"En lui donnant cet espace et cette lumière, on banalise son propos", estime Asma Mhalla, politologue à propos de Donald Trump
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Asma Mhalla, politologue et essayiste franco-tunisienne, était l’invitée de "Tout est politique" sur franceinfo, jeudi 2 octobre.
Ce texte correspond à une partie de la retranscription de l'interview ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder en intégralité.
France Télévisions : Elle est l'une des essayistes les plus brillantes de sa génération. Elle analyse le monde nouveau, après un premier essai remarqué, 'Technopolitique : comment la technologie fait de nous des soldats'. Vous publiez 'Cyberpunk : le nouveau système totalitaire' aux éditions du Seuil. Avec cet ouvrage, vous cherchez à nous ouvrir les yeux sur le monde qui arrive, qui est déjà là, mais qu'on a du mal à voir. On est sur une chaîne d'information, on commente à peu près chaque jour les déclarations de Donald Trump. Et vous, ce que vous nous dites notamment dans cet ouvrage, c'est qu'à force de le commenter, on n'arrive pas à comprendre. Qu'est-ce qu'on n'arrive pas à comprendre ?
Asma Mhalla : En fait, quand on passe notre temps à être matraqués de flux d'informations, de contenus et qu'on ne s'attaque qu'aux commentaires au jour le jour de ce flux-là, on ne voit plus l'image globale du système qui est en train de se mettre en place. Et tout l'enjeu du livre, c'est de mettre à distance le bruit, le vacarme qu'on nous impose pour mettre à distance la capacité de penser, pas simplement la pensée critique, juste penser le monde, le mettre assez loin pour le comprendre et justement oublier l'anecdote pour s'attaquer à l'essentiel. La stratégie de Trump est très intéressante parce qu'elle est très toxique. En fait, il nous met dans une injonction contradictoire en permanence. Parce que vous, votre métier, c'est justement de le fact-checker, de le commenter, parce que si vous ne le commentez pas, il est à la tête de la première puissance du monde, donc vous passez à côté de l'actu. Mais ce faisant, vous le blanchissez, paradoxalement.
France Télévisions : Pourquoi est-ce qu'on le blanchit ?
Asma Mhalla : On le blanchit parce que, forcément, en lui donnant cet espace et cette lumière, on banalise son propos à force de le répéter en boucle. Mais c'est la faute de personne, c'est-à-dire que c'est un système de piège rhétorique dans lequel on est tous tombés.
France Télévisions : Comment pouvez-vous réguler la bonne et la mauvaise information ? Quelle est la créature qui va décider ce qu'on doit dire, pas dire, dans quelle proportion, pour ne pas avoir des espèces de clones complètement idiots en face de soi ?
Asma Mhalla : C'est une question qui est fondamentale et qui est très compliquée. Il y a beaucoup de sous-jacents dans la question que vous posez, mais qui sont tous très politiques. La première, c'est la question de la réglementation. On a essayé avec l'Europe, mais ça marche moyennement. Ça ne marche pas parce que nous sommes dans un rapport géopolitique où, aujourd'hui, quand on veut réguler, par exemple, la question des réseaux sociaux, on se prend un Trump en face qui nous explique que si on régule les géants technologiques, il renforcerait ou il rendrait la guerre commerciale encore plus insupportable pour l'Europe. Ce bras de fer, c’est d'ailleurs l'enjeu de J. D. Vance (vice-président des États-Unis) quand il va faire son discours à Munich en février 2025 et qu'il va déclarer la guerre culturelle à l'Europe. Donc la guerre culturelle, c'est aussi une guerre contre notre capacité à ériger des normes et des règles autour de nos frontières.
La deuxième difficulté est sur la question du "qui". Le fondement de l'État de droit, c'est la justice. On vient de sortir d'une séquence avec Sarkozy qui ne me regarde pas du tout, ce n'est pas du tout mon champ de compétences, mais on a quand même un État de droit qui fonctionne et qui est basé sur la justice. La justice comme principe et la justice comme institution. L'État doit être aussi l'espace du contre-pouvoir, de la juste mesure. La question, elle est d'abord la question de la dépendance qu'on a vis-à-vis aujourd'hui de notre "pas si allié que ça" américain, et puis l'autre, c'est la question du courage politique. Et enfin, c'est la question de l'ambiance. Vous avez toutes les classes politiques qui embrayent et qui tweetent, qui sont en train de gérer de la politique sous les thématiques de la colère, de la violence, de la haine. En fait, on a une espèce de débandade généralisée du débat public tel qu'il aurait dû être et qu'il n'est plus tout à fait.
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