: Vidéo Portiques à ondes millimétriques, parloirs hygiaphones... "Envoyé spécial" au cœur de la première prison de haute sécurité de France

Sans l'évasion sanglante de Mohamed Amra en mai 2024, la prison de haute sécurité de Vendin-le-Vieil (Pas-de-Calais) n'aurait peut-être jamais vu le jour. Le narcotrafiquant avait préparé sa cavale depuis sa cellule grâce aux neuf téléphones portables qu'il s'était procurés en détention pour continuer à gérer ses trafics. Le gouvernement s'est retrouvé sous le feu des critiques…

Nommé ministre de la Justice quelques mois plus tard, Gérald Darmanin annonce très vite la création de deux prisons de haute sécurité. Celle de Vendin-le-Vieil, la première en France, a été inaugurée cet été. Sous l'œil des caméras, y sont transférés un à un les narcotrafiquants considérés comme les plus dangereux du pays, chefs de réseau de la DZ Mafia marseillaise, trafiquants internationaux extradés de Dubaï...

Un régime carcéral copié sur les prisons anti-mafia italiennes

A quoi ressemble de l'intérieur ce centre pénitentiaire hors norme ? "Envoyé spécial" a pu pénétrer dans ces nouveaux quartiers de lutte contre le crime organisé, copiés sur le modèle des prisons anti-mafia italiennes.

Comme tout visiteur extérieur, l'équipe du magazine commence par passer au scanner à ondes millimétriques. Le POM, portique à ondes magnétiques, est un nouvel équipement qui détecte le moindre objet, métallique ou non. Car tout, ici, est conçu pour empêcher les détenus d'entrer en contact avec l'extérieur et surtout d'introduire dans la prison téléphones portables, stupéfiants ou autres objets interdits. La maison centrale de Vendin-le-Vieil, déjà très sécurisée, a donc été totalement rénovée pour devenir le plus hermétique possible. Ses 241 surveillants, tous expérimentés, sont en contact permanent avec les 92 détenus.

Dans les cellules individuelles, pour empêcher le passage d'objets par les grillages, les fenêtres ont été équipées de caillebotis métallique. Afin de limiter les extractions, les audiences avec les magistrats se font par visioconférence. La configuration des parloirs a été intégralement repensée : les boxes destinés à accueillir les détenus et leurs visiteurs ont été divisés en deux, nous explique le directeur, Marc Ginguené. Sur la paroi ajoutée pour séparer physiquement la personne détenue de son visiteur, un hygiaphone a été mis en place.

Une grève de la faim contre les "parloirs hygiaphones"

Ces "parloirs hygiaphones" représentent la restriction la plus difficile à vivre pour les détenus – encore plus que les fouilles au corps obligatoires après chaque mouvement dans la prison. Pour protester contre cette nouvelle mesure qui les prive de tout contact physique avec leurs proches, une vingtaine de détenus ont inondé leurs cellules et entamé une grève de la faim. Le mouvement de protestation est aujourd'hui terminé, mais certains veulent continuer à dénoncer des "conditions indignes et dégradantes". 

C'est le cas d'un détenu de 35 ans qui témoigne anonymement dans cet extrait d'"Envoyé spécial". Il purge une peine de dix ans pour association de malfaiteurs, séquestration avec violences et importation de stupéfiants. Selon lui, son transfert ici a donné un coup d'arrêt à tous ses projets de réinsertion : "On est en cellule 22 heures sur 24. Moi, j'avais fait des diplômes, j'avais préparé ma sortie, j'avais une formation en septembre… Du jour au lendemain, on est ici, et il n'y a plus rien. On passe de plein de choses qu'on préparait à… plus rien."

"On ne demande pas à être plaints, mais pourquoi atteindre les familles ?" questionne-t-il. Dans son lieu de détention précédent, l'unité de vie familiale (UVF) lui permettait de conserver "un rôle de papa", mais aujourd'hui, ses trois enfants, âgés de 5 à 9 ans, "font six heures aller, six heures retour pour [le] voir une heure derrière l'hygiaphone (...). On doit crier fort, ce n'est plus humain", regrette-t-il.

Ces "parloirs hygiaphones" avaient été supprimés en 1982 par Robert Badinter, garde des Sceaux de 1981 à 1986, mais ils ont été rétablis à titre de sanction. Ici, ils sont la règle. Selon le directeur de Vendin-le-Vieil, l'hygiaphone serait "le matériel le plus efficace" pour empêcher toute transmission d'objets interdits, tels que téléphones portables ou cannabis, dont "l'immense majorité" entre par le parloir.

Extrait de "Prisons de haute sécurité : la méthode anti-mafia", un reportage à voir dans "Envoyé spécial" le 23 octobre 2025.

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