"Le temps est venu de passer à la gauche", assène Olivier Faure dans le 20 Heures, qui demande de "respecter les Français"

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Article rédigé par France 2 - L. Salamé. Édité par l'agence 6Medias
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Olivier Faure, le premier secrétaire du Parti socialiste, est l'invité de Léa Salamé dans le 20 Heures, mardi 7 octobre.

Ce texte correspond à une partie de la retranscription de l'interview ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder en intégralité.


Léa Salamé : vous serez reçu demain par Sébastien Lecornu. La question est simple : qu'est-ce qu'il peut vous donner ? Qu'est-ce qu'il peut vous dire pour que vous acceptiez de travailler ensemble... Ou est-ce trop tard ?

Olivier Faure : Ce que je crois, c'est qu'il est temps tout simplement de respecter les Français. Respecter leur vote, respecter leurs vies. Respecter leur vote, c'est tout simplement se rappeler qu'il y a un an, les Français ont voté comme ils n'avaient jamais voté depuis 40 ans, et ils ont voté en donnant une priorité à la gauche. Nous n'avons certes pas de majorité absolue, c'est vrai, mais une priorité donnée à la gauche.

Donc votre seule condition, c'est un Premier ministre de gauche ?

Je pense que le temps est venu effectivement de passer à la gauche. On a essayé quand même trois premiers ministres de droite successifs, avec les résultats que chacun connaît désormais. Et ensuite, il faut respecter la vie des Français. Parce que la principale préoccupation des gens aujourd'hui, quelle est-elle ? C'est leur pouvoir d'achat. Ce que j'entends le plus souvent, c'est : "Je dois arbitrer entre mes dépenses. Est-ce que je pourrai cette année emmener mes enfants en vacances ? Est-ce que je pourrai les emmener au restaurant une fois tous les six mois ? Est-ce que je pourrai tout simplement acheter des produits d'hygiène pour ma fille ?" Voilà ce que j'entends et moi, je ne veux plus de cela. Je veux une vie digne pour chacun. Je veux une retraite digne pour chacun. Je veux que les Français puissent enfin se dire qu'ils sont respectés, qu'ils sont entendus, et ce n'est pas le cas depuis huit ans. Donc il faut changer de politique.

Si je comprends bien votre condition ce soir, ce que vous direz demain à Sébastien Lecornu, c'est : "il faut un Premier ministre de gauche ou on ne vous soutient pas, en aucun cas". Par exemple, s'il vous disait "on abroge la réforme des retraites"... Ce soir, Élisabeth Borne dans le Parisien dit : "Je suis pour suspendre la réforme". C'est un pas que vous entendez ou non ? Votre préalable, c'est Premier ministre ou rien ?

Bien sûr, c'est un pas que j'entends. Je ne peux pas, moi-même, avoir plaidé cela jour après jour et ne pas entendre qu'aujourd'hui, celle qui a été l'initiatrice même de cette réforme dit que cette réforme doit être suspendue. Bon, c'est un peu... C'est un réveil tardif, mais c'est un réveil positif. Et donc effectivement, j'entends. Mais ce que je souhaite, c'est que nous puissions maintenant porter des débats à l'Assemblée, faire en sorte que sur toute une série de sujets, on puisse avancer. Je viens de parler de celles et ceux qui ont tant de mal à finir leur fin de mois, ou même à les commencer. Mais aujourd'hui, il y a aussi un constat que nous devons faire ensemble. Les riches ont fait sécession. Ce sont eux qui, aujourd'hui, vivent à part.

On fait sécession ? Le mot est fort quand même, non ?

Le mot est fort, mais il est malheureusement très réaliste. Il y a des gens qui ont choisi de vivre à part, et ce ne sont pas les gens ordinaires. Ce que je souhaite, c'est que nous puissions avoir un débat absolument transparent sur ce que chacun gagne et sur ce que chacun doit apporter à la collectivité. Imaginez qu'il y ait des gens qui ont doublé leur patrimoine en huit ans. Ce sont les 500 familles les plus riches de France qui sont passées de 600 milliards d'euros à 1 200 milliards d'euros.

Qu'est-ce que demande la gauche ? Elle demande qu'on leur prenne 15 milliards, et on nous dit que ce n'est pas possible. Comment ça, ce n'est pas possible ? 15 milliards, alors que ces gens ont vu leur fortune doublée ? Mais de qui se moque-t-on ? Et pendant ce temps-là, dans le projet de budget actuel, on demande à qui ? On demande à l'apprenti, à l'étudiant, on demande à ceux qui sont là, qui sont en longue durée, de bien vouloir payer ce que les riches ne paient pas.

