Ecoutes de Sarkozy : "Une diversion habile de la part de l'UMP"
Spécialiste de la communication politique, l'historien Christian Delporte revient sur la manière dont le parti de droite a réussi à renverser la vapeur dans l'affaire des écoutes de Nicolas Sarkozy.
C'était il y a cinq jours. Vendredi 7 mars, le PS parlait d'"affaire d'Etat", après la révélation de la mise sur écoute de Nicolas Sarkozy pendant plusieurs mois par le juge Tournaire. Des écoutes diligentées dans le cadre de l'enquête menée sur un éventuel financement libyen de la campagne de 2007. Cinq jours plus tard, les rôles se sont presque inversés, l'UMP accusant l'exécutif d'avoir été tenu au courant de ces écoutes et dénonçant un "scandale d'Etat".
Spécialiste de la communication politique, l'historien Christian Delporte revient sur la manière dont l'UMP a réussi à renverser la vapeur dans cette affaire.
Francetv info : Visée par plusieurs affaires, l'UMP a réussi à ouvrir un nouveau front sur le dossier des écoutes de Nicolas Sarkozy, en évoquant un "scandale d'Etat", et en réclamant la démission de la ministre de la Justice, Christiane Taubira. Est-ce une bonne stratégie ?

Christian Delporte : Ce n'est pas tant un nouveau front qu'une opération de diversion. Cela permet de passer d'une affaire judiciaire, restreinte à deux ou trois intéressés, à une affaire politique. La droite parle maintenant d'une manipulation ou d'une affaire d'Etat, dirigée à l'encontre de Nicolas Sarkozy, pour victimiser l'ancien président.
Sur le plan de la communication, l'UMP n'avait de toute façon pas le choix : soit on restait sur l'affaire judiciaire, avec toutes les conséquences que cela posait, soit on donnait du grain à moudre aux médias, à base de déclarations tonitruantes, de petites phrases, d'accusations de complot… Il suffit de regarder les chaînes d'information en continu pour voir que la seconde technique fonctionne bien, d'un point de vue médiatique : l'UMP a repris la main !
D'un point de vue politique, l'UMP a-t-elle raison de dénoncer en boucle "une affaire d'Etat" ?
On peut parler d'affaire d'Etat lorsque l'Etat dépasse ses prérogatives, et ne respecte pas la Constitution. Là, ce n'est manifestement pas le cas. Les écoutes sont le fait du juge d'instruction, et non du parquet. Il n'y a donc pas de lien direct avec le pouvoir. Deuxièmement, ces écoutes sont complètement légales. D'où la nécessité pour l'UMP de mener une opération de diversion.
En parlant de scandale d'Etat, l'UMP veut donner le sentiment qu'il y a un complot de l'Etat contre Nicolas Sarkozy, que le gouvernement a déclenché l'affaire en pilotant une opération contre lui. L'ancien président ne serait alors ni coupable, ni suspect, mais victime. Et cette opération de diversion habile marche d'autant mieux que le gouvernement fait des erreurs.
Sur le fond de l'affaire, serait-il choquant que le gouvernement ait été au courant de ces écoutes de Nicolas Sarkozy ?
Bien sûr que non ! C'est même plutôt le contraire qui aurait été choquant ! Quand il y a une enquête sur une personnalité importante, l'appareil judiciaire se protège systématiquement, en informant sa hiérarchie. Cela a toujours fonctionné comme ça.
Que révèle la gestion de ce dossier sur la communication du gouvernement ?
Un grand amateurisme ! On se demande s'il y a des communicants au gouvernement. Sur des affaires comme celle-ci, il faut une coordination. Mais en fait, c'est depuis mai 2012 qu'il n'y a pas de coordination au gouvernement. Il n'y a pas suffisamment de communication entre les ministres et entre les différents ministères, il n'y a pas assez de centralisation…
Dans le cas présent, il n'y a visiblement eu aucune coordination. Chacun s'est exprimé dans le désordre. Je pense que les membres du gouvernement, et en particulier Christiane Taubira, n'ont pas vu le coup venir. Ils ont minimisé le risque d'effet boomerang.
A dix jours des municipales, on parle davantage des affaires Copé, Buisson et maintenant Sarkozy, que des élections elles-mêmes. Tout cela ne risque-t-il pas de faire grimper un peu plus l'abstention ?
En tout cas, quelle que soit l'origine des affaires, cela ne profite jamais aux partis républicains, mais à l'abstention et aux extrêmes. Cela nourrit l'idée du fameux "tous pourris".
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