Composition du gouvernement, présentation du budget, déclaration de politique générale... Quelles sont les prochaines étapes pour Sébastien Lecornu ?

Article rédigé par Daïc Audouit
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min
Le Premier ministre Sébastien Lecornu répond aux journalistes en marge d'une visite au commissariat de L'Haÿ-les-Roses (Val-de-Marne), samedi 11 octobre 2025. (MARTIN LELIEVRE / AFP)
Le Premier ministre Sébastien Lecornu répond aux journalistes en marge d'une visite au commissariat de L'Haÿ-les-Roses (Val-de-Marne), samedi 11 octobre 2025. (MARTIN LELIEVRE / AFP)

Renommé à Matignon par Emmanuel Macron vendredi soir, le Premier ministre se donne pour cap de doter la France d'un budget au 31 décembre.

Sébastien Lecornu de retour à la case départ. Plus précisément à celle du 9 septembre, lorsqu'il a été nommé Premier ministre pour la première fois. Au lendemain de sa seconde nomination à Matignon par Emmanuel Macron, vendredi 10 octobre, l'ancien ministre des Armées doit désormais constituer un gouvernement qui puisse arracher une non-censure au Parlement.

En septembre, il avait pris son temps – vingt-six jours –, pour composer son équipe gouvernementale. Aujourd'hui, il lui est plus difficile de jouer la montre alors que le calendrier se resserre et que les dossiers s'empilent sur son bureau. Franceinfo revient sur les priorités du locataire de Matignon.

Présenter le budget : la première urgence

Selon les règles constitutionnelles, le budget de la France (PLF) et celui de la Sécurité sociale (PLFSS) doivent être présentés d'ici lundi 13 octobre, afin de laisser au Parlement le délai légal de soixante-dix jours pour les examiner. C'est la première urgence de Sébastien Lecornu. "Je me donne une mission qui est assez claire : comment faire en sorte qu'il y ait un budget pour la Sécurité sociale et un budget pour la France au 31 décembre", a déclaré samedi le Premier ministre, en marge de sa visite dans un commissariat de banlieue parisienne.

Mais pour présenter ces projets de textes budgétaires, faut-il un gouvernement constitué qui se réunisse en Conseil des ministres ? Le secrétariat général du gouvernement, organe administratif de Matignon, considère, dans une note, qu'un Premier ministre peut le faire seul ou entouré de ministres démissionnaires "au nom de l'impératif de la continuité de la nation".

Cette solution est-elle totalement conforme à la règle ? Les constitutionnalistes sont partagés. "Il y a quand même un sujet : en expédition des affaires courantes [ce dont sont formellement chargés les ministres démissionnaires], on ne fait pas de politique. Or, le budget est l'un des actes les plus politiques de l'année", explique le constitutionnaliste Thibaud Mulier. "Il y a une problématique d'interprétation. Il n'y a que le juge qui pourra la trancher dans un sens ou dans l'autre", poursuit le maître de conférences à l'université de Nanterre (Hauts-de-Seine), évoquant d'éventuels recours devant le Conseil constitutionnel. 

Composer son gouvernement : un casting à haut risque

Même si les règles constitutionnelles lui laissaient un peu de marge, Sébastien Lecornu ne devrait pas trop traîner. Le signal politique envoyé doit être celui d'une mise au travail après un mois d'immobilisme et de revirements consécutifs à la première nomination de Sébastien Lecornu à Matignon. "C'est compliqué, quand même. Si on a un président tout seul, un Premier ministre tout seul, ça va ressembler à une citadelle assiégée !", commente Cyrielle Chatelain, président du groupe Les Ecologistes à l'Assemblée nationale. 

Or, la tâche n'est pas plus aisée que la semaine précédente. Les LR font-ils toujours partie du socle commun ? Réuni en visioconférence samedi matin, le parti de droite a soupesé les options, loin d'être partagées entre sénateurs et députés. Bruno Retailleau et Gérard Larcher ont plaidé pour une non-participation au gouvernement, y compris à titre personnel pour l'ancien ministre de l'Intérieur. Un vote de leur bureau politique a considéré à une large majorité que les conditions n'étaient pas réunies pour rentrer au gouvernement. L'UDI plaide pour un soutien sans participation. Le Parti Horizons réfléchit également.

Sébastien Lecornu, en acceptant de retourner à Matignon, a fixé les règles pour composer son casting. "Pour ne pas reproduire les mêmes erreurs [que le premier gouvernement éphémère annoncé dimanche 5 octobre], ceux qui veulent gouverner doivent se déconnecter de l'élection présidentielle ou de certains problèmes partisans", précisait son entourage vendredi soir. Cela écarterait, par exemple, Gérald Darmanin, ministre de la Justice démissionnaire. L'autre reproche adressé au précédent gouvernement Lecornu était un manque de renouvellement, avec 12 ministres sortants reconduits sur 18. Mais trouver de nouveaux profils peut demander plus de temps, car il faut effectuer en urgence les vérifications de patrimoine et de conflits d'intérêts.

Sébastien Lecornu peut aussi se tourner vers des personnes issues de la société civile. Mais sans garantie d'échapper à la censure, peut-il attirer des profils prêts à quitter un poste plus ou moins confortable pour un saut dans l'inconnu ? "Je ne pense pas qu'il veuille s'abîmer au gouvernement maintenant, c'est une opération kamikaze dans ce contexte. Finir sa carrière sur un échec, ce serait difficile à digérer pour lui", témoigne un proche d'un de ces grands commis de l'Etat, dont le nom est régulièrement cité pour entrer au gouvernement. 

Prononcer sa déclaration de politique générale : une première épreuve

Au détour de son déplacement en banlieue parisienne samedi, Sébastien Lecornu a glissé, comme une confirmation, qu'il prononcerait une déclaration de politique générale. Il s'agit pour un Premier ministre nommé de tracer la feuille de route de son action. La date de cette prise de parole devant le Parlement n'est pas encore fixée, même si son entourage, samedi, penchait "pour la semaine prochaine".

Là encore, il reste à lever une incertitude constitutionnelle. Pour prononcer un tel discours, un nouveau gouvernement doit-il être formé ? Est-ce aussi la condition pour que les groupes d'opposition puissent déposer une motion de censure afin de le renverser, comme certains en ont l'intention ? "Les reconfigurations politiques en cours peuvent infléchir les croyances qu'on avait sur l'interprétation des textes", répond le constitutionnaliste Thibaud Mulier, n'écartant pas l'hypothèse. "Un gouvernement démissionnaire n'est pas quelque chose de tout à fait mort", poursuit-il.

S'il ne prononce pas de déclaration de politique générale dans la semaine, Sébastien Lecornu n'échappera pas à une confrontation avec les députés. Deux séances de questions au gouvernement sont prévues dès mardi et mercredi à l'Assemblée nationale. "Il aura l'occasion d'expliquer ce qu'il veut faire à ce moment-là. Comptez sur nous", promet l'écologiste Cyrielle Chatelain.

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