Vidéo "Tu fais de la pub, du marketing, t'as des employés…" : ce trafiquant de drogue à la tête d'un réseau se voit comme un chef d'entreprise en télétravail

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Article rédigé par France 2
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Comment s'organise le trafic de drogue en ligne ? Ceux qui dirigent ces réseaux risquent jusqu'à trente ans de prison, alors ils cultivent la discrétion. Après des jours de négociation, l'un d'eux a accepté de raconter à "Envoyé spécial" son quotidien, qu'il compare volontiers à celui d'un chef d'entreprise.

"C'est internet qui a tout changé : les réseaux sociaux, les téléphones, l'Androïd, l'iPhone..." Comme une pizza ou un Uber, l'usager veut désormais sa drogue en un quart d'heure, sans bouger de chez lui. "Il clique et passe sa commande, c'est la même chose... sauf que c'est illégal." Comment s'organise le trafic de stupéfiants en ligne, qui fait grimper en flèche la consommation ? Pendant des semaines, un journaliste d'"Envoyé spécial" a tenté de convaincre des chefs de réseau d'en expliquer les rouages.

Après plusieurs jours de réflexion, l'un d'eux a accepté, à la condition d'un total anonymat. Hansel (un pseudonyme), la trentaine, dit diriger depuis plus de dix ans un réseau de livraison de cocaïne et de drogues de synthèse, avec une vingtaine d'employés sous ses ordres, selon lui. Visage et mains masqués, voix modifiée, il décrit dans cet extrait la mécanique du trafic de drogue 2.0.

Loin des dealers à l'ancienne, les méthodes d'un commerce classique

Pour fidéliser sa clientèle et se démarquer de la concurrence, le dealer raconte utiliser les mêmes méthodes qu'une entreprise classique : "Tu fais une pub avec tes prix, une promo pour Halloween, les fêtes de fin d'année, 'T'en achètes 3, je t'en offre 1', tu relances le client… Tu fais de la pub, du marketing, t'as des employés, c'est une société."

Une "société" qu'il gérerait entièrement depuis son ordinateur, avec la possibilité d'être "partout dans le monde" pour peu qu'il y ait une connexion internet. Loin des dealers à l'ancienne, Hansel se voit comme un chef d'entreprise en télétravail.

"J'allume mon PC, j'ai WhatsApp pour avoir mes messages, des applications sécurisées comme Signal, Telegram… C'est comme une boutique. Tu réponds au client, tu demandes aux livreurs s'ils sont prêts, et tu dispatches. Le principal, c'est d'être rapide. Sinon, le client, il va voir ailleurs."

Le chef d'un réseau de livraison de cocaïne et drogues de synthèse,

dans "Envoyé spécial"

Hansel travaille avec un fichier clients ("c'est la base"), il dit en avoir 25 000 enregistrés, dont 2 000 réguliers. Fichier clients, marketing, gestion de stocks, livraisons… un fonctionnement d'entreprise classique pour un commerce illégal. Il explique acheter la cocaïne à un grossiste, aux alentours de 35 euros le gramme. En le revendant le double à ses clients, après avoir retranché "10 euros" pour le livreur, son bénéfice serait de 25 à 30 euros, soit 40% sur chaque gramme. Lui se verserait "de 15 000 (minimum) à 30 000 euros chaque mois".

Des gains mirobolants, mais, avoue-t-il, "tu peux pas être heureux, c'est impossible. Parce que tu sais que tu fais du mal. Tu tues des gens, en vrai. Chacun l'exprimera comme il veut, mais oui, c'est une sensation... comme si tu vends de la mort. Et pourtant, je le fais. C'est une addiction. C'est l'appât du gain". Hansel dit être accro à l'argent, sans avoir jamais consommé de drogue lui-même. Et il assure vouloir tout arrêter, pour sa famille, pour ses proches. Mais il a de plus en plus de clients… Aux dernières nouvelles, il n'avait pas cessé son activité. Il risque 30 ans de prison et 7,5 millions d'euros d'amende.

    Extrait de "Drogue à domicile", un reportage à voir dans "Envoyé spécial" le 13 février 2025.

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