Au Japon, une région impose des cours de gestion de la colère à ses élus

Face à une série d’affaires de harcèlement moral au sein de ses institutions, la préfecture japonaise de Hyogo a décidé de prendre des mesures inédites : imposer des cours de gestion des émotions à ses responsables politiques.

Article rédigé par Yann Rousseau
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Le gouverneur de Hyogo, Motohiko Saito, assiste à une conférence de presse le 27 novembre 2024. (Kyodo/ MAXPPP)
Le gouverneur de Hyogo, Motohiko Saito, assiste à une conférence de presse le 27 novembre 2024. (Kyodo/ MAXPPP)

Lundi dernier, 120 élus et fonctionnaires de la préfecture, dont le gouverneur en personne, ont suivi un atelier dispensé par un professeur spécialisé dans la gestion des tensions. L’objectif affiché est de prévenir les dérives autoritaires et de restaurer un climat de travail sain dans l’administration.

Pendant plusieurs heures, l’intervenant a livré des techniques concrètes pour désamorcer la colère avant qu’elle n’explose, notamment en se forçant à faire un pas en arrière et à respirer profondément pendant six secondes. Des conseils jugés applicables dans tous les contextes, que ce soit au sein des institutions, dans les entreprises ou dans la sphère privée. En parallèle, des modules sur le harcèlement moral et la protection des lanceurs d’alerte ont également été dispensés.

Un climat délétère dans les bureaux de la préfecture

Ces formations interviennent dans un contexte particulièrement tendu. Depuis l’élection en 2021 de Motohiko Saito à la tête de la préfecture, plusieurs témoignages ont dénoncé des méthodes de management brutales. Ancien haut fonctionnaire sans étiquette officielle mais soutenu par deux partis de la droite dure japonaise, le gouverneur est accusé de comportements autoritaires répétés : insultes, jets de fournitures, humiliations, caprices.

En mars de l’année dernière, un fonctionnaire a rassemblé un dossier détaillant ces abus avant de le transmettre à la presse locale. Une enquête interne a alors été lancée, non pour enquêter sur les faits, mais pour identifier le lanceur d’alerte. Celui-ci a été sanctionné : sa retraite a été annulée. Dévasté, il s’est donné la mort en juillet.

Le harcèlement moral, un mal structurel au Japon

Le gouverneur, mis en cause dans une enquête ultérieure, a brièvement démissionné avant de se faire réélire en promettant un changement de comportement. Sa participation aux cours de gestion de la colère fait partie de cette nouvelle orientation affichée.

Le cas de la région de Hyogo n’est pas isolé. Le harcèlement moral reste un problème profondément enraciné dans les sphères professionnelle et publique japonaises. Il s’inscrit dans une culture d’entreprise particulièrement hiérarchisée, où l’autorité des supérieurs est rarement remise en question. Une loi visant à lutter contre les abus de pouvoir est pourtant entrée en vigueur en 2020. Mais dans les faits, elle demeure peu utilisée, la peur des représailles freinant encore largement les signalements.

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