Vidéo Aménagements cyclables : un chaussidou, c'est moins cher, mais est-ce vraiment dans les clous ?

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Article rédigé par France 2
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Depuis 2019, les aménagements cyclables sont obligatoires en cas de création ou de rénovation de voie. Ces infrastructures ont un coût, alors certaines communes optent pour un dispositif plus économique. Le chaussidou a un joli nom, mais est-il conforme à la loi ? Et qu'en pensent les usagers ? "Complément d'enquête" a suivi une cycliste sur l'une de ces chaussées dites "à circulation douce"...

Dans certaines communes rurales, on peut remarquer cet aménagement sur la chaussée : de chaque côté d'une voie centrale, deux bandes plus claires qui matérialisent un espace à l'intention des vélos. La Drôme, notamment, semble l'avoir adopté : "Complément d'enquête" en a dénombré six en une cinquantaine de kilomètres, le long d'une route départementale.

Le chaussidou, c'est son petit nom (contraction de "chaussée pour circulation douce"), a été inventé en Suisse à la fin des années 1990. Le principe : les voitures circulent sur la voie centrale à double sens. Les vélos, eux, roulent sur les côtés, et les véhicules patientent pour les dépasser. A l'entrée, un panneau bleu invitant à "partager la route", mais aucun pictogramme vélo... C'est que le chaussidou n'est pas considéré comme un aménagement cyclable par la loi LOM (loi d'orientation des mobilités). Depuis 2019, elle rend ces aménagements obligatoires en cas de création ou de rénovation de voirie. Ce peut être, au choix, une piste cyclable, une bande cyclable, une voie verte, une zone de rencontre où piétons, voitures et vélos cohabitent… la solution "chaussidou" n'est pas prévue.

Pas rassurant pour les cyclistes

A défaut d’être dans les clous, le chaussidou permet-il au moins un meilleur partage de la route, et ce en toute sécurité ? Voici en tout cas une usagère qui s'en méfie comme de la peste. Lucille, avocate et cycliste, a emprunté pour nous celui de Die, bourg de 5 000 habitants. Ici, pas de voie de contournement, les véhicules sont obligés de prendre le chaussidou pour entrer en ville.

Il faut donc pédaler devant des voitures pressées de doubler, face à celles qui arrivent d'en face, doublant elles aussi les cyclistes sans forcément respecter la limitation de vitesse à 30 km/h. "Une épreuve", résume Lucille, qui préfère encore rallonger son trajet en utilisant un "itinéraire bis". On la comprend : selon les recommandations du ministère des Transports, un chaussidou ne devrait pas voir défiler plus de 4 000 voitures par jour. Or à Die, ce sont 10 000 véhicules en moyenne qui l’empruntent quotidiennement...

Dix fois moins cher qu'une piste cyclable sécurisée

Illégal du point de vue de la loi LOM, pas rassurant pour les cyclistes… La France compte pourtant aujourd’hui plus de 600 kilomètres de chaussidou. C’est six fois plus qu’en 2019. Mais pourquoi donc les élus s’obstinent-ils à en installer ?

Selon Chloé Charrat, de la Fédération des usagers de la bicyclette, "la raison, c’est le coût de l’aménagement. Un aménagement de qualité, séparé du trafic routier, c’est très cher". Le chaussidou, qui ne réclame qu'un coup de peinture sur la route, coûte dix fois moins cher qu’une piste cyclable sécurisée. 

Il y a bien un sénateur Les Républicains qui a alerté sur l’utilisation abusive du chaussidou. Une conséquence, selon lui, de la rigidité de la loi LOM, qu'il a donc proposé d'assouplir, en mars 2024. Mais depuis, Philippe Tabarot est devenu ministre des Transports, et il n'est plus question de toucher à cette loi… c'est ce qu'il a confirmé à "Complément d'enquête". 

Mais pour que la loi LOM soit appliquée, pour que les bons aménagements soient réalisés, les élus locaux ont besoin de subventions... Or le budget 2025 prévoit de diviser par 5 l'enveloppe vélo, passant de 250 millions à 50 millions d’euros par an.

Extrait de "Vélos, voitures : c'est ma route, ma bataille !", diffusé dans "Complément d'enquête" le 4 septembre 2025.

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