Des tensions au sommet de l'État en Israël

Le Premier ministre, Benjamin Netanyahou, et le chef du Shin Bet, le service de sécurité intérieure, qu'il a décidé de limoger, se livrent une bataille sans mercis depuis plusieurs semaines. Elle a franchi un nouveau palier ces derniers jours, et l'affaire interroge sur le fonctionnement de la démocratie israélienne.

Article rédigé par Nicolas Teillard
Radio France
Publié
Temps de lecture : 3min
Le chef des services de sécurité intérieure, Ronen Bar, le 23 avril 2025. (ABIR SULTAN / EPA / VIA MAXPPP)
Le chef des services de sécurité intérieure, Ronen Bar, le 23 avril 2025. (ABIR SULTAN / EPA / VIA MAXPPP)

Ronen Bar est un "menteur". C'est en ces termes que le Premier ministre israélien a décrit le chef du service de sécurité intérieure du pays, le Shin Bet. Une attaque violente intégrée à une déclaration sous serment de Benjamin Netanyahou, adressée dimanche 27 avril à la cour suprême israélienne, chargée de se prononcer sur la procédure engagée par le dirigeant pour limoger Ronen Bar.

Cela fait maintenant des mois que la guerre est déclarée entre les deux hommes, et que la tension règne au plus haut niveau de l'appareil d'État israélien. L'affaire ramène immanquablement aux attaques terroristes du 7 octobre 2023, et aux luttes intestines nées de la plus grande crise de sécurité de l'histoire du pays. Le gouvernement, Benjamin Netanyahou en tête, cherche à établir les responsabilités du désastre, et le Shin Bet, l'équivalent de notre DGSI, est évidemment en première ligne. Dans ce courrier à la cour suprême, le Premier ministre estime que le service a "lamentablement échoué" à sa mission. Ronen Bar n'aurait pas donné l'alerte à temps au gouvernement ou à l'armée, lors des attaques lancées par les commandos du Hamas.

"Rien n'a été caché cette nuit-là", répond pourtant sèchement le responsable du renseignement, qui a promis de démissionner de son poste, mais qui laisse entendre que des motivations plus politiques, voire personnelles, se cachent derrière ces critiques et son éviction. Selon lui, l'épisode dramatique du 7-Octobre ne serait qu'un prétexte pour le chef du gouvernement, contre qui il a porté de très lourdes accusations il y a quelques jours. Ronen Bar assure ainsi que le Premier ministre lui a demandé de surveiller les manifestants qui protestaient contre sa réforme de la justice en 2023, ou encore qu'il a essayé de se servir de lui pour éviter de comparaître devant la justice. Il explique aussi que Benjamin Netanyahou lui a réclamé de lui obéir à lui, personnellement, plutôt qu'à la cour suprême, en cas de crise constitutionnelle.

Des questions sur le fonctionnement démocratique d'Israël

Voilà comment l'affaire devient peu à peu la crise institutionnelle la plus grave dans l'histoire d'Israël, parce qu'elle soulève de sérieuses questions sur la remise en cause de la séparation des pouvoirs, et qu'elle interroge plus largement sur le fonctionnement démocratique du pays. Le cas de Ronen Bar cristallise aujourd'hui les critiques sur la dérive autoritaire du Premier ministre, accusé publiquement de s'en prendre aux institutions, et d'essayer d'écarter ceux qui le gênent, car il se trouve que le Shin Bet enquête depuis des mois sur son entourage, et ses liens avec le Qatar.

En toile de fond, il y a bien sûr les ennuis judiciaires de Benjamin Netanyahou, et dans un pays sous tension et profondément divisé sur son dirigeant, les soupçons alourdissent un climat politique déjà très pesant. Ils accentuent aussi la pression qui pèse sur la cour suprême, chargée de se prononcer sur ce dossier brûlant.

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