"Il n'y a plus rien à attendre de lui" : pourquoi le RN a décidé de pousser François Bayrou vers la sortie plus tôt que prévu
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En annonçant aussitôt après la conférence de presse de François Bayrou que ses députés voteraient contre la confiance au Premier ministre, Marine Le Pen espère incarner l'opposante numéro 1 à Emmanuel Macron.
"Quel bazar..." Au Rassemblement national non plus, on ne s'attendait pas à ce que le Premier ministre François Bayrou déclenche un vote de confiance le 8 septembre, bousculant la rentrée parlementaire et plaçant le sort de son gouvernement entre les mains des députés. Passé la surprise, lundi 25 août, le parti d'extrême droite n'a mis que quelques heures à faire connaître sa position : il votera contre la déclaration de politique générale de François Bayrou sur son plan de réduction budgétaire pour 2026. Depuis sa nomination en décembre, le mouvement de Marine Le Pen n'a pourtant voté aucune des huit motions de censure qui ont visé le gouvernement, entre février et début juillet. Mais le RN a finalement décidé de sceller le sort du centriste.
Alors que l'examen du budget 2026 devait démarrer le 8 octobre, le Premier ministre a choisi d'utiliser l'article 49.1 de la Constitution dès le 8 septembre, et d'engager la responsabilité du gouvernement sur un discours de politique générale devant les députés. Si une majorité des votants se prononce contre, il devra remettre la démission de son équipe ministérielle. C'est ce que l'on appelle aussi un vote de confiance, car on considère que l'Assemblée nationale approuve ainsi le cap fixé par le gouvernement. "Le vote de confiance, c'est ce qui vous fait appartenir ou non à la majorité, c'est 'faites-vous confiance ou non au gouvernement ?' Evidemment que non !", s'étrangle un proche de Marine Le Pen, pour qui la tentative du Premier ministre est "suicidaire".
"C'est lui qui a avancé le moment de vérité"
Dans la toute première réaction du RN au discours de François Bayrou, Jordan Bardella affirmait sur X que ses troupes ne voteraient "jamais" la confiance à l'équipe ministérielle du centriste, laissant la piste de l'abstention ouverte. Mais une demi-heure plus tard, Marine Le Pen a douché les espoirs de Matignon en annonçant que le groupe qu'elle préside votera "évidemment contre la confiance au gouvernement de François Bayrou". "Il y a un petit dissensus entre leurs deux messages", note un proche du Premier ministre, "surpris" que le parti à la flamme ait fermé la porte dès lundi soir. "Les RN jouent le côté responsable, disent qu'ils sont prêts à gouverner, pas comme LFI. Donc dégainer si vite, c'est un peu bizarre. C'est sûr qu'ils n'allaient pas voter pour la confiance, mais ç'eut été plus responsable d'attendre la nature du discours [de François Bayrou le 8 septembre]."
Au RN, on fustige un mauvais calcul politique du centriste. "Je pense qu'il a eu un excès de confiance, il a cru que comme il y avait le projet de réforme de la proportionnelle, on ne ferait rien", avance la députée RN du Var Laure Lavalette à propos du chantier lancé pour modifier le scrutin législatif, revendication de longue date de son parti. "S'il avait misé sur notre abstention, il s'est planté", balaie Matthias Renault, député RN de la Somme.
L'abstention des 138 élus lepénistes et ciottistes aurait donné une petite bouffée d'oxygène au chef du gouvernement, en abaissant le seuil des voix nécessaires à sa survie à 218, sur un total de 574 députés siégeant dans l'hémicycle. Mais les cadres du RN n'ont pas souhaité accorder ce sursis au président du MoDem. Pourtant, ils répétaient depuis quelques semaines que le "moment de vérité" pour François Bayrou devait intervenir à l'automne. Pas plus tard que lundi matin, sur franceinfo, le porte-parole du parti, Julien Odoul, assurait que le RN comptait censurer le Premier ministre en octobre, lors des discussions sur le projet de loi de finances, si les orientations de celui-ci ne lui convenaient pas. Mais face au coup de poker du Premier ministre, le parti a renoncé à attendre. "C'est lui qui a avancé le moment de vérité", estime un cadre du RN.
"Il ne veut pas entendre nos propositions"
"Trop tard", a lâché Jordan Bardella, mardi soir sur TF1, interrogé sur ce qui pourrait modifier la position de son parti. "Il nous a consultés au printemps, mais lors de sa conférence de presse du 15 juillet, on n'a pas retrouvé grand-chose de ce qu'on lui avait dit. Il n'a pas donné de signe d'ouverture vers nous, retrace un proche de Marine Le Pen. Et lundi, il a dit qu'il n'y avait pas de plan B. Donc on prend acte qu'il ne veut pas entendre nos propositions."
