En Arizona, la voix et le visage d’un défunt recréés par intelligence artificielle pour un procès

En Arizona, la famille d’un homme tué par balle a utilisé l’intelligence artificielle pour recréer sa voix et son visage. Cette reconstitution numérique, conçue comme un hommage, a été présentée devant le juge lors du procès du tireur, suscitant des réactions partagées sur l’usage de l’IA dans le cadre judiciaire.

Article rédigé par Loïc Pialat
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
En Arizona, la voix et le visage d’une victime d’homicide ont été recréés par de l’intelligence artificielle à l’initiative de la famille. (YUICHIRO CHINO/ Getty)
En Arizona, la voix et le visage d’une victime d’homicide ont été recréés par de l’intelligence artificielle à l’initiative de la famille. (YUICHIRO CHINO/ Getty)

L’affaire remonte à l’automne 2021, près de Phoenix, la plus grande ville de l’Arizona. Christopher Pelkey, 37 ans et vétéran de l’armée américaine, rentrait d’une partie de baseball organisée par son église lorsqu’il a été victime d’un "road rage incident", une crise de colère d’un autre automobiliste. Ce dernier lui a tiré dessus et l’a tué.

Le parcours judiciaire de la famille a duré près de quatre ans, avec deux procès. Une cinquantaine de lettres de proches ont été remises au juge pour témoigner de la personnalité de la victime. Toutefois, la sœur de Christopher Pelkey estimait qu’il manquait un élément essentiel : la voix de son frère.

Une reconstitution numérique à l’initiative de la famille

La sœur de la victime a demandé à son mari et à un ami, tous deux utilisateurs des outils d’intelligence artificielle, de recréer une version numérique de Christopher Pelkey le temps d’un témoignage.

Les deux proches ont travaillé à partir de photos et d’enregistrements vidéo de la victime, utilisant divers outils d’intelligence artificielle. La sœur, de son côté, a rédigé un témoignage en se mettant dans la peau de son frère, s’appuyant sur ce qu’elle pensait qu’il aurait dit. Elle est convaincue, par exemple, que son frère, très croyant, aurait pardonné à son tueur.

Tous trois ont ainsi donné naissance à ce qu’elle appelle "un Frankenstein d’amour". Dans la vidéo, l’image et la voix apparaissent légèrement figées, mais donnent l’impression que Christopher Pelkey s’adresse directement à la caméra, assis devant un fond blanc.

Un message posthume empreint de foi et de pardon

"À l’homme qui m’a tiré dessus : c’est dommage que nous nous soyons rencontrés ce jour-là dans ces circonstances. Dans une autre vie, nous aurions probablement pu être amis. Je crois dans le pardon et en Dieu qui pardonne. J’ai toujours cru en lui et j’y crois encore. Bon, je vais aller pêcher maintenant. On se retrouve de l’autre côté".

Un témoignage recevable devant la justice ?

L’avocate de la famille n’était pas favorable à cette idée au départ. Toutefois, elle a expliqué à une télévision locale que la loi permet aux victimes de s’exprimer devant la cour de la manière de leur choix.

Interrogée sur ce point, la Cour suprême de l’Arizona a déclaré que l’intelligence artificielle "a le potentiel d’améliorer l’efficacité de la justice" et peut aider ceux qui ne connaissent pas bien le droit à mieux présenter leur position. Elle se dit "excitée" par cette perspective, tout en rappelant que l’IA peut aussi "entraver la justice si elle est mal utilisée".

Dans cette affaire, le juge a été ému par la démarche de la famille. Il l’a exprimé publiquement avant de condamner le coupable à une peine plus lourde que celle requise par le procureur : 10 ans et demi de prison au lieu des 9 ans et demi demandés.

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