Le propriétaire du "Los Angeles Times" introduit un "bias meter" sous les articles de ses journalistes pour mesurer leur degré de partialité

Cette décision du propriétaire intervient après avoir affiché une parfaite neutralité lors de la campagne présidentielle américaine. Traditionnellement soutien du camp démocrate, le "L.A. Times", comme "le Washington Post" n'ont soutenu aucun candidat.

Article rédigé par Loïc Pialat
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Los Angeles Times à Los Angeles, Californie, le 7 février 2018. (FREDERIC J. BROWN / AFP)
Los Angeles Times à Los Angeles, Californie, le 7 février 2018. (FREDERIC J. BROWN / AFP)

Aux États-Unis, le Los Angeles Times, grand quotidien californien, va bientôt proposer à ses lecteurs un "bias meter", c'est-à-dire un indicateur de partialité. Une demande de son propriétaire Patrick Soon-Shiong, dans une Amérique toujours très divisée politiquement.

Si on ne sait pas encore exactement quelle forme il aura, normalement, le "bias meter" va commencer à accompagner les articles du Los Angeles Times dès le mois de janvier 2025. Patrick Soon-Shiong, un chirurgien et hommes d’affaires, dit avoir travaillé sur l’outil en coulisses, et sur l’adaptation d’une intelligence artificielle qu’il développe déjà dans le domaine médical depuis une dizaine d’années.

Éthique journalistique ou ingérence du propriétaire ?

L’idée du "bias meter" est de préciser, particulièrement pour certaines tribunes publiées, que la source ou l’auteur de l’article ont un certain degré de partialité, explique-t-il. L’outil serait ensuite en mesure de donner un autre point de vue sur le sujet traité, simplement en cliquant sur une vignette à l’écran. Soon-Shiong cite comme comparaison les commentaires de Twitter, qui sont parfois, aussi importants que l’article lui-même selon lui, dans la mesure où ils reflètent ce que les gens pensent sur le sujet traité.

Racheté en 2018, le Los Angeles Times n'est pas le seul journal à se voir imposer les décisions de son nouveau propriétaire. Jeff Bezos, avec le Washington Post, n’a par exemple pas laissé la rédaction soutenir publiquement dans ses pages un des deux candidats à l’élection présidentielle, ce qui est pourtant très courant aux États-Unis. Alors que le journal penche à gauche, ce qui n’est un secret pour personne, Jeff Bezos estime qu’on doit y entendre plus de voix de droite. Il aurait notamment été choqué de découvrir que le comité éditorial - la partie de la rédaction qui écrit des tribunes - plutôt que de rapporter des faits, soutenait un candidat avant même d’avoir rencontré les candidats. Furieux, il est ainsi intervenu.

Cette décision du propriétaire du L.A. Times n'est pas uniquement motivée par des considérations éthiques. Comme beaucoup d'autres quotidiens, il est en difficulté économique, et pour Patrick Soon-Shiong, l’une des solutions, c’est de laisser toutes les voix s’y exprimer. Pour "aider notre nation divisée à guérir avec une plateforme qui permet un débat civilisé", justifie-t-il, mais certainement aussi pour gagner des lecteurs avec un positionnement plus centriste.

Des journalistes choqués

La réaction des journalistes toutefois est assez mitigée. Beaucoup n’ont pas apprécié que leur propriétaire suggère publiquement qu’ils manquaient d’objectivité. Ils rappellent par ailleurs qu’ils suivent un code d’éthique appelant à la compréhension de tous les aspects d’un problème. Depuis l'annonce du "bias meter", plusieurs membres du comité éditorial ont ainsi démissionné depuis deux mois.

L’un d’entre eux estime que Patrick Soon-Shiong a notamment été lâche en imposant à sa rédaction une posture plus favorable à Donald Trump alors que le président élu menace régulièrement les médias. Des milliers de lecteurs, comme au Washington Post, ont en tout cas annulé leur abonnement.

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