"Les enfants, la fête est finie" : un an après l'annonce d'Emmanuel Macron, les leaders politiques racontent le "choc" de la dissolution
Margaux Duguet
Publié
Marine Le Pen, Eric Ciotti, Marine Tondelier, Manuel Bompard… Franceinfo a interrogé plusieurs responsables politiques pour qu'ils racontent, heure par heure, cette journée et cette nuit historiques où la France a basculé dans l'inconnu.
C'était il y a un an. Face aux résultats catastrophiques de son camp aux élections européennes et au score historiquement haut de l'extrême droite, Emmanuel Macron choisissait de dissoudre l'Assemblée nationale, provoquant un séisme politique. Seul Jacques Chirac s'était, en 1997, risqué à un tel pari, et l'avait largement perdu à l'époque. Cette fois, le contexte est bien différent : le Rassemblement national est aux portes du pouvoir et rêve de décrocher Matignon.
Ce 9 juin 2024, le président de la République prend de surprise l'ensemble de la classe politique et annonce de nouvelles élections législatives, trois semaines plus tard. Une campagne éclair, dans laquelle chaque minute va compter, débute aussitôt.
Rumeurs
Entre et
QG de Renaissance et palais de l'Elysée
"Je sais que le résultat va être catastrophique. Même les gens qui votent habituellement pour nous nous disent qu'ils ne le feront pas cette fois." Sans illusions sur le score du camp présidentiel aux européennes, la secrétaire d'Etat chargée de la Ville Sabrina Agresti-Roubache prend le monte-charge, avec ses collègues du gouvernement, pour échapper à la presse réunie au quartier général du parti présidentiel.
Cette proche du couple Macron rejoint l'équipe de campagne de Renaissance. "Il y a un petit balcon où les gens vont fumer parce qu'ils sont un peu nerveux. Pour résumer l'ambiance, c'est la tension qui prédomine."
Valérie Hayer, la tête de liste, s'isole. Gabriel Attal, le Premier ministre, l'appelle en quête d'informations. Trop tôt pour en avoir. Un sentiment de "gravité" habite cette fille d'agriculteurs, inconnue du grand public au moment de sa désignation. "Les sondages ont été confortés au fur et à mesure que le jour de l'élection approchait. On sait que l'extrême droite sera loin devant." Mais, surtout, Valérie Hayer est dans la confidence d'un secret bien gardé.
La tête de liste de Renaissance, Valérie Hayer, prononce un discours lors des résultats des européennes, le 9 juin 2024 à son QG de campagne. (CHRISTOPHE PETIT TESSON / EPA / MAXPPP).
"Je sais depuis la veille que le président va s'exprimer, sans savoir ce qu'il va dire."
Emmanuel Macron, lui, revient du Touquet (Pas-de-Calais), où il a voté. A l'Elysée, il découvre les premières estimations qui placent son camp autour de 14%, très loin derrière le Rassemblement national, largement en tête avec plus de 31%. "Il convient que c'est une défaite et que sa capacité à réformer est entravée", raconte un proche.
Le scénario de la dissolution, en gestation depuis plusieurs mois, est enclenché. Une première ébauche de l'allocution est préparée et transmise au chef de l'Etat à son arrivée. "Il est très concentré et reprend beaucoup cette version."
Vers
Palais de l'Elysée
Emmanuel Macron convoque à l'Elysée Yaël Braun-Pivet, présidente de l'Assemblée nationale, Sébastien Lecornu, ministre de la Défense, Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur, et Stéphane Séjourné, patron du Quai d'Orsay. "L'ambiance est amère. Il y a un peu de soulagement parce qu'on est deuxième, devant Raphaël Glucksmann, mais le score est très en deçà de celui de 2019", raconte Laurent Hénart, président du Parti radical, également présent. Gabriel Attal arrive à cette réunion peu avant le président. "Il ne dit rien en attendant d'être interrogé et semble fermé."
Accompagné du secrétaire général de l'Elysée, Alexis Kohler, Emmanuel Macron déroule les scénarios possibles. "Ne rien faire – mais on serait alors taxés de surdité complète. Faire un remaniement – mais on l'a déjà fait en janvier. Ou faire une dissolution. C'est la décision qu'il prend, détaille Laurent Hénart. Il dit que rendre la parole aux Français est sûrement la chose la plus simple et la plus saine en démocratie dans un contexte comme celui-là".
Yaël Braun-Pivet demande un entretien privé que lui accordera ensuite le président, conformément à la Constitution. "Gabriel Attal n'a pas de propos négatifs, mais demande si on est prêts, que ce soit sur les investitures ou les idées", raconte Laurent Hénart.
