Médecins du monde dénonce "une grave atteinte aux fondements de notre modèle social", après le vote du Sénat limitant l'accès aux prestations sociales pour les étrangers

L'ONG signe une tribune publiée mercredi pour dénoncer "une préférence nationale déguisée" à propos d'une proposition de loi Les Républicains adoptée au Sénat pour restreindre certaines prestations sociales aux étrangers. Matthias Thibeaud, référent accès aux droits santé à Médecins du monde, craint des conséquences négatives.

Article rédigé par franceinfo
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Le Sénat, le 5 mars 2025 à Paris. Image d'illustration. (MAGALI COHEN / HANS LUCAS)
Le Sénat, le 5 mars 2025 à Paris. Image d'illustration. (MAGALI COHEN / HANS LUCAS)

"On est face à une rupture, une grave atteinte aux fondements de notre modèle social", dénonce mercredi 19 mars sur franceinfo Matthias Thibeaud, référent accès aux droits santé à Médecins du monde. L'association fait partie des onze signataires d'une tribune publiée mercredi dénonçant "une préférence nationale déguisée", alors que le Sénat a adopté mardi soir une proposition de loi LR qui prévoit de conditionner l'octroi de certaines prestations sociales aux étrangers à une durée de résidence régulière en France d'au moins deux ans.

Matthias Thibeaud rappelle que "certes, il existe déjà dans la loi certaines prestations sociales telles que le RSA ou la prime d'activité, qui sont soumises à une condition d'ancienneté de séjour régulier sur le territoire. C'est issu d'une décision du Conseil constitutionnel de 2011 qui justifie ces exceptions au regard de l'objectif d'insertion professionnelle de ces prestations. Là, on parle d'autre chose : on parle des APL, des prestations familiales ou encore de l'APA [allocation personnalisée d'autonomie, pour les personnes âgées]".

"Augmentation de la pauvreté"

Pour le référent à Médecins du monde, il s'agit "d'aides sociales dont le caractère est universel, inconditionnel, qui reposent sur le fondement même de notre modèle social, à savoir l'universalité d'accès". Selon lui, il y a là "une atteinte portée à ce caractère universel, qui pourrait constituer un précédent très grave pour d'autres catégories de la population, comme les chômeurs de longue durée, les personnes étudiantes ou les personnes malades, qui ne cotisent pas non plus".

Si la proposition de loi est définitivement adoptée, il s'agirait selon Matthias Thibeaud d'une "brèche très très forte dans les fondements mêmes de solidarité de notre modèle". Il avance des conséquences à plusieurs niveaux : "La précarité, mais aussi l'aggravation des conditions de vie, de l'état de santé..." L'adoption de cette proposition de loi aurait pour conséquence de précariser celles et ceux déjà fragilisés. "On assisterait à une augmentation de la pauvreté, de la précarité pour des personnes qui sont déjà en situation de grande vulnérabilité", avance-t-il.

"On le sait, les prestations familiales, les aides aux logements sont essentielles."

Matthias Thibeaud, référent accès aux droits santé à Médecins du monde

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Selon lui, ces "plusieurs centaines d'euros par mois ont un impact sur l'accès aux biens de première nécessité, au logement mais aussi à la santé. On identifie que les parents d'enfants étrangers malades, qu'on accompagne à Médecins du monde et qui ne bénéficient pas d'un titre de séjour mais d'une autorisation provisoire de séjour, n'auraient pas accès à ces prestations familiales pour prendre soin de leurs enfants, de leur famille et pouvoir sortir de la précarité. Ça aurait aussi un impact très concret sur les personnes âgées en perte d'autonomie, notamment avec l'attaque contre l'APA. Cela priverait ces personnes de la possibilité de recourir à un accompagnement, aux services médico-sociaux".

Violences sexistes et sexuelles

Son inquiétude concerne également "le risque d'aggravation de l'exposition des femmes en situation de vulnérabilité aux violences sexistes et sexuelles. On pense notamment à des femmes étrangères qui viendraient rejoindre leur époux via une réunification ou un regroupement familial, qui seraient soumises pendant deux ans à des formes de dépendance matérielle vis-à-vis de leur conjoint, puisque seul lui pourrait prétendre à des formes de prestations sociales. Cela renforcerait des asymétries de pouvoir dans le cadre conjugal", détaille-t-il.

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