"Il faut soit être naïf, soit être cynique" : après les déclarations de François Bayrou, les socialistes se retrouvent isolés à gauche

François Bayrou a annoncé une renégociation des partenaires sociaux sur la réforme des retraites. Insuffisant pour les socialistes qui lui demandent d'aller plus loin pour échapper à la censure. Pour les insoumis, il s'agit d'un désaveu pour le PS.

Article rédigé par franceinfo
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Le premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure (au centre) avec le président du groupe socialiste au Sénat Patrick Kanner (à gauche) et le président du groupe parlementaire socialiste Boris Vallaud après une réunion à l'Hôtel Matignon à Paris le 16 décembre 2024. (LOU BENOIST / AFP)
Le premier secrétaire du Parti socialiste Olivier Faure (au centre) avec le président du groupe socialiste au Sénat Patrick Kanner (à gauche) et le président du groupe parlementaire socialiste Boris Vallaud après une réunion à l'Hôtel Matignon à Paris le 16 décembre 2024. (LOU BENOIST / AFP)

Les socialistes attendaient de grandes concessions, ils n'ont presque rien obtenu. Le gouvernement de François Bayrou reste sous la menace d'une motion de censure du Parti socialiste. Lors de sa déclaration de politique générale, le Premier ministre a certes rouvert le chantier de la réforme des retraites mais sans annoncer de suspension ou d'abrogation. Le PS est furieux, car il a la sensation de se faire "enfumer" après des discussions qui semblaient pourtant avancées.

Mais est-ce vraiment un retour à la case départ pour le Premier ministre ? Si, pour la première fois, François Bayrou rouvre le chantier de l'âge de départ à la retraite et même si sa méthode se veut innovante - avec trois mois de "conclave", "sans totem et sans tabou", avec les partenaires sociaux -, il n'y voit pas beaucoup plus clair. Il n'y a aucune garantie d'échapper à une censure des socialistes.

"Il faut soit être naïf, soit être cynique"

"Le compte n'y est pas", insiste encore mardi soir Olivier Faure au 20 heures de TF1. "À ce stade, nous censurerons, sauf si nous avons une réponse claire" dans les 48 heures sur le sujet, poursuit le premier secrétaire du parti. Le PS tente donc de maintenir la pression, alors qu'il n'a pas obtenu de gain politique avec un trophée politique d'ampleur. Ils craignent notamment que la renégociation entre partenaires sociaux tourne court en raison de la mauvaise volonté du Medef.

Les socialistes souhaitent en effet que le gouvernement s'engage quoi qu'il arrive, même en cas d'échec du "conclave", à ce qu'une nouvelle réforme des retraites soit débattue à l'Assemblée, sans 49.3. Pour l'instant, François Bayrou a seulement prévenu que, sans accord entre les partenaires sociaux, la réforme Borne de 2023 continuerait de s'appliquer.

Le vent a donc tourné en défaveur du PS qui se retrouve isolé à gauche. Pour l'insoumise Clémence Guetté, le PS se prend "un retour de flammes"... et l'"a bien cherché" : "Il faut participer à une mascarade pour qu'elle puisse se tenir, lance la députée. Il faut soit être naïf, soit être cynique pour avoir cru quoi que ce soit de Monsieur Bayrou. Il faut le censurer jeudi, et il en vient de la responsabilité de chaque formation politique", a-t-elle dénoncé au micro de franceinfo. "Il faut que Faure sorte de cet isolement qui divise le NFP", tacle pour sa part Jean-Luc Mélenchon sur X.

"Un vieux renard de la politique"

En interne, les députés PS tentent de minimiser le désaveu et les divisions au sein du Nouveau front populaire. "La gauche est diverse, nous le savons", avance le député Philippe Brun. 

"Sur la question de la censure, c'est plus une question tactique qu'une vraie question politique, puisque le gouvernement de François Bayrou ne tombera pas ce jeudi. Le RN a dit qu'il ne voterait pas la censure."

Philippe Brun

à franceinfo

Le PS finira-t-il par voter jeudi cette censure déposée par LFI ? La balle est dans le camp du gouvernement, assurent les socialistes. "François Bayrou n'a plus qu'une dizaine d'heures pour faire des propositions", déclare un cadre du parti.

Le Premier ministre a déjà coché quelques cases avec une annulation du déremboursement de certains médicaments, une augmentation des dépenses de l'assurance-maladie... Il travaille à une taxe anti-optimisation sur les plus hauts patrimoines et un retour sur les 4 000 suppressions de postes dans l'Éducation nationale. "Ce n'est pas neutre, mais on ne négocie pas la dote d'un mariage", assure un conseiller de l'exécutif, qui ne manque pas de rappeler que le Parti socialiste restera dans l'opposition. "La lutte continue", embraye un autre.

Si le Premier ministre échappe au vote de la censure dans les prochaines heures la bataille risque de se reporter sur le budget. Mais François Bayrou en garde-t-il sous le pied ? "C'est un vieux renard de la politique", sourit un de ses soutiens. Une manière de dire qu'en fin négociateur, François Bayrou s'est gardé quelques jokers dans sa manche.

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