"Storm-1516" : la désinformation russe devient de plus en plus sophistiquée et coordonnée, alerte un rapport français sur les ingérences étrangères

Article rédigé par Emilie Gautreau
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Le drapeau russe sur l'ambassade de Russie en Allemagne, le 3 mai 2024 à Berlin. Image d'illustration. (KAY NIETFELD / DPA)
Le drapeau russe sur l'ambassade de Russie en Allemagne, le 3 mai 2024 à Berlin. Image d'illustration. (KAY NIETFELD / DPA)

Viginum, le service français chargé de la vigilance et de la protection contre les ingérences étrangères, a passé au crible 77 opérations menées entre 2023 et 2025. Les manœuvres de désinformation russe combinent plusieurs tactiques, ce qui les rend plus complexes et dangereuses pour le débat public français et européen, selon Viginum.

"Storm-1516". C'est le nom de code d’un nouveau mode opératoire de désinformation russe. Viginum, le service français chargé de la vigilance et de la protection contre les ingérences étrangères, a analysé 77 opérations, menées entre fin 2023 et mars 2025. Il ressort d'un rapport publié en mai que les manœuvres de désinformation russes sont de plus en plus structurées, sophistiquées et coordonnées.

Sophistiquées car elles s’appuient sur des contenus très variés, notamment des montages photos et vidéos. Cela peut être des logos de médias usurpés, de faux articles de presse, des documents fabriqués de toutes pièces. Comme cette facture contrefaite, diffusée en juillet dernier, pour faire croire qu’Olena Zelenska, la femme du président ukrainien, avait profité d’une visite officielle de son mari en France pour acheter une voiture de luxe pour 4,5 millions d'euros. 

Il y a aussi des vidéos et audios générés par IA, en usurpant l'identité de personnalités publiques et d’internautes, mais aussi des vidéos mettant en scène des acteurs amateurs recrutés pour des mises en scène dans différents pays et dans les langues de ces pays. Comme celle, en arabe, qui accusait l’Ukraine de recruter des combattants de l’Etat islamique ou celle en espagnol qui laissait entendre que Volodymyr Zelensky avait acheté de la cocaïne en Argentine. Certains acteurs se font parfois passer pour des journalistes, comme dans des vidéos filmées à Paris et à Courchevel où un homme laissait entendre qu’un pont allait changer de nom en l’honneur de l’Armée rouge. 

Quatre élections déjà visées par Moscou

La cible principale de la Russie depuis 2022, c’est l’Ukraine, avec la volonté de porter atteinte à l’image du pays et de ses dirigeants. Mais aussi l’opposition russe en exil, les intérêts occidentaux, et la France est particulièrement ciblée. Et puis autre cible, de plus en plus fréquente : les processus électoraux. Viginum a identifié au moins 20 opérations ayant visé quatre élections : les européennes de juin 2024, les législatives en France le mois suivant, l’élection présidentielle américaine de novembre 2024 et les élections fédérales allemandes de février 2025. 

En France, en juin dernier, par exemple, l’identité graphique et le site internet de la coalition Ensemble avaient été usurpés pour prétendre que le mouvement s’engageait à verser une prime de 100 euros aux électeurs qui voteraient pour la majorité présidentielle aux législatives. 

Une diffusion des contenus de plus en plus complexe

Un autre aspect marquant est le fait que la façon de diffuser ces contenus est de plus en plus élaborée, plus complexe qu'avant, avec différentes tactiques qui s'entremêlent et évoluent constamment. Cela passe par la création de comptes anonymes sur les réseaux sociaux, le paiement de diffuseurs, la mise en ligne sur de faux sites d’information. 

Les contenus sont ensuite republiés, en rémunérant par exemple des médias en Afrique et au Moyen-Orient, puis amplifiés, via l'espace commentaires des médias, des boucles Telegram, des influenceurs. Et enfin repris par des organisations russes officielles. Autant d’opérations qui représentent, selon Viginum, une menace importante pour le débat public français et européen. 

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