor de poster un message sur les réseaux sociaux rappelant l'interdiction de ce type de contenu. «Cette façon d'utiliser des images de célébrités viole les lois sur les données personnelles et nuit à l'honneur, à la dignité et aux affaires des personnes publiques», décrète celui-ci.
Concrètement, une «célébrité» s'estimant victime d'un détournement de son image devra saisir le Roskomnadzor pour faire retirer ou masquer le mème incriminé, faute de quoi le site ou la page Web qui le publient se verront bloqués en Russie. Cette «mise à jour», qui n'a pas valeur de loi et serait de toute manière difficile à appliquer, résonne plutôt comme une intimidation pour pousser les sites internet à l'autocensure. Et menace de plomber toute une culture web particulièrement créative, où le mème de Vladimir Poutine fait figure de sport national.
On sait les «personnages publics» politiques de Russie à cheval sur leur image – tel ce député qui avait, en 2013, fait interdire une exposition où il était, ainsi que le président russe et son Premier ministre, représenté en sous-vêtements féminins. A cheval, c'est ainsi que les internautes russes aiment à photoshoper «leur» président, jamais avare dans la vraie vie de démonstrations de virilité torse nu : sur le Web, Poutine chevauche toutes sortes d'animaux féroces, mignons ou fantastiques, de la girafe au dinosaure en passant par… la météorite ou le biscuit géant, sur terre, sur mer ou dans les airs… Mais avec cette jurisprudence, quel dommage ! bien que l'on ne puisse pas vraiment prétendre que ces images n'ont «rien à voir avec la personnalité» du héros, le mème de Poutine pourrait avoir du plomb dans l'aile.
Si Vladimir Poutine est champion toutes catégories du «mème de célébrité», il lui arrive de partager la vedette sur la Toile avec son Premier ministre Dmitri Medvedev dans un rôle de fayot particulièrement benêt. Dans la série ci-dessous, c'est aux dépens de Viktor Ianoukovitch, l'ancien président déchu de l'Ukraine d'avant 2013 que se distrait le «couple» exécutif russe.
Et évidemment, Poutine trône en majesté dans de nombreux mèmes. Petit podium : «Elections 2132. Je remettrai la Russie debout» ; «Poutine n'a pas de rêve à réaliser. Il est déjà Poutine» ; «Une pelisse en peau d'ours, c'est bien, mais en quatre ans (la durée du mandat présidentiel jusqu'en 2008, où elle passe à six ans), ça s'use».
Un cyberespace de liberté menacé
Ce rappel du Roskomnadzor ressemble fort à un outil supplémentaire dans l'arsenal législatif de Vladimir Poutine pour verrouiller l'Internet. Depuis son retour à la tête du pays, les choses se sont gâtées très vite pour le Web russe, espace de liberté conquis sous la présidence de Medvedev. Une loi votée en 2012 permet le blocage d'une quantité de sites et de pages Web sous le prétexte de défendre les mineurs contre les incitations au suicide ou à la consommation de drogue, et aussi... contre les idées extrémistes. L'extrémisme, un concept flou à souhait, bien pratique pour harceler l'opposition et les «hamsters du Net». La Russie est devenue ce pays où «un retweet peut vous mener en prison».
Et depuis le printemps 2014, la fameuse «loi des blogueurs» oblige les auteurs de blogs totalisant plus de 3.000 abonnés à s'inscrire (et s'identifier) auprès du Roskomnadzor. L'année écoulée a été synonyme d'une hausse inédite des tentatives du pouvoir pour museler l'internet. «La tendance devrait se confirmer en 2015. Nous vivons une année charnière pour l'internet russe, l'année de tous les dangers», soulignait en février le responsable de l'Association russe des internautes, cité par Arrêt sur images.
Près de la moitié (49%) des Russes approuvent l'idée d'une censure d'Internet, révèle un sondage mené mi-février. Un résultat stable depuis plusieurs années : même si internet s'est beaucoup démocratisé, près d'un tiers de la population n'y a toujours pas accès. Mais c'est surtout la méfiance envers un média perçu par 42% des Russes comme une arme utilisée par l'Occident pour mener un travail de sape contre leur pays qui explique ce score. Une bonne partie du public russe érige désormais un écran psychologique défensif (lien en anglais) contre les modes de pensée alternatifs, remarque le Washington Post.
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