Le 16 juillet, Marine Le Pen déclarait au Parisien que le plan d'économies présenté la veille par le Premier ministre lui vaudrait une censure à l'automne. "Les arbitrages que vous avez rendus sont profondément injustes", enfonçait-elle dans une lettre publiée le 25 juillet, et restée "sans réponse", a-t-elle déploré mercredi sur X. La députée du Pas-de-Calais y reprochait au Palois de ne pas s'attaquer au "coût" de l'immigration, de la contribution de la France à l'Union européenne et de l'organisation de l'Etat. "Ce courrier est resté lettre morte, on n'a pas senti une grande envie de dialogue de sa part", constate Laure Lavalette. "C'est exact, il n'a pas répondu à ce courrier, mais c'est un prétexte bidon", réagit un proche du Premier ministre. "J'ai du mal à croire que durant l'été, il n'ait pas eu une seule fois Marine Le Pen au téléphone", ajoute cette source. Le chef du gouvernement a assuré lundi aux oppositions que "tout est amendable, discutable" et a convié les partis à Matignon lundi 1er septembre, une invitation que le RN a acceptée, "sans aucune illusion", a annoncé mercredi soir, sur X, Jordan Bardella. "Il n'a jamais répondu à cette lettre. Il n'y a plus rien à attendre de lui", tranche Edwige Diaz, députée de Gironde.
Marine Le Pen espère désormais renforcer son image de première opposante, à moins de deux ans de l'élection présidentielle. Dès lundi, elle a appelé à une nouvelle dissolution, une décision entre les mains d'Emmanuel Macron. Au QG du parti, où un bureau politique sur les élections législatives se réunira le 1er septembre, on est persuadé qu'un nouveau scrutin anticipé permettrait d'accroître encore le poids du RN à l'Assemblée nationale, après une dissolution surprise et un front anti-RN qui ne lui avait pas permis, un an plus tôt, de décrocher la majorité absolue pour envoyer Jordan Bardella à Matignon. Depuis plusieurs mois, le parti peaufine sa liste de candidats, en espérant éviter les erreurs de 2024. "Nous sommes prêts à incarner cette alternance, que ce soit dans le cadre d'une élection législative victorieuse ou d'une élection présidentielle", a déclaré le jeune président du RN mardi soir sur TF1.
Alors que la rentrée sociale s'annonce électrique, avec notamment un appel à "tout bloquer" le 10 septembre, et plusieurs grèves annoncées contre les politiques du gouvernement, "le RN montre qu'il ne se coupe pas des contestations qui le nourrissent depuis longtemps", analyse le politologue Olivier Rouquan, chercheur associé au Cersa. Il répond ainsi aux aspirations de son électorat. Selon un sondage de Toluna-Harris Interactive pour RTL, réalisé mardi, les sympathisants du RN sont ceux qui souhaitent le plus largement que les députés refusent la confiance au gouvernement de François Bayrou, à 89% (contre 68% pour la moyenne des personnes interrogées). Une autre enquête d'opinion menée par l'Ifop pour LCI montre que l'électorat de Marine Le Pen est le plus favorable à une nouvelle dissolution, à 86% (contre 63% en moyenne).
"Un rapport de force plus frontal avec Emmanuel Macron"
Voter contre François Bayrou le 8 septembre et faire tomber son gouvernement permet aussi au RN d'accroître la pression sur le président de la République. "Il n'y a qu'une seule possibilité pour sortir de cette impasse politique", selon Jordan Bardella, appelant Emmanuel Macron à prononcer la dissolution de l'Assemblée ou à "remettre sa démission". "Après avoir joué la stratégie de normalisation, Marine Le Pen revient dans un rapport de force direct, plus frontal, avec Emmanuel Macron", reprend Olivier Rouquan.
Au risque de perdre son siège de député. Déclarée inéligible lors du procès en première instance de l'affaire des assistants parlementaires européens du Front national, la députée du Pas-de-Calais a fait appel, mais cet appel n'est pas suspensif. "Je ne sais pas pourquoi tout d'un coup, elle se radicalise, s'interroge un proche du Premier ministre. Espère-t-elle échapper à son inéligibilité ? Elle prend le risque de n'être rien dans l'organigramme du RN". En cas d'élections législatives anticipées, le RN assure qu'elle se présenterait malgré sa condamnation, et s'en remettrait à une décision du Conseil constitutionnel. Elle serait alors fixée sur son sort électoral sans attendre le jugement en appel, prévu autour de l'été 2026. "Ça peut nous permettre d'accélérer les choses", veut croire un proche de la présidente du groupe RN. "C'est peut-être une façon habile de composer avec l'agenda judiciaire", note Olivier Rouquan.
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