Sur les plateaux télé, les cadres macronistes sont prévenus de la prise de parole imminente d'Emmanuel Macron. "Ils cherchent à savoir ce qu'il va annoncer, mais je ne peux rien dire", sourit un proche du président.
"J'étais hyper angoissée par le score des européennes. J'avais alerté, dès février, que le score n'allait pas être bon. On me disait : 'Détends-toi, faut pas stresser.'"
Avec une députée, elle organise un conseil politique en visioconférence lorsqu'un journaliste de France 2 la prévient que les Ecologistes seront crédités de 4,8% des voix dans l'estimation affichée à 20 heures. Sous la barre des 5% qui permet d'envoyer des députés au Parlement européen.
Entre et
QG des partis
A 19h56, un communiqué de l'Elysée est diffusé par l'Agence France-Presse. "Suite aux résultats des élections européennes, le président de la République s'adressera dans la soirée aux Français."
Au PS, Boris Vallaud, le patron des députés socialistes, s'inquiète. "Je me demande ce qu'il va raconter. Je pense à la dissolution, mais sans y croire. Mesurant le caractère irresponsable de ce geste, je l'écarte tout de suite." Le bon score de Raphaël Glucksmann, arrivé troisième avec 13,83% des voix, est éclipsé par les résultats stratosphériques de l'extrême droite.
Au QG du Rassemblement national, les militants célèbrent les bons scores de leur parti aux européennes, le 9 juin 2024. (ANDRE PAIN / EPA / MAXPPP).
Au RN, l'ambiance est à la fête. Marine Le Pen comprend dès l'annonce de l'allocution présidentielle. "J'étais convaincue qu'il allait annoncer la dissolution, qu'il viendrait dire qu'il allait d'abord chercher une majorité et que s'il n'y parvenait pas, il la ferait en septembre. Ce que je ne pensais pas, c'est qu'il opérerait la dissolution immédiatement."
"Ça me paraît tellement rationnel de considérer qu'on ne convoque pas immédiatement de nouvelles élections sur l'air de 'même pas mal' lorsqu'on vient de prendre une énorme claque électorale. En règle générale, les Français disent : 'Ah bon, même pas mal ? Ecoute, viens donc prendre la deuxième.'"
Avec Jordan Bardella, Marine Le Pen sont convenus de réclamer au chef de l'Etat de dissoudre l'Assemblée nationale, si les résultats montraient "un niveau spectaculaire de notre part et surtout un différentiel très important avec la majorité". Dès 20h05, la tête de liste du RN demande des législatives anticipées.
Du côté des macronistes, Valérie Hayer s'éclipse pour répondre à Alexis Kohler. "Il me dit que le président va annoncer la dissolution et me donne les dates des élections. J'ai plein de questions, mais j'en prends acte. C'est un échange très court." L'eurodéputée retourne auprès de ses troupes. Le QG bruisse de rumeurs autour de l'allocution présidentielle. "Je ne dis rien de ma conversation avec Alexis Kohler", confie Valérie Hayer.
Vers
Sur les plateaux télé
Une ligne que ne suit pas Gérard Larcher. Vers 20h10, le président de la République l'informe de sa décision de dissoudre, comme lui intime la Constitution. Le président du Sénat prévient aussitôt le patron de son parti, Eric Ciotti, alors invité de TF1. "Il me dit qu'il vient d'avoir [Emmanuel] Macron, qui va dissoudre. J'oscille entre la sidération et l'incompréhension".
Marine Tondelier, elle, est sur le plateau de France 2, aux côtés du coordinateur national de La France insoumise (LFI), Manuel Bompard. La patronne des Ecologistes est soulagée : son parti est finalement affiché à 5%. Sur son téléphone, un texto d'un "compagnon de route" la prévient de l'imminence de la dissolution. Hors champ, elle se tourne vers le député insoumis des Bouches-du-Rhône.
"Je lui dis : 'Manu, je crois qu'il va y avoir une dissolution'. Il me répond : 'Non, mais toi, tu crois toujours tout ce qu'on te dit'. Je croise alors le regard de François Bayrou, qui est en face de moi sur le plateau, et qui me le confirme."
Manuel Bompard n'en a pas le souvenir, mais il garde en tête des rumeurs qui circulent sur le plateau. "Je reste prudent. Au début, c'est quand même des bruits, des gens qui disent que quelqu'un a dit que quelqu'un a dit."
A 20h50, Boris Vallaud n'a, lui, plus de doute. Sur son téléphone, les responsables du PS sont avertis de la dissolution sur une messagerie chiffrée. "Olivier [Faure] était à côté de [Gérald] Darmanin sur un plateau de télévision. Il s'est penché vers lui en lui disant : 'Dissolution'".
