Sous l'influence d'Elon Musk, Washington critique la volonté de l'Afrique du Sud de vouloir mettre fin à la ségrégation agricole

Les autorités sud-africaines sont ciblées par Donald Trump, qui reproche à Pretoria de vouloir confisquer les terres agricoles possédées par les fermiers blancs. Une offensive sur fond d'accusation de racisme au pays de l'apartheid, et menée sous la pression du milliardaire, qui a grandi en Afrique du Sud.

Article rédigé par Nicolas Teillard
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Elon Musk lors de la cérémonie d'investiture de Donald Trump dans la rotonde du Capitole à Washington, DC, le 20 janvier 2025. (CHIP SOMODEVILLA / POOL)
Elon Musk lors de la cérémonie d'investiture de Donald Trump dans la rotonde du Capitole à Washington, DC, le 20 janvier 2025. (CHIP SOMODEVILLA / POOL)

Le gouvernement sud-africain met en place "des lois racistes". L'accusation, portée dimanche 2 février, est lourde de sens pour un pays qui a connu l'apartheid, et dont les autorités se voient reprocher de s'en prendre aux propriétaires de terre blancs. Une accusation qui ne vient pas de nulle part. Et comme souvent ces derniers temps, elle émane de Washington, et notamment de l'homme le plus riche du monde, Elon Musk, qui est né et a grandi...en Afrique du Sud.

C'est passé un peu inaperçu, au milieu de l'offensive américaine visant ces deniers jours le Canada, le Mexique, ou la bande de Gaza, mais dans cet agenda très chargé, l'hydre à deux têtes de la Maison Blanche (Elon Musk et Donald Trump) a trouvé le temps de s'en prendre frontalement au président Cyril Ramaphosa, accusé, donc, d'adopter des "lois racistes" contre les blancs. Comme d'habitude désormais, l'accusation s'accompagne de menaces, en l'occurrence, celle de couper le robinet des financements, comme l'a confirmé le secrétaire d'État Marco Rubio, qui affirme par ailleurs qu'il n'ira pas au sommet du G20 prévu dans deux semaines à Johannesburg. Il faut dire que l'Afrique du Sud cumule les défauts, vu de Washington, avec ses politiques sur l'égalité et la diversité, son offensive juridique contre Israël à la CPI, ou encore son appartenance aux Brics, ce rassemblement de grands pays émergents qui réunit notamment la Russie et la Chine. Un pays dont la réglementation est aussi contraignante pour Elon Musk, qui ne peut pas y investir comme il le voudrait dans les télécommunications.

La douloureuse question du partage des terres

Si Washington s'attaque à Pretoria, c'est à cause d'une loi, promulguée fin janvier, qui permet à l'État sud-africain de décider d'expropriations de terres sans compensations. Une mesure qui n'interviendrait que dans certaines circonstances exceptionnelles, par mesure d'intérêt général, et après des négociations préalables avec le propriétaire. Une procédure "conforme à la Constitution" rappelle le président Ramaphosa, et d'ailleurs soutenue par un parti d'opposition, plutôt favorable d'ordinaire aux propriétaires terriens.

Le partage des terres est un sujet majeur et très sensible en Afrique du Sud, où selon les chiffres issus du Land Audit Act (2017), "seulement 4% des terres cultivables appartiennent à des Noirs alors qu'ils représentent 81% de la population", quand environ 36 000 fermiers blancs disposent de plus de 70% de la surface d'exploitation. Un héritage de l'apartheid que tous les gouvernements se sont engagés à corriger depuis 30 ans, et la fin de cette politique de ségrégation, mais sans passer à l'acte. La promesse de redistribuer 30% des terres aux Noirs, maintes fois repoussée, est prévue pour 2030, mais sur fond de crispations politiques.

L'influence sud-africaine autour de Donald Trump

L’intérêt exprimé par Donald Trump pour cette question a surpris par sa violence et par son empressement, au milieu de dossiers bien plus importants pour les États-Unis. Il faut sans doute y voir l'influence de plusieurs personnalités importantes de son entourage, et désignée comme la "Mafia Paypal", en référence à cette application de paiement et de transfert d'argent. On retrouve en effet aux origines de l'entreprise trois figures de la galaxie trumpistes aujourd'hui aux commandes à Washington. Elon Musk, bien sûr, mais aussi Peter Thiel, milliardaire très influent de la sphère réactionnaire, et David Sacks, précieux collecteur de fonds pendant la campagne présidentielle, et pompeusement nommé depuis "Tsar de la cryptomonnaie" dans la nouvelle administration au pouvoir.

Trois figures du monde de la tech, mais aussi trois partisans de l'idéologie libertarienne, et trois hommes d'origine... sud-africaine, qui ont grandi à l'époque de l'apartheid, dans un pays ou la ségrégation était la règle. De quoi forger une certaine vision du monde. Un monde sur lequel leur influence est aujourd’hui immense.

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