Procès du financement libyen : Nicolas Sarkozy dénonce "un réquisitoire politique et violent" dans sa dernière déclaration, la décision sera rendue le 25 septembre

Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Nicolas Sarkozy, le 10 février 2025, devant le tribunal correctionnel de Paris, lors de son procès pour les soupçons de financement libyen de sa campagne en 2007. (ELISABETH DE POURQUERY / FRANCEINFO)
Nicolas Sarkozy, le 10 février 2025, devant le tribunal correctionnel de Paris, lors de son procès pour les soupçons de financement libyen de sa campagne en 2007. (ELISABETH DE POURQUERY / FRANCEINFO)

Les avocats de l'ancien chef de l'Etat ont réclamé sa relaxe et estimé, mardi, qu'il n'existait "pas de pacte de corruption", "pas de preuves" et "pas d'indices" liant leur client au dictateur libyen Mouammar Kadhafi.

Il a fait une entrée remarquée. Nicolas Sarkozy est arrivé au tribunal judiciaire de Paris accompagné de son épouse, Carla Bruni-Sarkozy, mardi 8 avril, au dernier jour du procès de l'ancien chef de l'Etat dans l'affaire des soupçons de financement libyen de sa campagne présidentielle de 2007. Deux de ses fils et son frère Guillaume, venus en soutien, étaient également présents sur les bancs. Tous ont écouté avec attention les quatre avocats de l'ancien président de la République plaider pendant près de cinq heures la relaxe de leur client, qui n'a eu de cesse de clamer son innocence en trois mois d'audience. Des avocats qui "ont parlé et bien parlé", a résumé Nicolas Sarkozy, lorsqu'il a été invité à prononcer ses derniers mots en début de soirée. Juste après, le tribunal correctionnel a annoncé qu'il rendrait sa décision le 25 septembre à 10 heures.

Si l'ancien président de la République n'a pas souhaité en dire davantage, c'est aussi et surtout "parce que le contexte médiatique et politique est détestable". Une référence implicite à la condamnation pour détournement de fonds publics prononcée le 31 mars à l'encontre de la patronne des députés du Rassemblement national Marine Le Pen dans l'affaire des assistants parlementaires européens, jugement dont elle a fait appel. "Je veux la vérité", a réclamé Nicolas Sarkozy, se refusant à tout propos qui pourrait "alimenter" une "polémique". L'ancien président a affirmé aussi vouloir "défendre" son "honneur" et ne pas "vouloir répondre" à un "réquisitoire politique et violent". Le 27 mars, le Parquet national financier (PNF) a demandé sept ans d'emprisonnement, 300 000 euros d'amende et cinq ans d'inéligibilité à son encontre dans le dossier libyen.

Le PNF a considéré que Nicolas Sarkozy n'avait pas "hésité à s'appuyer sur son collaborateur Claude Guéant et sur son ami Brice Hortefeux", pour "exécuter le pacte de corruption", dont l'intermédiaire Ziad Takieddine est la "cheville ouvrière", avant d'"utiliser l'argent libyen", "pour les besoins" de sa campagne. Dans ses derniers mots, prononcés juste avant Nicolas Sarkozy, son ancien ministre Brice Hortefeux a dénoncé "l'inanité des accusations". Tandis que Claude Guéant, dispensé d'audience à plusieurs reprises pour raisons de santé, a répété avoir "la conviction d'être innocent". "Je n'ai jamais eu connaissance de financement libyen, a fortiori, je n'en ai jamais sollicité et jamais reçu. Je sais ce que je fais, je sais ce que je n'ai pas fait", a clamé cet autre ancien ministre sarkozyste.

Le parquet "voulait salir Nicolas Sarkozy"

Dans ses plaidoiries, l'objectif pour la défense de Nicolas Sarkozy était de faire oublier l'"outrance" de la peine requise, ainsi que, selon son avocat Jean-Michel Darrois, les "mots choisis pour bouleverser Nicolas Sarkozy et frapper l'opinion". Dans leurs réquisitions, les magistrats du PNF ont réclamé des condamnations pour les douze prévenus et ont eu des mots durs pour Nicolas Sarkozy, désigné comme le "véritable décisionnaire et commanditaire" du "pacte de corruption", qualifié d'"inconcevable, inouï et indécent", noué avec le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, "l'un des dictateurs les plus infréquentables", afin de financer sa campagne électorale victorieuse. Pour eux, l'ancien président de la République s'est lancé dans une "quête effrénée de financement", avec une "ambition politique dévorante".