Déflagration
QG de Renaissance
Le visage d'Emmanuel Macron apparaît à la télévision. Le président explique qu'il ne peut "se résoudre" à cette situation, où l'extrême droite cumule 40% des suffrages. "J'ai décidé de vous redonner le choix de notre avenir parlementaire par le vote. Je dissous donc ce soir l'Assemblée nationale" .
Le calendrier choisi est serré : les législatives auront lieu le 30 juin et le 7 juillet. Trois minuscules semaines de campagne. "Les gens sont catastrophés. On comprend que c'est foutu, soupire Sabrina Agresti-Roubache. Je pense immédiatement à Marseille. Je connais ma circonscription. Je sais qu'on va perdre, je sais que c'est fini."
Un parfum de "sidération" flotte dans l'air au QG macroniste. Personne ne parle. "C'est un coup de tonnerre pour tout le monde. Pourquoi s'engager dans une nouvelle campagne électorale alors qu'il y a un risque que les Français votent de la même façon ?" , s'interroge Valérie Hayer.
Mais l'eurodéputée comprend cette décision, notamment motivée par la volonté d'éviter une motion de censure qui aurait menacé le gouvernement à la rentrée. "Après une dizaine de minutes, tout le monde part de son côté et on passe complètement à autre chose". Valérie Hayer et sa garde rapprochée préparent son allocution télévisée. Les poids lourds du parti ont déserté les lieux. La soirée des élections européennes est finie.
QG du RN
Au RN, le champagne coule depuis l'annonce de la dissolution. Puis, les dates tombent. "On a posé la coupe. On a dit : 'Bon, les enfants, la fête est finie. Rendez-vous au siège pour une réunion de campagne.'", raconte Marine Le Pen. "Tout le monde est sur les rotules et il y a un côté : 'Bon bah, il faut y retourner.'" Comme tous les opposants à Emmanuel Macron, Marine Le Pen ne trouve pas de sens à ce calendrier si resserré. "Un choix aberrant" au regard des intérêts du président, estime-t-elle.
"S'il avait dissous en septembre avec une élection en octobre, les gens seraient partis en vacances et auraient pensé à autre chose. Il aurait fallu recréer une dynamique. Là, le véhicule est à 200 km/h, donc il suffit de rouler à 200 km/h."
Le RN n'a jamais été si proche du pouvoir. Jordan Bardella à Matignon ? Le scénario est dans toutes les têtes. "Si c'est vraiment la réalité du pays, on n'a aucune légitimité à continuer nos réformes, justifie un proche du président. Tous les spécialistes de la carte électorale nous disent que la marche est tout de même très haute pour qu'ils aient la majorité absolue. Mais on ne le dit pas publiquement pour ne pas entraîner de démobilisation."
Marine Le Pen et Jordan Bardella quittent la scène du QG du Rassemblement national, le 9 juin 2024 (ANDRE PAIN / EPA / MAXPPP).
Sur le plateau de BFMTV
A gauche, certains voient rouge. La menace du RN est bien concrète. "Comment peut-il être politiquement aussi irresponsable ? Il joue avec la République, la démocratie !", éructe Boris Vallaud.
"Du point de vue de la stratégie de Macron, le timing est fou. C'est un booster total pour mobiliser l'électorat du RN", observe Manuel Bompard. A l'époque pourtant, ce proche de Jean-Luc Mélenchon "ne se pose pas la question de savoir si c'est bien ou pas de le faire. Ce n'est pas mon sujet. Moi, je suis acteur, c'est lui qui décide tout seul. Il a décidé." C'est devant BFMTV, seul, sur son écran de téléphone portable, qu'il écoute Emmanuel Macron annoncer la dissolution. Il annule son intervention prévue en plateau et part rejoindre les cadres insoumis.
Marine Tondelier, elle, intervient sur la chaîne d'informations au moment de l'annonce présidentielle. "Il faut se mettre à ma place. Ça fait six mois que je ronge mon frein, j'ai l'impression de ne pas avoir de prise alors que je suis cheffe de parti. Les batailles hyper dures ne m'effraient pas. Par contre, j'ai besoin de jouer chaque ballon comme si c'était le match de notre vie. Et là, c'était le match de notre vie".
Conseillère municipale d'opposition à Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), ville tenue par le RN, Marine Tondelier sait ce que représentent "dix ans d'opposition contre les fachos". Face à elle en plateau, le socialiste Jérôme Guedj et la cheffe de file des députés LFI, Mathilde Panot, s'échangent quelques piques.
