Dislocation de l'armée russe, menace nucléaire, rôle de la Chine... Ce qu'il faut retenir de l'interview de Pierre Servent
Le spécialiste des questions de défense était l'invité du "8h30 franceinfo", vendredi 24 février 2023.
Pierre Servent, spécialiste des questions de défense et de stratégie militaire et colonel de réserve honoraire, était l'invité du "8h30 franceinfo", vendredi 24 février 2023. Dislocation de l'armée russe, menace nucléaire, rôle de la Chine, livraison d'armes et échecs géopolitiques... Il répond aux questions de Jules de Kiss et Julie Marie-Leconte.
Scénario pour les prochains mois : "Une dislocation de l'outil militaire russe"
Pierre Servent privilégie pour les prochains mois le scénario d'un "effondrement du corps expéditionnaire russe". Le spécialiste des questions de défense pointe les "dysfonctionnements" de l'armée de Poutine, avec des conscrits et des réservistes "inexpérimentés" et "mal formés", et un mode de commandement qui "n'est pas du tout décentralisé, pas adapté à la guerre moderne". Au contraire, l'Ukraine a déjà "un mode de commandement moderne" avec notamment la "numérisation du champ de bataille." Kiev est en train de remporter une "victoire défensive". "Je privilégie donc le scénario d'une dislocation de l'outil militaire", conclut-il.
Les observateurs craignaient une offensive de grande ampleur au bout d'un an de la guerre, mais les Russes n'ont même "pas les moyens" de la mener selon Pierre Servent. Moscou conduit "une offensive depuis plusieurs mois sur 700 kilomètres de front", explique le spécialiste. Ils "poussent avec une débauche d'artillerie" mais avec deux à trois fois moins d'obus tirés par jour, à cause de "difficultés de stock". 1 200 chars lourds ont aussi été détruits depuis le début de la guerre et Moscou n'a "pas les pièces détachées" pour refaire sa flotte. "Tout ça, ça donne 100 mètres conquis ici ou là pour des niveaux de pertes terribles", conclut Pierre Servent, qui estime que la Russie "ne peut pas faire mieux".
L'arme nucléaire : "Je ne crois pas que ce soit dans l'idée des généraux autour de Poutine"
"Je ne pense pas qu'il y ait de menace nucléaire", assure Pierre Servent. Trois arguments éloignent la possibilité d'une attaque nucléaire russe selon lui. D'abord, le blocage politique : Poutine "perdrait instantanément le soutien de la Chine, de l'Inde et de la communauté internationale." Il y a aussi un blocage militaire. L'arme nucléaire tuerait aussi des soldats russes et toucherait même au-delà du terrain de combat. Puis, le nuage radioactif, lui aussi, "ne s'arrête pas aux frontières".
La dernière raison est psychologique : "Poutine est un homme qui ne veut pas mourir" et l'arme nucléaire "ferait passer cette guerre dans une autre dimension." "Encore une fois, je ne crois pas que ce soit l'objectif de Poutine et je ne crois pas que ce soit dans l'idée des généraux qui sont autour de Poutine", conclut-il.
Le rôle de la Chine : Pékin "est très embarrassé"
La Chine aimerait jouer le rôle de médiateur dans cette guerre, assure Pierre Servent, mais elle "est très embarrassé" par le comportement de la Russie. D'abord, parce que Moscou essuie de "nombreux échecs" et ensuite parce que la Chine n'arrive pas à "convaincre Poutine de bouger". Pékin voudrait passer à "une phase de négociation". "La Chine préfère des stratégies soft de pouvoir, notamment par le biais économique", explique Pierre Servent.
Livraison d'armes : la riposte des alliés est "parfois trop graduée"
Face à "l'escalade dans la terreur" de la Russie, les alliés de l'Ukraine répondent par une "riposte graduée". "On peut regretter parfois que cette riposte soit trop graduée", confie Pierre Servent. Il faudrait selon lui "aller plus vite" dans la livraison d'armes. Les Occidentaux ont promis des chars légers et des chars lourds. Les premiers blindés légers français doivent arriver en Ukraine d'ici la fin de la semaine, assure le gouvernement, mais la livraison de chars lourds va "mettre du temps" selon Pierre Servent. "Il faudrait aussi qu'on commence déjà à former les Ukrainiens à piloter les avions", poursuit le spécialiste, alors que les Occidentaux n'ont pour le moment jamais répondu favorablement à la demande de Kiev de recevoir des avions de combat.
Géopolitique : "C'est une succession d'échecs stratégiques" pour la Russie
Alors qu'il voulait affaiblir l'Ukraine, Poutine a donné à Kiev "sa grande guerre patriotique", il a "uni la population ukrainienne". Le président russe espérait aussi affaiblir les Européens, mais il constate aujourd'hui une "consolidation de l'UE". Les Etats-Unis sont aussi présentés comme les grands gagnants de cette guerre, avec le "retour d'une position centrale" en Europe. La guerre a aussi "ressuscité" l'Otan, que Poutine voulait justement enterrer. Et même du côté de son allié chinois, il risque de perdre sur tous les plans : la Chine "joue pour l'instant la carte de l'alliée parce qu'il y a une alliance idéologique", explique Pierre Servent, mais si la Russie perd la guerre, Pékin sait qu'elle pourra "racheter en discount les ressources énergétiques russes."
Retrouvez l'intégralité du "8h30 franceinfo" du vendredi 24 février :
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