"On a totalement perdu l'idée que c'était quelque chose de positif" : pour Karine Berger et Grégoire Biasini, les Français ne croient plus en la science
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Samedi 20 septembre, Karine Berger, économiste et ancienne députée, et Grégoire Biasini, fondateur du cabinet de conseil Palomar, étaient les invités de franceinfo. Accompagnés en plateau de Myriam Encaoua et Laurent Joffrin, ils sont revenus sur les raisons de la défiance des Français à l'égard de la science.
Ce texte correspond à une partie de la retranscription du reportage ci-dessus. Cliquez sur la vidéo pour la regarder en intégralité.
Myriam Encaoua : Vous publiez "Quand la France se détourne de la science. Est-ce que c'est une alerte, un avertissement ou un constat ?
Karine Berger : C'est bien une alerte que nous voulons donner. Aujourd'hui, une grande majorité de Français ne croit plus que la science apporte plus de bien que de mal. C'était exactement l'inverse il y a quarante ans. On a totalement perdu l'idée que la science était quelque chose de positif et que ça allait avec le progrès. Cette dynamique-là est très problématique et, surtout, elle est celle qui s'est enclenchée aux États-Unis il y a quinze ans. Le diagnostic était posé dès 2005-2008. Il s'est malheureusement révélé exact et il a conduit à la prise du pouvoir par des anti-science aux États-Unis. Nous ne disons pas que la France est dans la situation américaine aujourd'hui, mais que cette défiance, dans tout ce qui est scientifique et dans le progrès, c'est exactement ce qui a permis l'accès au pouvoir de Donald Trump.
Laurent Joffrin : Avez-vous des exemples de ces refus de la science ? Dans le livre, vous citez les antivax, la réaction des gens aux compteurs Linky, ceux qui croient que les ondes sont très mauvaises ou la bataille contre les OGM.
Grégoire Biasini : Quand on dit que la science est attaquée, c'est à travers deux manifestations principales : la mise en cause des vérités scientifiques et un refus du progrès et de l'innovation. Mais là où on voit les effets de ce phénomène, c'est quand on interroge les Français. Quand un Français sur deux croit plus en son expérience personnelle qu'en l'avis d'un expert. Quand un Français sur deux, sans doute les mêmes, dit que ce n'est pas parce qu'un expert a démontré une vérité scientifique que c'est vrai. Tout ça, en effet, conduit à une défiance et à des refus, comme dans le cas des vaccins.
Myriam Encaoua : Il y a une attaque contre la vérité et une attaque contre le progrès, sur fond de réseaux sociaux. Ça fait un cocktail assez explosif. Mais je vous trouve assez sévères. Quand on pose des questions très claires aux Français sur la science, 69 % d'entre eux disent qu'ils considèrent que la science constitue la principale aux grands enjeux contemporains. Ça montre que nous n'avons pas décroché à adhérer à un consensus scientifique, non ?
Karine Berger : La réponse globale consiste à dire que la science nous apporte des choses. Mais la réponse personnelle, quand il y a une décision à prendre, comme vis-à-vis d'un vaccin, alors là, l'avis scientifique disparaît, et ce qui compte, c'est l'opinion propre et de manière systématique, l'opinion du groupe d'appartenance. Le groupe peut être de différentes manières. Il y a le groupe d'amis, mais il est de plus en plus le groupe politique. Finalement, ce qui va influencer nos compatriotes, de plus en plus, ce n'est pas la démonstration scientifique, c'est l’idée que mon groupe pense, par exemple, que l'être humain n'est pas responsable du réchauffement climatique. Je vais plutôt suivre l'avis de mon groupe que celui des experts.
Laurent Joffrin : Il y a un concept fondamental dans ce domaine, qu'on appelle le biais de confirmation. On ne s'en remet pas à la logique ou à la démonstration rationnelle pour se faire une opinion, mais on se laisse influence par des sophismes qui tiennent au fait qu'il y a des choses qu'on ne veut pas voir parce qu'on a des opinions contraires.
Karine Berger : Il y a effectivement le billet de confirmation qui est simplement de dire : "Au fond, pour me rassurer et pour ne pas me sentir tout seul, je vais adhérer à ce qui est confirmé par le groupe auquel j'appartiens". Ce phénomène est terrible, parce que notre diagnostic, c'est de dire qu'aujourd'hui, ce qui fragilise notre décision collective, c'est la peur de l'instabilité. Cette peur générale va se traduire par le fait qu'on a besoin de sûr, de certain. On a besoin de choses simples et d'être dans quelque chose qui nous rassure. Et la meilleure solution pour être rassuré, c'est d'être avec son groupe.
Retrouvez l'intégralité de l’interview dans la vidéo ci-dessus
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