"Leur première réaction, c'est de se foutre sur la gueule alors que toi, ta réaction instinctive, c'est : 'mobilisation générale'. Je me dis que ça commence mal, mais qu'il va falloir faire avec."
Sur le plateau de TF1
Marine Le Pen prend la parole depuis son QG. "Nous sommes prêts à exercer le pouvoir si les Français nous font confiance lors de ces futures élections législatives", déclare-t-elle, dans un discours retransmis à la télévision.
Le discours de Marine Le Pen est retransmis sur franceinfo, le 9 juin 2024.
Au même moment, Eric Ciotti s'exprime sur TF1. Le président des Républicains estime que sans "alliance", "c'est la quasi-disparition" qui attend son parti. Il balaye la main tendue de Gérald Darmanin, qui propose un accord avec LR. "Je considère que le macronisme est le terreau du déclin français et qu'il a été massivement rejeté par les Français." Mais une idée mûrit dans sa tête.
"Cela fait un moment que je réfléchis à cette alliance avec le RN. Mais ce soir-là, c'est une évidence."
Il n'en est toutefois pas encore question publiquement. Sur la chaîne de télévision, Eric Ciotti vante la stratégie "d'indépendance" des Républicains.
Palais de l'Elysée
Les troupes macronistes sont sonnées. Sabrina Agresti-Roubache plonge déjà dans la campagne qui se prépare à Marseille. Elle s'apprête à rentrer chez elle pour coordonner, depuis Paris, ses équipes sur place. Coup de fil de son chef de cabinet. Le gouvernement est convoqué à l'Elysée à 22 heures.
Emmanuel Macron s'astreint à un long service après-vente auprès de ses ministres. "Il refait son discours, en assurant que c'est le moment de la clarification, qu'elle doit avoir lieu. Il dit aussi : 'Ça va être dur, il va falloir se bagarrer.'"
"On étouffe parce que tout le monde est sonné quand même. On a tous conscience de ce qui va arriver."
Pendant une heure, le chef de l'Etat défend sa décision auprès des ministres. A la sortie, "ils sont sous le choc", constate un proche du président. "Beaucoup demandaient cette dissolution, mais ils sont choqués par la soudaineté de la décision." Une majorité va devoir repartir en campagne pour défendre son siège de député.
QG des socialistes et siège de LR
Dans tous les partis, ce sont les élus de l'Assemblée nationale qui sont le plus sonnés : ils viennent de perdre leur mandat. Certains savent qu'ils ne le retrouveront pas. Boris Vallaud organise une visioconférence avec tous les députés socialistes à 22h15. "Ils sont effarés, abasourdis, consternés. Ils ont pris un énorme coup sur la tête. Je leur dis : 'Ecoutez, les amis : on va se battre, on va revenir avec tout le monde et même plus nombreux. Le risque auquel on fait face, c'est celui d'une extrême droite au pouvoir. Donc, on va tout donner."
Au même moment, Eric Ciotti reçoit un texto de Marine Le Pen. "Elle me dit qu'il serait utile que l'on se parle."
Mobilisation
Vers
Siège du RN
La présidente du groupe RN à l'Assemblée fait face à un écueil de taille. Depuis plusieurs semaines, les cadres du parti répètent qu'ils sont prêts en cas de dissolution. Ils ont même conçu une stratégie qui porte un nom : le plan Matignon, avec une liste de candidats pour les 577 circonscriptions.
En réalité, tout est loin d'avoir été finalisé. "Le plan Matignon n'est pas arrivé à son terme, puisqu'il y a beaucoup de circonscriptions qui n'ont pas encore été étudiées."
"Et là, on manque de temps. Clairement, on manque de temps."
Le camp mariniste n'est pas le seul à devoir monter une stratégie en quelques heures. "On a tout donné aux élections européennes. Tout est à inventer en quelques jours. Tout se fait dans la précipitation", se remémore Boris Vallaud.
QG des socialistes
La gauche est confrontée à un défi immense : s'allier, alors que la précédente coalition – la Nupes – a fait long feu, ou y aller en ordre dispersé sans aucune chance de gagner.
"J'ai un seul objectif ce soir-là, que [Jordan] Bardella ne soit pas à Matignon, raconte Marine Tondelier. Je vois bien que les socialistes vont avoir un raisonnement socialiste ; les insoumis, un raisonnement insoumis. Mais je m'en moque : on ne va pas se fracturer maintenant."
Manuel Bompard (LFI), Marine Tondelier (Les Ecologistes) et Laurent Jacobelli (Rassemblement national) sur le plateau de la soirée électorale de France 2, le 9 juin 2024.
