: Enquête Les curieuses méthodes d'une agence de communication liée à Vincent Bolloré
Sur la plateforme X, un compte dénommé "Les Corsaires" s'en prend à des chaines de télévision. Il se présente comme un regroupement de militants "pro-liberté d'expression", à but non lucratif. Ils auraient en fait un lien avec Vivendi, le groupe contrôlé par Vincent Bolloré et sa famille.
Ils n'ont pour l'instant qu'une petite bande-annonce. La chaîne de Ouest-France, OFTV, fera le 6 juin prochain son apparition sur la TNT. Et dans ce jeu de chaises musicales, une autre chaîne historique sera exclue de la TNT : C8, célèbre pour héberger l'émission "Touche Pas à Mon Poste", animée par Cyril Hanouna. L'animateur s'en plaint d'ailleurs régulièrement. "C'est un scandale au niveau de la liberté d'expression ! (...) Même dans les dictatures, ça n'existe pas, une chaîne qui disparaît, ça n'existe pas !", affirme-t-il le 17 décembre dernier.
Derrière ces critiques publiques, le groupe propriétaire de C8, Vivendi, contrôlé par Vincent Bolloré, serait aussi en première ligne pour mener une opération de communication agressive sur les réseaux sociaux. Sur X, anciennement Twitter, nous avons recensé une dizaine de publications émanant d'un compte appelé "Les Corsaires".
Ce compte se présente comme un "groupe d'action pro liberté d'expression", à but non lucratif, et tiennent à leur anonymat. Dans une vidéo, grimé en pirate et avec la voix modifiée, l'un de ses membres assure que "jamais la censure n'avait autant sévi dans notre pays".
Depuis peu, ces "Corsaires" s'en prennent à OFTV. Alors qu'elle n'a pas commencé à émettre, les "Corsaires" l'accusent déjà d'être une "chaîne marquée à l'extrême gauche". Et ils insinuent que le groupe de presse régionale aurait menti sur sa capacité à aller au bout de son projet de chaîne TV. "Une coquille vide", une "arnaque", avant d'ajouter : "Ouest-France TV n'est pas prête. Prévue pour le 1er mars, elle demande maintenant un report au 1er septembre 2025. (...) Ouest-France TV a menti."
Derrière les "Corsaires", l'agence Progressif Media
Ces accusations sont mal étayées. Lors des auditions devant l'Arcom - le gendarme de l'audiovisuel - Ouest-France a toujours annoncé le même calendrier, à savoir qu'elle n'a pas prévu d'émettre avant le 1er septembre 2025.
Une ONG pense avoir identifié qui était à la manœuvre derrière les "Corsaires". Reporters sans Frontières, qui milite pour la liberté de la presse, assure que ces militants sont liés à Vivendi, via l'agence de communication Progressif Media. "Qu'il y ait des gens réels qui appartiennent au groupe des Corsaires, c'est tout à fait possible, mais le bateau-pilote c'est bien Progressif Media, et le chef d'état-major c'est Vivendi, derrière", explique Arnaud Froger, responsable des investigations à RSF.
Le groupe Vivendi est en effet l'un des actionnaires de cette agence. Progressif Media est même installé aux côtés d'autres médias de la sphère Bolloré, comme Europe 1 et CNews. Et le lien direct de l'agence avec les Corsaires apparaît dans ce que RSF présente comme un document interne qu'elle a récupéré.
Des faux sites internet
On y retrouve partout le nom et le logo des Corsaires et leur stratégie est détaillée étape par étape. Il préconise d'abord, "l'interpellation de la cible" sur les réseaux sociaux, avant de réaliser sur leur site "une page bataille", puis d'envoyer "2 000 à 3 000 tweets" en 72 heures.
Selon ce document, Progressif Media serait allée jusqu'à fabriquer des faux sites web, copiant la page officielle de RSF, qui a porté plainte. "L'objectif est très clair : arriver en haut des résultats sur Google. [Ainsi], quand quelqu'un fait une recherche sur Reporters sans frontières, il tombait sur ce site au lieu du vrai. Ce sont des pratiques de désinformation auxquelles les Russes nous ont habitué en imitant des sites de médias français. Là il s'agit d'une société de droit français, à quatre arrêts de métro de RSF", poursuit Arnaud Froger. Les sites et fausses adresses ont aujourd'hui disparu.
Progressif Media aurait-elle attaqué RSF ? L'agence n'a pas souhaité nous répondre sur ce point. Mais son patron assume une proximité idéologique avec les "Corsaires", non rémunérée selon lui. "Ce n'est pas géré par des employés, on est impliqués dans le projet, voilà. Les Corsaires, c'est un mouvement de défense authentique de la liberté d'expression. C'est une initiative dans laquelle je crois, je m'implique, mais je ne suis pas rémunéré pour cela. (...) Le document de RSF, c'est un gros fake pour essayer de nous fragiliser."
De son côté, Vivendi, le groupe de Vincent Bolloré, n'a jamais répondu à nos questions. Ouest-France n'a de son côté pas souhaité commenter ces attaques. Suite à la plainte contre X de RSF, une information judiciaire a été ouverte pour usurpation.
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