"Ce qui est grave, c'est le tableau qui a été peint par le parquet", réplique Jean-Michel Darrois mardi après-midi. "En s'adressant à l'opinion, il voulait salir Nicolas Sarkozy", lâche d'un ton laconique l'avocat âgé de 77 ans, qui peine à capter l'attention de son auditoire.

"On veut entretenir l'image d'un Nicolas Sarkozy malhonnête, voyou, cupide, peu respectueux des lois de la République."

Jean-Michel Darrois, avocat de l'ancien chef de l'Etat

devant le tribunal

Peu après, son confrère Tristan Gautier s'attaque avec plus de dynamisme à la partie sur les flux financiers. L'avocat assure avoir acquis la "conviction profonde que Nicolas Sarkozy est innocent". Au terme d'une démonstration d'environ une heure, émaillée de schémas et de tableaux projetés sur le grand écran de la salle, il dénonce les condamnations requises par les trois magistrats du PNF, qui "ont tenté de présenter un délit de corruption bien solide à partir d'un pacte non établi, de preuves de paiement inexistantes et de contreparties bancales".

"C'est comme si un architecte disait : 'J'ai un sol argileux, de la paille pour les murs et une bâche trouée pour le toit, et une fois les trois réunis, on va vous faire croire que ça vous fera un bunker !'", illustre l'avocat. Avec sa métaphore, Tristan Gautier estime avoir ainsi "montré" au tribunal que "l'histoire" présentée "ne tenait pas la route" et réclame la relaxe de l'ex-chef de l'Etat pour "financement illégal de campagne électorale" et "corruption passive".

"Pas de pacte de corruption : ni faustien, ni pas faustien"

Il revient à Christophe Ingrain de fermer le bal des plaidoiries de la défense. "Il va falloir du courage à votre tribunal pour aller à l'encontre de cette doxa : Mouammar Kadhafi aurait financé la campagne de Nicolas Sarkozy", commence-t-il d'un ton ferme. L'avocat déplore que Nicolas Sarkozy ait été "condamné" avant même que le tribunal n'ait rendu son jugement et met en évidence les questions restées sans réponse au cours du procès. "Tous ces rideaux de fumée n'ont qu'un seul objectif : masquer les faiblesses du dossier", déclame l'avocat, qui reprend les termes sévères employés par le PNF à l'encontre de Nicolas Sarkozy et répond, point par point, à l'accusation qui "racle les fonds de tiroir".

Christophe Ingrain évoque ensuite la visite de Nicolas Sarkozy en Libye, lorsque Mouammar Kadhafi l'a reçu à Tripoli, le 6 octobre 2005. "La thèse d'un pacte de corruption scellé sous la tente n'était pas solide, elle est passée à la trappe", souligne-t-il, alors que le parquet a écarté cette hypothèse dans ses réquisitions. L'avocat insiste : "L'accusation s'est efforcée de donner de la consistance à cette idée folle d'un financement de la Libye. Et c'est avec le même miroir déformant qu'[elle] vous a listé les pseudo contreparties au pacte de corruption." Des contreparties que l'avocat ne considère pas comme crédibles, comme il s'évertue à le démontrer. Christophe Ingrain enfonce le clou : il n'y a "pas de pacte de corruption : ni faustien, ni pas faustien".

"La réalité contredit l'imagination du parquet."

Christophe Ingrain, avocat de Nicolas Sarkozy

dans sa plaidoirie

L'avocat maintient qu'il n'y a pas de recel de détournement de fonds publics, pas plus que de financement illégal de campagne électorale, ni d'association de malfaiteurs. "Pas de preuves, pas d'indices précis ou cohérents face à ces impasses", martèle Christophe Ingrain, qui termine sa plaidoirie par une comparaison avec La Peau de chagrin, l'une des œuvres d'Honoré de Balzac. "Ces peaux de chagrin, ce sont les témoignages douteux. (…) Comme dans le roman, ces peaux de chagrin ont dévoré le dossier après lui avoir donné un éclat. Les peaux de chagrin ont disparu, le dossier est à terre. Vous relaxerez Nicolas Sarkozy."

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