Marine Tondelier déboule, avec deux responsables écolos, chez les socialistes "qui ont fait un très beau score". Le PS, emmené par le patron du parti Olivier Faure, tente d'écarter les insoumis. "Ils voulaient que l'on fasse un truc ensemble avec les communistes, que l'on soude quelque chose à trois. Mais, nous, ce n'est pas notre ligne", assure Marine Tondelier.
Boris Vallaud acquiesce. "Chez les socialistes, on est unanimes sur le fait que face à la menace de l'extrême droite, il faut faire front républicain et donc constituer un front populaire. On souhaite aller groupés - communistes, écologistes, et socialistes - à la discussion avec LFI."
Dans le camp mélenchoniste, "on comprend qu'il y a une tentative de nous isoler, de nous marginaliser", relate Manuel Bompard.
"Un certain nombre d'entre eux ont l'intention de faire une alliance sans nous. Ou une alliance dans un premier temps sans nous, visant ensuite soit à nous mettre de côté, soit à nous imposer un rapport de force."
Le coordinateur de LFI a l'idée d'organiser le lendemain matin une réunion de la gauche chez les Ecologistes qui soit connue de la presse, pour mettre la pression sur le PS. Un premier pas vers l'union de la gauche qu'Emmanuel Macron espérait tant fracturer. "On lui a bien cassé son plan. Je pense qu'il s'est pris dans les jambes sa fameuse grenade dégoupillée" , rit Manuel Bompard.
Siège de LR et QG de Renaissance
L'union de la gauche est en marche. Et bientôt celle des droites ? C'est le rêve d'Eric Ciotti. Au siège de LR, il y a "très très peu de monde." Le patron des Républicains reçoit "une dizaine d'appels" de "députés qui s'interrogent sur la stratégie". "Beaucoup sont sur une idée d'alliance avec le RN. Je leur dis que c'est une hypothèse, mais je n'exprime pas de position à ce stade." Dans le plus grand secret, Eric Ciotti appelle Marine Le Pen.
"On fait un état des lieux et je comprends assez vite qu'on s'accorde tous les deux sur une forme d'accord pour aller ensemble aux législatives".
Les deux dirigeants ne rentrent pas dans les conditions de cette future alliance, mais l'idée est actée. "Nous menons la négociation avec Eric Ciotti, ce qui complique les investitures par définition", confirme la cheffe de file du RN.
Seuls les proches collaborateurs d'Eric Ciotti sont mis dans la confidence. Mais pas Gérard Larcher, ni Laurent Wauquiez. Le patron de la région Auvergne Rhône-Alpes lui téléphone. "Il me dit qu'il sera vraisemblablement candidat dans sa circonscription de Haute-Loire. Je lui demande s'il accepterait de conduire la campagne nationale. Il me répond 'non'. Il ne voulait pas prendre le risque d'assumer une déroute", assure Eric Ciotti.
Pendant ce temps-là, Valérie Hayer souffle enfin. Un SMS attire son attention. C'est Emmanuel Macron, qui la "remercie". "Il me dit qu'il a pris ses responsabilités et que l'on entre dans une nouvelle phase. Il me demande de faire le nécessaire au Parlement européen pour que l'on garde nos positions". Clap de fin pour la tête de liste macroniste aux européennes. "Je me couche avec un sentiment de vertige et de gravité."
QG de LFI
D'autres restent sur le pont à une heure très avancée de la nuit. Après les socialistes, Marine Tondelier se rend au siège de LFI. "Ils sont conscients de la menace que représente [Jordan] Bardella, mais ils fixent eux aussi leurs conditions." La patronne des Ecologistes joue les Casques bleus entre les partis de gauche. "Je sens qu'il y a un chemin."
"Si c'est [Jordan] Bardella à Matignon, je ne vois pas comment on explique aux Français qu'on n'a même pas été foutus d'essayer de se battre."
Le Nouveau Front populaire se dessine. Et l'une des erreurs majeures d'Emmanuel Macron est de ne pas y avoir cru, pense Marine Le Pen. "Par expérience, la gauche se met toujours d'accord". La finaliste aux élections présidentielles de 2017 et 2022 y voit un péché d'orgueil du chef de l'Etat. "Tout ce qui a existé avant lui ne l'intéresse pas. Le monde est né avec lui. Je pense qu'il n'a même pas envie de chercher à faire cette analyse."
Au lendemain de l'annonce de la dissolution, les journaux font leur une sur ce choc politique provoqué par cette décision, le 10 juin 2024. (SERGE TENANI / HANS LUCAS / AFP).
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