Exprimer un stress aigu ou un épuisement au travail reste un aveu difficile pour les cadres

Alors que la santé mentale a été décrétée grande cause nationale cette année, y compris au travail, celle des cadres et des managers du privé ne s'améliore pas. Au contraire, ils sont de plus en plus nombreux à exprimer un sentiment de mal-être professionnel.

Article rédigé par Sarah Lemoine
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Un tiers des cadres et des managers du privé témoigne d'une santé mentale dégradée, selon une étude de l'Apec. (MALTE MUELLER /FSTOP / GETTY IMAGES)
Un tiers des cadres et des managers du privé témoigne d'une santé mentale dégradée, selon une étude de l'Apec. (MALTE MUELLER /FSTOP / GETTY IMAGES)

Une irritabilité, un stress intense, un épuisement, une anxiété, une déprime. Désormais, un tiers des cadres déclare ressentir fréquemment au moins un de ces sentiments qui définissent une santé mentale dégradée. Ils n'étaient qu'un quart, en 2022, selon l'Apec, l'association pour l'emploi des cadres.

En cause, une charge de travail élevée, des objectifs exigeants, une demande forte de réactivité, des horaires plus étendus, une surexposition aux notifications numériques, et une grosse difficulté à déconnecter pendant le temps libre.

Les entreprises ne sont pas encore au rendez-vous, souligne l'étude. Seul un manager sur quatre estime que son organisation a pris très au sérieux le sujet de la santé mentale. Les autres jugent qu'aucune action concrète n'a été déployée pour atténuer les facteurs de risques.

Les managers en première ligne

70% des managers affirment être confrontés à des problèmes de santé mentale dans leur équipe. Cela se manifeste par du stress, des pleurs, de l'agressivité ou une perte de confiance en soi, voire des arrêts de travail.

Faute de solutions concrètes apportées par la direction, ils ont le sentiment de bricoler seul dans leur coin : alléger la charge de travail par-ci, assouplir les délais par-là, aborder une posture d'écoute et d'ouverture. À condition toutefois d'avoir du temps et la latitude pour agir, ce qui est loin d'être toujours le cas.

Dans les faits, 65% des managers ont du mal à détecter les difficultés dans leurs équipes et une part importante se déclare peu à l'aise pour gérer ces situations, notamment quand ils sont perçus comme étant eux-mêmes la source du problème. La situation est d'autant plus complexe qu'un tiers des managers témoigne aussi d'une santé mentale dégradée.

La culture du dépassement favorise-t-elle la prise de parole ?

Non, et c'est une vraie difficulté, d'après l'étude. Pour une partie des cadres, exprimer sa vulnérabilité est incompatible avec leur statut. Résultat, ils préfèrent garder le silence, de peur d'être freinés dans leur évolution professionnelle ou d'être perçu comme un collaborateur non fiable.

Beaucoup de managers considèrent, en outre, que la surcharge de travail et le stress sont inhérents à leur fonction. Alors que faire ? L'Apec souligne que l'évaluation de la charge de travail doit être systématisée par les entreprises. Enfin, inciter les salariés à parler sereinement, sans craindre d'être mal vu, est une condition essentielle pour améliorer la situation.

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