Comment le rapport au travail a-t-il évolué ces dernières années ?

La revue "Travail et emploi", financée par le ministère du Travail, lance un appel à contributions. Elle invite les chercheurs en sciences sociales français et européens à scruter les évolutions récentes du rapport au travail. Car si l'on entend beaucoup parler de reconversions, de refus de CDI, de désengagement ou d'aspirations nouvelles, il manque des études objectives pour mesurer finement ces phénomènes.

Article rédigé par Sarah Lemoine
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
"Jusqu’à récemment, peu d’économistes se sont intéressés au contenu du travail lui-même ou à son intérêt" d'après les auteurs de cet appel à contribution (GETTY) (LAYLABIRD / E+)
"Jusqu’à récemment, peu d’économistes se sont intéressés au contenu du travail lui-même ou à son intérêt" d'après les auteurs de cet appel à contribution (GETTY) (LAYLABIRD / E+)

Premier axe de travail proposé dans cet appel à contribution, les mobilités professionnelles. Depuis la crise covid, de nouvelles figures émergent soulignent les chercheuses à l'origine de cette invitation.

Il y a le salarié, souvent associé au jeune diplômé, qui refuse de rejoindre une multinationale dont l'activité, à ses yeux, nuit à l'environnement ou au climat. Il y a le salarié, qui change radicalement de métier et de domaine professionnel pour trouver du sens à son travail. Ou bien celui qui quitte une profession intellectuelle pour un métier manuel.

Mais qu'en est-il vraiment ? "Ce que l'on souhaite, c'est quantifier ces comportements" explique l'économiste Coralie Pérez, ingénieure de recherche à l'Université Paris 1. "Ces bifurcations, ruptures ou réorientations sont-elles anecdotiques ou impliquent-elles une part importante de salariés ?" Qui sont les personnes concernées ? Une fraction d'ultra-diplômés ou des profils plus divers ? Et puis ces personnes sont-elles satisfaites de leur changement ou reviennent-elles à leur métier d'origine ?

Mieux caractériser les instabilités professionnelles présentées comme choisies

Autre figure émergente à analyser, c'est le refus de stabilité. On parle là du travailleur qui décline le CDI au profit du CDD et de l'intérim. Ou qui choisit le statut de contractuel plutôt que celui de fonctionnaire. Ou qui refuse toute subordination en optant pour le statut d'indépendant.

Ce refus de stabilité contractuelle est régulièrement pointé du doigt par des employeurs, avec des discours assez durs, parfois, sur les jeunes qui ne voudraient plus travailler. Mais qu'est-ce qui permet d'étayer ces propos ? "Pour le moment, il n'existe pas de preuves empiriques démontrant une supposée croissance de ces comportements" d'après Coralie Pérez. Il est donc nécessaire de quantifier ces mobilités entre le statut de salarié et d'indépendant, et de mieux caractériser les dites "instabilités choisies" en les reliant aux conditions de travail et d'emploi et aux profils des personnes concernées.

Désengagement ou volonté de s'engager autrement ?

Il y a aussi la question du soi-disant désengagement des salariés. Le développement du télétravail ou de la semaine "de quatre jours" ou "en quatre jours" peut refléter une volonté de mise à distance du travail ou de meilleure conciliation entre vie privée et vie professionnelle. Mais est-ce pour autant le signe d'un désengagement ? Cette hypothèse nécessite là aussi d'être démontrée. "Le refus du travail n'est-il pas plutôt le refus d'un certain type de travail ou de management" et une volonté de s'engager autrement, s'interrogent les trois chercheuses à l'origine de l'appel.

Les chercheurs en sciences sociales qui souhaitent s'emparer de ces questions doivent se manifester avant le 30 septembre. Leurs articles seront publiés courant 2026.

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