Violences à Dijon : "C'est surtout une performance guerrière et une mise en spectacle", explique une spécialiste de la Russie du Caucase
"Il ne faut surtout pas généraliser et attribuer aux Tchétchènes un quelconque essentialisme en termes de performances guerrières", explique ce mardi 16 juin sur franceinfo Aude Merlin, professeure à l'Université libre de Bruxelles (Belgique) et spécialiste de la Russie du Caucase.
Des tensions secouent la ville de Dijon ces derniers jours, conséquences d'un règlement de comptes entre des habitants du quartier des Grésilles et des membres de la communauté tchétchène. Mais les images de démonstrations de force de cette communauté à Dijon toucheraient davantage à "quelque chose de symbolique et de totalement épidermique sur le plan de l'honneur et du déshonneur", explique la spécialiste de la Russie du Caucase, Aude Merlin sur franceinfo.
franceinfo : Combien de personnes composent la communauté tchétchène en France ?
Aude Merlin : Il est assez difficile d'avoir un chiffre exact. La plupart sont arrivés pour demander l'asile du fait de guerres extrêmement violentes en Tchétchénie entre 1994 et 1996. C'est surtout à partir de 1999 que les Tchétchènes ont commencé à arriver dans l'Union européenne. Mais ils étaient répertoriés comme venant de Russie, ayant un passeport russe et donc considérés comme citoyens de Russie. Donc, on ne sait pas exactement combien ils sont. Ce qu'on peut dire, c'est que l'on compte entre 65 000 et 70 000 Tchétchènes en France d'après les estimations les plus récentes et environ 150 000 Tchétchènes dans toute l'Union européenne.
Cela veut-il dire que les Tchétchènes sur le territoire sont davantage des réfugiés politiques que des migrants économiques ?
Au départ, oui. Cette situation découle vraiment d'un traumatisme lié à l'extrême violence de ce qu'on appelle la Deuxième Guerre, celle qui a repris en 1999 et qui a vu se multiplier les exactions, les violations massives des droits humains et actes de torture. Des méfaits commis dans un premier temps par les forces fédérales russes sur la population civile tchétchène, et dans un deuxième temps, par des Tchétchènes nommés par Moscou, loyaux au Kremlin et exerçant donc une répression sur les indépendantistes, puis sur une partie du maquis devenant islamiste. Donc, il y a un conflit très, très important à l'intérieur même de la société tchétchène, et y compris au sein de la communauté tchétchène en exil.
Comment cette communauté se répartit-elle sur le territoire français ? Et pourquoi parle-t-on autant de Dijon par exemple ?
En réalité, il y a comme un effet de miroir inversé qui se produit. À Dijon, il y aurait une vingtaine de Tchétchènes vivant à demeure, c'est-à-dire quelques familles. Alors que des villes comme Nice, Strasbourg, Toulouse, Albi ou Clermont-Ferrand abritent des centaines voire plusieurs milliers de Tchétchènes. On a donc une espèce de front renversé à Dijon, même si c'est encore flou à de nombreux égards. Ce que l'on peut dire, c'est que nous avons un jeune de 16 ans, dans une ville où il y a peu de Tchétchènes, qui aurait été passé à tabac par des dealers et dont le sort aurait alerté en quelque sorte les Tchétchènes vivant en nombre dans d'autres villes, et qui auraient rallié Dijon pour faire cette espèce de performance guerrière et de mise en spectacle.
Y a-t-il souvent des incidents de ce genre impliquant la communauté tchétchène ?
Je sais qu'en Belgique, il y a eu, par exemple, des cas de tensions entre Kosovars et Tchétchènes réfugiés, dans certains centres de demandeurs d'asile. Dans le cas de la France, on a vu qu'il y avait eu au mois d'avril, dans l'Aube, un épisode particulièrement tendu et même violent. Après, tout est question de rapport. Là, on a une situation à Dijon qui semble avoir piqué au vif, et qui touche à quelque chose de symbolique et de totalement épidermique sur le plan de l'honneur et du déshonneur. Cela dit, il ne faut surtout pas généraliser et attribuer aux Tchétchènes un quelconque essentialisme en termes de performances guerrières, comme c'est le cas à Dijon.
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