Démission de Sébastien Lecornu : "Emmanuel Macron essaie de gagner du temps, mais le problème de sa légitimité se pose aujourd'hui", note Lou Fritel, journaliste politique

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Article rédigé par franceinfo - Édité par l'agence 6Medias
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Dans "La Matinale" du 7 octobre, Lou Fritel, journaliste politique à "Paris Match", spécialiste du suivi des droites, livre son analyse de la démission de Sébastien Lecornu et des enjeux de la crise politique en cours pour Emmanuel Macron, Bruno Retailleau, la droite et la macronie.

Deux jours, c'est le délai qu'Emmanuel Macron a donné à son Premier ministre Sébastien Lecornu, après l'annonce de sa démission lundi, pour trouver un accord avec les forces du socle commun. Des négociations de la dernière chance dans un climat tendu, où le soutien de la droite au camp présidentiel semble désormais incertain, et où la gauche tente de se poser en principale alternative, LFI réclamant le départ du président. Pour en parler, Lou Fritel, journaliste politique au magazine Paris Match, décrypte la situation dans "La Matinale".

Ce texte correspond à une partie de la retranscription de l'interview ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder en intégralité.


Jean-Baptiste Marteau : Sébastien Lecornu qui entame donc à partir de 9 heures de nouvelles négociations, on va dire 48 heures, pour tenter de trouver un miracle après ce qu'il s'est passé hier. On se dit, quand on regarde toutes les options qui sont sur la table et qu'on tente d'analyser depuis ce matin, que la solution miracle, on a du mal à la voir.

Lou Fritel : Il m'apparaît que lorsque Sébastien Lecornu a démissionné, le chef de l'État a essayé de gagner du temps. Ces 2-3 jours en plus permettent de penser à une sortie de crise.

Donc, c'est uniquement un moyen, une option pour Emmanuel Macron pour repousser un peu l'échéance et tenter de trouver une solution ?

Je pense honnêtement que son but, c'est d'éviter une dissolution. Il ne veut pas de dissolution parce qu'il sait qu'après, la question qui se posera, c'est celle de sa démission. Le problème, c'est que cette question-là se pose déjà et elle se pose dans beaucoup de camps. Vous avez regardé le sondage qui est sorti hier dans Le Figaro, justement ? 70 % des Français sont pour sa démission. Il y a quand même un problème de légitimité qui se pose là aujourd'hui.

On a l'impression qu'il y a une inflexion tout de même du discours de Bruno Retailleau, qui avait sorti des mots très durs dimanche soir après la nomination du gouvernement. Là, on a vu hier qu'il tentait un petit peu d'adoucir le discours. Ce matin, il dit qu'il ne ferme pas la porte à un gouvernement de cohabitation. Il y croit vraiment. Il veut quoi, Bruno Retailleau ?

Bruno Retailleau est tiraillé entre deux options, celle de faire une cohabitation, et plutôt même de récupérer, en vue de 2027, l'idée d'un grand centre droit, un peu comme sur le modèle de l'UMP. Donc travailler avec la macronie, c'est ce qu'ils ont fait jusqu'à présent...

"Bruno Retailleau a été contraint par sa base de s'opposer à la nomination de Bruno Le Maire"

Et il avait besoin de rester au gouvernement pour ça, parce qu'il a offert cette lumière aussi ces derniers mois.

Il est tiraillé aussi par ses militants, parce qu'il a accepté de travailler à nouveau avec Sébastien Lecornu et Emmanuel Macron. Lorsque les militants ont découvert les noms du gouvernement, et notamment celui de Bruno Le Maire, certains ont menacé de rendre leur carte, certains l'ont fait. C'est pour ça qu'il a mis 2 heures avant de s'opposer à cette architecture gouvernementale.

Il était donc contraint de s'indigner de la nomination de Bruno Le Maire par sa base ?

Il a été contraint par sa base. C'est ça, l'histoire. Et en l'occurrence, c'était quand même son défi en tant que chef de parti que de prévenir une telle crise gouvernementale. Manifestement, il a échoué. Qui boit du petit-lait aujourd'hui ? C'est Laurent Wauquiez qui, tout le week-end, disait qu'il ne faut pas rentrer au gouvernement, soutien sans participation... Qui n'est pas la chose la plus évidente qui soit, parce que soutien sans participation, vous n'avez que les mauvais côtés. Vous vous retrouvez à soutenir un gouvernement, donc à être dépositaires d'un bilan, sans pouvoir faire pression de l'intérieur. Deux heures après que Bruno Retailleau a écrit son tweet, c'était la position de l'ensemble des LR. Il y a une impression de flottement vraiment qui est palpable et c'est à l'image aussi de son intervention hier à 13 heures. Ça fait assez tambouille, honnêtement.

On se demande maintenant, quand on voit ce que dit Gabriel Attal, est-ce qu'un compromis peut encore être trouvé ? L'option d'un gouvernement de gauche, parce qu'il y a aussi sur la table, le PS, les écolos disent : nous, on est prêts. Et Gabriel Attal, hier au 20 octobre TF1, dit : "Pourquoi pas, pourquoi pas le soutenir". Il est un peu moins clair ce matin sur France Inter. Mais c'est une option qui est vraiment sur la table, ou ça fait uniquement partie de l'imaginaire du PS ?

Honnêtement, le problème, c'est ce que le PS fait venir avec lui, les autres forces de gauche, sans compter LFI.

Pas LFI, ça c'est certain en tout cas...

Il faudra obtenir à minima leur indulgence, le RN va censurer quoi qu'il en soit, et LR censurera ce genre de gouvernement. Donc c'est vrai que c'est le même genre d'attelage, mais juste de l'autre côté de l'échiquier politique.

Cliquez sur la vidéo pour regarder l'entretien en intégralité.

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