: Vidéo "Affaires sensibles". Concorde contre "Concordski" : en 1973, le duel des supersoniques vire au crash
La saga du Concorde commence par ce pari fou des grandes puissances après la Seconde Guerre mondiale : transporter des passagers au-delà̀ de la vitesse du son. Dernier acte d'une compétition internationale où tous les coups sont permis, un duel au parfum de guerre froide… et à l'issue tragique. Extrait d'"Affaires sensibles".
Paris, Salon aéronautique du Bourget, le 3 juin 1973. La foule est rassemblée pour assister à un extraordinaire duel dans les airs. Pour la première fois au monde, deux supersoniques concurrents, des avions conçus pour le transport civil, allaient voler en même temps : le Concorde, fruit d'un accord franco-britannique inédit, et son rival soviétique, le Tupolev Tu-144.
En pleine guerre froide, c'est une bataille commerciale entre l'Occident et le bloc de l'Est qui va se livrer sous les yeux des spectateurs. L'enjeu est énorme : il s'agit, ni plus ni moins, de révolutionner le transport aérien, avec le premier avion au monde capable de transporter une centaine de passagers à deux fois la vitesse du son (Mach 2).
Depuis les années 1960, le monde entier rêve de voyager à vitesse supersonique. Depuis que le mur du son a été franchi (en 1947 pour la première fois), les ingénieurs y voient l'avenir de l'aéronautique. Après l'abandon du projet américain, sont restés en lice les Européens avec le Concorde, et l'URSS avec son Tupolev – souvent rebaptisé malicieusement "Concordski" pour certaines similitudes qui ne doivent rien au hasard, mais tout à l'espionnage industriel.
Vol de démonstration au Salon du Bourget
Le Tupolev a commencé la course en tête en décollant le premier, fin 1968. Le Concorde, lui, a effectué son premier vol avec succès à l'aérodrome de Toulouse-Blagnac trois mois plus tard. Ce 3 juin 1973 au Bourget, les deux rivaux vont se lancer dans une démonstration devant les acheteurs potentiels.
C'est le Concorde qui ouvre le bal, raconte la journaliste Magali Rebeaud. "C'est un vol exceptionnel. Puis c'est au tour du Tupolev 144. Les Soviétiques attendaient beaucoup de cette démonstration aérienne, puisqu'ils voulaient frapper l'opinion mondiale. Et le Tupolev décolle… poursuit-elle. Et le vol vire très rapidement à la catastrophe."
"Vite, vite, le Tupolev vient de tomber !"
"Quelques instants après le décollage, explique la journaliste, le Tupolev 144, subitement, part en piqué, il y a une aile qui se rompt, il prend feu, et il va s'écraser à Goussainville…" Alerté par son adjoint, le colonel Pierre Grenier, chef des pompiers du Val-d'Oise qui assure la sécurité au Salon du Bourget, est d'abord incrédule. Jusqu'à ce qu'il voie, depuis son PC, le "champignon atomique" du crash filmé par les caméras du monde entier. Il arrive le premier, en hélicoptère, sur une scène de dévastation. Une école, heureusement vide ce jour-là, est en flammes, une vingtaine de pavillons sont détruits. Du Tupolev, il ne reste que des débris, éparpillés sur plusieurs kilomètres carrés.
Une délégation russe est aussitôt dépêchée sur place. Le colonel Grenier, qui a reçu de sa hiérarchie l'ordre de les laisser opérer, les voit prendre les choses en main : "Ils nous ont interdit de ramasser quelque morceau de carlingue que ce soit. Dès qu'ils voyaient un pompier trouver quelque chose, ils se précipitaient dessus pour savoir ce que c'était. Ils voulaient récupérer la boîte noire..."
"On a expérimenté la guerre froide à ce moment-là"
Même en miettes, le Tupolev reste un secret industriel soviétique, et tant pis pour le travail des pompiers. "On voit le cockpit, se souvient Pierre Grenier, et dans le cockpit, on voit deux personnes : le pilote et le copilote, qui sont coincés dedans, morts bien sûr. Notre souci à nous, c'était de sortir ces deux pauvres mecs. Et les Soviétiques nous ont interdit d'y toucher. Il a fallu attendre le soir ou le lendemain matin. On a expérimenté la guerre froide à ce moment-là."
Les restes du Tupolev seront rapatriés en URSS, et les Soviétiques ne communiqueront jamais sur les causes de l'accident. Au lendemain du crash, les aspirations commerciales de leur supersonique sont réduites à néant. Le Concorde reste seul en lice pour révolutionner le transport aérien… avant que son destin ne se fracasse à son tour, à l'aube du XXIe siècle, au bout des pistes de l'aéroport de Roissy.
Extrait de "Concorde : une épopée française", à voir dans "Affaires sensibles", une coproduction France Télévisions, France TV presse, France Inter et l’INA, adaptée d’une émission de France Inter, le 7 septembre 2025.
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