Fumer en douce le narguilé lors d'une croisière offerte par son employeur peut-il justifier un licenciement ?

La vie professionnelle se termine parfois au tribunal. Dans "C'est mon boulot" au mois d'août, on explore des contentieux entre salariés et employeurs, qui ont marqué le droit du travail ces dernières années.

Article rédigé par Sarah Lemoine
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Une croisière, même payée par son entreprise, est un voyage de loisirs hors du contrat de travail. (MALTE MUELLER / FSTOP / GETTY IMAGES)
Une croisière, même payée par son entreprise, est un voyage de loisirs hors du contrat de travail. (MALTE MUELLER / FSTOP / GETTY IMAGES)

Les faits se déroulent en 2015. Cette année-là, l'opérateur SFR organise un grand jeu-concours au sein de l'entreprise. Le gros lot a de quoi faire rêver : une croisière d'une semaine aux États-Unis, dans les eaux chaudes de la Floride, tous frais payés par la direction.

130 salariés remportent le jackpot et embarquent sur un paquebot, en compagnie de 2.000 touristes, raconte en détail Syndicalisme Hebdo, le journal des militants de la CFDT. Mais au matin du deuxième jour, patatras ! L'équipe de nettoyage découvre qu'un détecteur de fumée a été obstrué dans une cabine occupée par une salariée de SFR. Convoquée par le commandant de bord, cette dernière avoue qu'elle a volontairement bouché le détecteur pour fumer le narguilé en douce. Au premier port d'étape, elle est débarquée. L'entreprise, prévenue, paye son hôtel et son rapatriement.

Licenciement pour faute

Mais pour la salariée, la mésaventure ne s'arrête pas là. Un mois plus tard, elle reçoit une lettre de licenciement pour faute simple. SFR fait valoir que son comportement a mis en danger les autres salariés et tous les passagers du bateau, qu'en plus elle a fumé le narguilé en présence d'une collègue enceinte et que cette affaire a nui à l'image de marque de l'entreprise lors de ce voyage professionnel.

Or cette croisière en Floride était-elle vraiment un voyage professionnel, comme l'affirme l'entreprise, ou bien un voyage de loisir ? La faute a-t-elle été commise dans la sphère professionnelle ou dans le cadre de la vie privée ? Pour la salariée, cela relève de sa vie personnelle. Elle saisit le tribunal des prud'hommes, conteste son licenciement, obtient satisfaction. L'employeur fait appel, mais il est débouté par la cour d'appel.

Un motif de la vie personnelle ne permet pas de justifier un licenciement disciplinaire

Le contentieux est remonté jusque devant la Cour de cassation. Dans un arrêt rendu au mois de janvier, "la Cour de cassation a suivi un raisonnement assez pédagogique", souligne l'avocat David Guillouet. Elle a rappelé un grand principe : un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne permet pas, en lui-même, de justifier un licenciement disciplinaire. Elle a ensuite retenu que la croisière était un voyage touristique, bien que payé par l'entreprise.

La salariée n'était ni sur son temps, ni sur son lieu de travail. Elle n'était donc pas sous l'autorité de son employeur et les faits ne peuvent pas se rattacher à son contrat de travail. Quant aux troubles causés à l'entreprise, ils ne sont pas suffisamment caractérisés. SFR a perdu. Le licenciement a été jugé sans cause réelle et sérieuse.

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