: Vidéo "Affaires sensibles". Khaled Kelkal, le premier jihadiste français : itinéraire d'une radicalisation
En 1995, une série d'attentats a fait émerger la figure de Khaled Kelkal, considéré comme le premier jihadiste français et le précurseur de Mohamed Merah et des frères Kouachi. Cet extrait d'"Affaires sensibles" retrace sa trajectoire.
C'était il y a trente ans : au cœur de l'été, une scène de guerre en plein Paris. Le 25 juillet 1995, une bombe au métro Saint-Michel marque le début d’une série d’attentats qui va terroriser la France. Avec ces huit attaques en moins de trois mois qui font huit morts et plus de 200 blessés, s'opère le basculement vers le terrorisme islamiste tel qu’on le connaît aujourd’hui.
Certains assaillants ont grandi dans l'Hexagone, comme Khaled Kelkal. "C’est la première fois qu’on se rend compte qu’on a des jeunes issus de nos cités qui s'islamisent en prison et se sont retournés contre la France", note Michelle Fines, journaliste qui a suivi de très près ce dossier pour France 2. Et c’est bien ce constat qui sidère le pays : un jeune terroriste issu de ses propres quartiers, passé par ses écoles, qui se retourne contre la nation qui l’a vu grandir.
Il découvre l'islam radical en prison
Le 5 octobre 2025, "Affaires sensibles" retrace le parcours d'un enfant de Vaulx-en-Velin souriant et doué pour les études. Il sera l'un des rares de sa banlieue à les poursuivre jusqu'au lycée, dans le centre-ville de Lyon. Mais le jeune Khaled peine à s'intégrer dans cette classe des beaux quartiers où il est le seul Arabe… et glisse dans la petite délinquance. Juste avant de passer le bac, il est condamné à quatre ans de prison.
C’est entre ses murs que l'adolescent, qui a grandi dans un islam modéré, est confronté pour la première fois à sa version radicale. Des codétenus lui font découvrir une foi nouvelle, rigide, dogmatique. Cette fracture s’opérant dans le silence des cellules, le jeune Khaled montre toutes les apparences d'un "bon dossier", se souvient la juge d'application des peines qui a signé sa libération conditionnelle. Et puis le sujet de la radicalisation en prison, à l'époque, n'en est pas un…
Lorsque Khaled Kelkal est libéré en août 1992, l'islam était devenu "quelque chose de fondamental dans [s]a vie". C'est ce qu'il explique à un sociologue allemand qui étudie alors l'intégration des jeunes immigrés dans les banlieues françaises. "Le jour où j’ai arrêté la prière au lycée, tout a basculé. J’ai cessé de faire le ramadan, et où ai-je fini ? En prison. Je ne suis ni arabe ni français, je suis musulman", affirme-t-il.
Un contexte politique explosif en Algérie
Le début de cette radicalisation coïncide avec un contexte politique explosif dans son pays d'origine. Car pendant que Kelkal est en prison, l’Algérie se déchire. En 1991, les élections législatives qui ont vu le parti islamiste du FIS arriver en tête sont annulées. En réaction, le GIA, Groupe islamique armé, prend les armes et multiplie les attentats, entraînant une répression sanglante : des dizaines de milliers d'Algériens vont y laisser la vie.
Selon le juge d'instruction antiterroriste (de 1995 à 2006) Jean-François Ricard, "les périodes de multiplication d‘attentats sont presque toujours des périodes au cours desquelles se situe ailleurs dans le monde une guerre de type jihadiste. Au moment des attentats de 95, c’est le GIA en Algérie. Vous arrivez à 2003, vous avez de nouveaux groupes qui vont agir en France alors que c’est la guerre en Irak. Ensuite, c’est la situation en Syrie, et ça va être la multiplication des attentats des années 2015-2016."
Revenons à l'été 93 : en pleine guerre civile, Khaled Kelkal se rend en Algérie. Fasciné par "les rebelles islamistes dans leurs pick-up lourdement armés qui investissent la ville le soir venu", selon le journaliste Jean-Philippe Leclaire (auteur d'une enquête sur la trajectoire de Kelkal pour "Le Monde"), il rêve d’intégrer les maquis algériens. En l'espace de quelques semaines, le petit délinquant a achevé sa mue de combattant islamiste.
L'idéologie jihadiste s'installe sur le sol français
Lorsqu’il rentre d’Algérie, ses proches ne le reconnaissent plus. "Il est entièrement différent, il s’est totalement radicalisé", raconte Michelle Fines. Sa compagne, Mounia, livrera ce témoignage aux enquêteurs : "À son retour, il n’était plus le même. Il était devenu fanatique de la religion. Il disait qu’on n’était pas de bons musulmans." Kelkal s’éloigne d'elle, coupe petit à petit les ponts avec sa famille, et s’enfonce dans la clandestinité… jusqu’à ce que la terreur frappe la France.
Les attentats de 1995 amorcent un changement profond dans la nature même du terrorisme. Pour la première fois, les revendications des poseurs de bombes qui s’attaquent à la France sont autant religieuses que politiques. L'idéologie jihadiste s’installe sur le sol français. Deux décennies plus tard, elle frappe à nouveau lors des attentats de 2015. La trajectoire de Khaled Kelkal préfigure celles des terroristes Mohamed Merah, Saïd et Chérif Kouachi, et Amedy Coulibaly.
Extrait de "Khaled Kelkal, ennemi public numéro 1", un document de Dimitri Queffelec, Vincent Barral et Juliette Orcel.
A voir le 5 octobre 2025 dans "Affaires sensibles", une coproduction France Télévisions, France TV presse, France Inter et l’INA, adaptée d’une émission de France Inter.
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