"Le décalage des échéances" : comment Emmanuel Macron jette le trouble sur le futur de la réforme des retraites

Pour le chef de l'État, "ce n'est ni l'abrogation, ni la suspension" de la réforme, contrairement à ce qu'a annoncé Sébastien Lecornu lors de son discours de politique générale afin de s'assurer la clémence des socialistes.

Article rédigé par franceinfo
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Emmanuel Macron s'exprime devant la presse lors de son déplacement en Slovénie, à Ljubljana, le 21 octobre 2025. (LUDOVIC MARIN / AFP)
Emmanuel Macron s'exprime devant la presse lors de son déplacement en Slovénie, à Ljubljana, le 21 octobre 2025. (LUDOVIC MARIN / AFP)

Imbroglio au sommet de l'État au sujet de la réforme des retraites. Emmanuel Macron met-il en péril la non-censure, gagnée sur le papier par Sébastien Lecornu après avoir annoncé la suspension de la réforme de 2023 ? Le chef de l'État ne veut pas entendre parler de "suspension" ni "d'abrogation", il évoque un simple "décalage" dans le temps de l'âge de départ. Le président a fait cette déclaration qui provoque la stupeur, mardi 21 octobre, à la fin de son déplacement en Slovénie.

Emmanuel Macron met le feu aux poudres. Alors que le Parti socialiste crie victoire depuis une semaine, le président livre pour la première fois sa version de l'annonce du Premier ministre et jette un froid : "Ce n'est ni l'abrogation, ni la suspension, c'est le décalage d'une échéance, celle des 63 ans, au 1er janvier 2027, qu'il a décalée au 1er janvier 2028 avec un financement par des économies. C'est ce qu'il a dit dans son discours de politique générale."

Dans l'absolu, les conséquences sont les mêmes mais les termes font mal. Emmanuel Macron semble ne pas vouloir entendre parler de "suspension". De son côté, Sébastien Lecornu a bien prononcé ce mot lors de son discours de politique générale, le 14 octobre dernier, puis de nouveau à l'Assemblée mardi après-midi. Le Premier ministre annonce même avoir envoyé une lettre rectificative du budget de la Sécurité sociale au Conseil d'État. Il s'agit d'un détail de procédure pour graver dans le marbre cette suspension, d'où l'annonce d'un deuxième Conseil des ministres mercredi, comme le veut la tradition, puis jeudi avec l'espoir de lever l'ambiguïté.

Vers un référendum sur la réforme des retraites ?

Alors que Sébastien Lecornu a obtenu de haute lutte la clémence du Parti socialiste, en agissant de la sorte Emmanuel Macron semble avoir du mal à avaler la pilule. Depuis la Slovénie, il a redit son attachement à la réforme de 2023, qui reste la réforme emblématique de son second quinquennat. Il avertit : en l'état, l'équilibre du système de retraites par répartition n'est plus assuré.

"Les faits sont têtus", ironise le président qui appelle à un débat serein à l'Assemblée avant de, potentiellement, consulter les Français. "Les perspectives de référendum sont possibles, encore faut-il qu'on sache sur quoi. Mais il ne m'appartient pas encore de décider cela sur un accord qui serait ainsi scellé. Donc je pense que le plus important, c'est qu'il y ait est d'abord un moment de stabilité, qu'il y ait ensuite un travail qui soit repris dans le calme sur le sujet des retraites par les forces syndicales et patronales. Et sur cette base-là, nous verrons ensuite les chemins qui doivent être suivis", assure le chef de l'État.

Autrement dit, il s'agit d'avancer étape par étape : le débat à l'Assemblée, puis la conférence sociale avec syndicats et patronat. Malgré des promesses, une nouvelle fois lors de ses vœux aux Français, Emmanuel Macron n'a jusqu'ici jamais organisé de référendum. Le temps presse puisque le compte à rebours jusqu'à la fin de son quinquennat est enclenché. Mais quoi qu'il en soit, en ouvrant une bataille sémantique sur la suspension de la réforme des retraites, le président prend effectivement le risque de fragiliser son Premier ministre.

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