Dans l'informatique, les femmes sont moins payées et moins promues dès le début de leur carrière

Trois ans après leur entrée sur le marché du travail, les jeunes informaticiennes subissent déjà des inégalités de salaire et de statut. Elles sont plus nombreuses, aussi, à se reconvertir. C'est ce que révèle une enquête du Centre d'études de l'emploi et du travail.

Article rédigé par Sarah Lemoine
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
"L’informatique demeure un bastion masculin qui peine à se féminiser" l'étude du CEET (GETTY) (SKYNESHER / E+)
"L’informatique demeure un bastion masculin qui peine à se féminiser" l'étude du CEET (GETTY) (SKYNESHER / E+)

Dans les années 80, lorsque les métiers de l'informatique ont gagné en prestige, ils ont été massivement investis par les hommes. Depuis, la tendance ne s'est pas inversée selon Marion Flécher, maîtresse de conférences en sociologie à l'université Paris Nanterre et chercheuse associée au CEET qui signe cette étude. Au sein des filières scientifiques, où les femmes sont déjà peu présentes, l'informatique reste la moins féminisée de toutes, aujourd'hui. Un paradoxe alors les entreprises du secteur ont du mal à recruter. "Si les facteurs qui détournent les femmes des métiers techniques sont désormais bien connus", la chercheuse a creusé une autre question : que sont devenues les rares femmes diplômées en informatique en 2010, 2013 et 2017, trois ans après leur entrée sur le marché du travail ?

À formation égale, la position de cadre échoit plus facilement aux hommes qu'aux femmes

Les résultats montrent qu'elles subissent des inégalités de genre dès leur premier pas dans la vie active, alors même qu'elles sont surqualifiées par rapport aux hommes souligne Marion Flécher. Elles sont en effet plus nombreuses à avoir eu leur bac avec mention, plus nombreuses aussi à avoir obtenu un master ou un diplôme d'ingénieur. Et pourtant, trois ans après leur entrée dans le monde du travail et de l'informatique, elles ne sont que 49 % à être cadres, contre 54 % des hommes. Et plus le niveau de diplôme augmente, plus l'écart se creuse. Parmi les bac+ 5 ou au-delà, 77 % des cadres sont des femmes, contre 88 % des hommes. L'étude pointe également une inégalité salariale, même si elle est plus faible que dans les autres secteurs. Les femmes dans l'informatique gagnent en moyenne, 100 euros de moins par mois que leurs homologues masculins, à caractéristiques égales, après seulement trois années d'activité professionnelle. "C'est d'autant plus inexplicable, affirme la sociologue, qu'en tout début de vie professionnelle, les inégalités salariales chez les femmes ne sont pas encore creusées par la maternité et les interruptions de carrière."

"L'entre-soi masculin, dissuasif pour les femmes"

Autre conclusion marquante, 55 % des femmes diplômées en informatique exercent un métier sans lien direct avec leur formation, c'est 10 points de plus que les hommes. Parmi celles qui changent de métier, 90 % s'éloignent largement de leur secteur d'origine en payant le prix fort, d'ailleurs, puisqu'elles retrouvent des postes moins stables et nettement moins bien payés. Si les données sur lesquelles a travaillé la chercheuse ne permettent pas de savoir pourquoi ces femmes ont mis les voiles, Marion Flécher évoque l'effet dissuasif de l'entre-soi masculin. De nombreuses études, rappelle-t-elle, ont montré que l'ambiance sexiste qui règne dans certaines entreprises informatiques est un repoussoir pour les femmes. Comme l'a montré récemment le procès des dirigeants d'Ubisoft, le leader français du jeu vidéo.

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