Pourquoi ne signez-vous pas un accord avec Gabriel Attal ? Il vous a tendu la main hier en disant : "Je suis d'accord pour soutenir un Premier ministre de gauche, donc peut-être vous."

Mais s'ils veulent nous accorder leur non-censure, je la prends. Simplement, n'attendez pas de moi que j'organise moi-même la confusion entre la gauche et les écologistes d'un côté, et la droite. Nous avons tellement souffert de cela. Quand il y a confusion entre la droite et la gauche, l'alternative se porte sur qui ? Sur l'extrême droite. Et moi, si j'ai une valeur cardinale dans la vie, s'il y a une seule chose qui m'habite, c'est d'éviter à notre pays l'aventure de l'extrême droite. On le voit partout en Europe, malheureusement, jour après jour. Et donc, est-ce qu'on est prêt aujourd'hui ? La République tchèque encore, le week-end précédent. Je vois bien que partout, c'est le jeu de domino. Est-ce que la France sera le prochain domino ? Je ne le veux pas.

Justement, si Emmanuel Macron décide demain de dissoudre l'Assemblée nationale, est-ce que vous repartez avec le NFP comme il y a un an, ou est-ce que vous présentez 577 candidats socialistes ?

Non, nous présenterons des candidats avec toutes celles et ceux qui veulent gouverner. Pas simplement vouloir faire démissionner le chef de l'État, ça c'est la France Insoumise, qui a une seule obsession. Et puis à tous ceux qui, ce matin encore, ont dit : "nous voulons gouverner ensemble". Les écologistes, les communistes, Génération, l'Après, Debout, le mouvement de François Ruffin...

Marine Tondelier vous appelle à présenter des candidatures NFP dans toutes les circonscriptions avec la France Insoumise, avec Jean-Luc Mélenchon. Comme vous l'avez fait il y a un an, vous lui dites quoi ?

Moi, je lui dis que l'objectif, ce n'est pas d'aller vers une dissolution, mais c'est d'aller vers une cohabitation, et d'aller vers des solutions pour les Français. On ne peut pas en permanence être dans l'opération suivante, se dire qu'en fait ce qui compte, c'est les circonscriptions. Non, ce qu'il faut, ce sont des solutions. Les Français qui nous écoutent, ils sont écœurés par ce qu'ils voient.

Les Français qui vous écoutent, ils ne comprennent pas votre réponse. Est-ce que vous pourriez refaire le NFP avec Jean-Luc Mélenchon ? Parce que ce qu'elle vous dit, Marine Tondelier, c'est : "Si on ne fait pas alliance avec la France Insoumise et avec Jean-Luc Mélenchon, on va mettre Jordan Bardella et le Rassemblement National au pouvoir". Vous entendez son argument ?

Non, jamais, jamais, je ne laisserai Jordan Bardella, de par ma propre incohérence, l'emporter. J'ai toujours dit que selon les situations, il fallait évidemment faire en sorte que l'extrême droite ne l'emporte jamais. Mais je ne veux pas non plus que nous puissions, à ce moment où nous nous parlons, laisser penser que nous sommes toutes et tous à proposer la même chose. Moi, je veux que la gauche gouverne. Je ne veux pas simplement être obsédés par ce qui obsède aussi la droite désormais, c'est-à-dire l'élection présidentielle. Il n'y aurait plus que cela. Et les Français qui voient ce théâtre d'ombre, qui voient ce théâtre de boulevard jour après jour, se disent : "Est-ce que vous allez enfin parler de nous ?"

La France Insoumise et Jean-Luc Mélenchon, aussi, ils veulent gouverner. Vous gouvernez avec eux ou pas ?

Je ne pense pas que... D'abord, ils nous ont déjà dit qu'ils ne voulaient pas gouverner avec nous. Donc la question, elle est close. Je sais bien que chaque fois que je suis dans une interview, on passe la moitié du temps à m'interroger sur Jean-Luc Mélenchon. Ce n'est pas le cas aujourd'hui, c'est vrai. Mais ce que je vous dis, c'est qu'ils ont déjà répondu à cette question. Ils ont déjà dit : "Nous ne gouvernerons pas avec un gouvernement de gauche et écologiste. Nous avons une seule certitude, c'est que nous ne gouvernerons qu'avec un gouvernement insoumis". Cette question-là n'étant pas posée, je n'y réponds pas.

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Parmi Nos Sources : 

Premier secrétaire du Parti socialiste

Liste non exhaustive

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