"Un stress supplémentaire" : quelles sont les conséquences de la chute du gouvernement Lecornu sur l'économie française ?
Le départ de l'éphémère Premier ministre renforce le climat d'incertitude qui planait déjà sur l'économie depuis la dissolution de juin 2024.
La démission de Sébastien Lecornu, seulement quatorze heures après avoir nommé une partie de son gouvernement, a fait trembler les marchés. Le CAC 40, le principal indice boursier de la place de Paris, a chuté de plus de 2%, lundi 6 octobre, après l'annonce du départ de l'éphémère Premier ministre. A la mi-journée, le cours des banques françaises a aussi fortement chuté : -4,35% pour BNP Paribas, -5,91% pour la Société générale et -4,35% pour le Crédit agricole.
"La première conséquence de cette annonce, c'est la hausse du taux d'endettement de la France sur les marchés", expose Anne-Sophie Alsif, cheffe économiste au cabinet de conseil BDO. Les cours des banques tricolores, très sensibles au coût de la dette française, n'ont pas résisté à la hausse immédiate du taux d'intérêt de la France à dix ans, passé de 3,51% dimanche à 3,61% juste après la démission de Sébastien Lecornu, son plus haut niveau depuis début mars. La France emprunte désormais plus cher que l'Italie sur dix ans.
Le "spread", c'est-à-dire l'écart entre les taux d'emprunt français et allemand sur les marchés, référence européenne qui reflète le risque perçu par les investisseurs, a quant à lui atteint 89 points, son plus haut depuis janvier. A titre de comparaison, l'écart était de 81 points dimanche, et "valait 50 points" avant la dissolution, en juin 2024, note Eric Dor, directeur des études économiques à l'Iéseg. Concrètement, cette hausse du taux d'emprunt "augmente encore le coût de la dette pour l'Etat", ajoute l'expert. "Cela n'a rien de dramatique, ça n'a rien à voir avec la crise de la dette souveraine qui avait frappé la Grèce, mais c'est un nouveau froncement de sourcils de la part des marchés", temporise Eric Dor.
"Une situation encore plus grave" qu'anticipé
En revanche, "si jamais le spread augmente encore, ça ne sera pas totalement indolore pour le refinancement des ménages et des entreprises", complète Mathieu Plane, économiste à l'OFCE. "Les taux d'intérêt que les banques pratiquent sont à la fois sensibles à la politique de la Banque centrale européenne, mais aussi à ce qui se passe sur les marchés", ajoute l'expert.
Pour les spécialistes interrogés par franceinfo, le départ de Sébastien Lecornu constitue "un stress supplémentaire" dans un contexte déjà tendu. "Depuis la dissolution, les marchés financiers pensent que la France sera dans une situation de crise politique jusqu'à l'élection présidentielle de 2027", avance Anne-Sophie Alsif. La chute du Premier ministre, à peine un mois après sa prise de poste, fait craindre un "scénario rouge-noir" pour les investisseurs, selon l'économiste, dans lequel "la France serait dans une situation encore plus grave que ce qui avait été anticipé".
L'incertitude liée à la dissolution "était retombée à l'été", d'après Mathieu Plane, "mais elle a de nouveau fortement augmenté après le vote de confiance perdu par François Bayrou, le 8 septembre." Elle se traduit par "des ménages qui épargnent encore plus et consomment moins, et des entreprises qui sont beaucoup plus prudentes sur leurs investissements et leurs embauches", observe l'économiste.
"A partir du moment où il y a de l'incertitude, il y a plus de précaution et cette précaution se traduit par de la croissance en moins."
Mathieu Plane, économiste à l'OFCEà franceinfo
"Jusqu'à présent, on estimait que la situation politique, depuis la dissolution, avait coûté 0,4 point de produit intérieur brut à l'économie française sur 2024-2025", rapporte le spécialiste, qui estime que ce nouveau rebondissement politique pourrait amputer la croissance de "quelques dixièmes" supplémentaires.
"Il faut juste un budget"
A terme, la situation politique interroge aussi les marchés sur la capacité de la France à redresser ses comptes publics, alors que le déficit est attendu à 5,4% du produit intérieur brut en 2025, et que l'exécutif entend le faire passer sous les 3% d'ici à 2029. "La question fondamentale est de savoir si le Parlement va réussir à adopter un budget et, si oui, lequel", résume Mathieu Plane. En théorie, le projet de loi de finances pour 2026 doit être déposé mi-octobre au Parlement et voté avant le 31 décembre. Un calendrier qui paraît intenable dans ce contexte.
Faute de budget, l'exécutif pourra recourir à une loi spéciale. Déjà utilisé fin 2024, après la chute du gouvernement de Michel Barnier sur le budget, ce texte permet à l'Etat de continuer à prélever l'impôt et de reconduire à l'identique les crédits de l'année en cours. "Mais cet outil est censé être transitoire", rappelle Mathieu Plane. Pour calmer les marchés, "il faudrait une coalition qui parvienne à voter des budgets jusqu'en 2027", juge Anne-Sophie Alsif. "Même s'il est en déficit, il faut juste un budget", insiste-t-elle.
Dans ce contexte, les agences de notation pourraient à nouveau sanctionner la France. En septembre, l'agence Fitch a dégradé la note souveraine du pays de AA- à A+, en raison de l'instabilité politique persistante et des incertitudes budgétaires qui contrarient l'assainissement de ses comptes publics. Deux autres grandes agences mondiales, Moody's et S&P, doivent respectivement rendre leur verdict le 24 octobre et le 28 novembre. "De nouvelles dégradations sont à attendre, anticipe Eric Dor, même si elles ne devraient pas trop aggraver la hausse des taux dans la mesure où elles la suivent plutôt qu'elles la précèdent."
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