Quel est ce "narratif russe" qui, selon Volodymyr Zelensky, influence l'Amérique ?
De passage à Paris, mercredi, pour participer au sommet pour la sécurité et la paix, le président ukrainien a regretté l'influence des discours du Kremlin sur l'administration Trump, et notamment l'émissaire du président, Steve Witkoff.
C'est une expression qui revient régulièrement en marge de la guerre en Ukraine. Le "narratif du Kremlin", où la manière pour Moscou de présenter sa vision géopolitique de la situation, et la rhétorique utilisée par le Kremlin pour évoquer la guerre. Une propagande qui n'est pas l'apanage de Moscou, mais qui participe d'une guerre de la communication, à l'œuvre depuis des années, et qui n'a fait que se renforcer depuis le début de l'invasion russe, terme que la Russie n'a d'ailleurs jamais employé, préférant parler "d'opération spéciale".
Un procédé classique entre belligérants, mais avant de participer jeudi 27 mars au sommet pour la sécurité et la paix à l'Élysée, le président ukrainien s'est inquiété, lors de son interview accordée à France 2, de l'influence que ce discours pouvait avoir sur l'administration américaine. "Je considère malheureusement que très souvent, l'Amérique se trouve sous l'influence du narratif russe" a dit Volodymyr Zelensky, qui a particulièrement visé l'envoyé spécial du président américain pour le Moyen-Orient, Steve Witkoff, devenu l'homme du dialogue avec Moscou.
Pour illustrer la critique, il suffit d'écouter l'entretien donné par l'émissaire de Donald Trump la semaine dernière à Tucker Carlson, ancien présentateur vedette de la chaîne Fox News, et farouche partisan du président américain.
Concernant d'abord la situation militaire dans la région russe de Koursk, Steve Witkoff assure que les forces ukrainiennes y sont "encerclées". "C’est un fait" assène-t-il, reprenant ainsi une affirmation du Kremlin. Elle est pourtant démentie par l'Institut d'étude de la guerre (Institute for the Study of War), qui fait référence pour la situation sur le front. Et ça ne porterait pas plus à conséquence, si Witkoff ne se servait de cet élément pour ensuite présenter Vladimir Poutine en dirigeant raisonnable, refusant de faire couler le sang de soldats ukrainiens encerclés.
L'Otan au centre des débats
Autre exemple, issu du même entretien, et concernant l'Otan. Un point essentiel des débats, car la Russie a régulièrement justifié son offensive militaire par la menace que représentait l'hypothèse d'une adhésion de l'Ukraine à l'Alliance Atlantique. Dans une interview accordée au même Tucker Carlson, qui était allé le rencontrer à Moscou en 2024, Vladimir Poutine assurait avoir répété aux occidentaux que son pays "ne voulait pas d'une extension de l'Otan à ses frontières, et qu'une adhésion de l'Ukraine était inconcevable". Une position ancienne du président russe, largement reprise dans les débats qui agitent les pays occidentaux, mais qui omet plusieurs éléments essentiels, à commencer par le droit pour un pays indépendant et souverain de choisir ses alliances militaires. Il faut aussi rappeller que l'Otan est une alliance défensive, que l'intégration des pays baltes, aux frontières de la Russie, n'a donné lieu à aucune menace concrète ou à une invasion, et ques adhésions d'anciennes républiques soviétiques avaient même suscité des réticences chez les membres occidentaux de l'alliance.
Face à un présentateur qui compare la menace ressentie par Moscou "à celle du Hamas aux frontières d'Israël", Steve Witkoff, dont le pays est le pilier de l'organisation, ne bronche pas, légitimant ainsi le sentiment russe d'une agression, et promet pour l'avenir que "l'Ukraine ne peut pas faire partie de l'Otan" et que cette réalité "est largement acceptée". C'est oublié au passage que Volodymyr Zelensky réclamait encore une adhésion le mois dernier, et c'est une concession faite à la Russie sans aucunes contreparties, alors que c'était un levier essentiel des négociations.
L'enjeu des territoires annexés
Des discussions qui vont forcément porter sur les territoires ukrainiens annexés par la Russie, comme le président Trump l'a évoqué ces derniers jours. Mais de ces quatre régions occupées, et concernées par des combats, Steve Witkoff dit que "les gens y parlent russe, et qu'ils ont approuvé par référendum d'être sous administration russe". Là encore, l'émissaire américain reprend des arguments du Kremlin qui travestissent largement la réalité. Car les référendums dont il est question ont eu lieu en pleine guerre, sous pression des soldats russes, parfois armés devant les bureaux de vote, que de nombreux habitants ont boycotté le scrutin, organisé sans la moindre observation indépendante. Des conditions qui ont poussé la communauté internationale à ne pas reconnaître la légalité des référendums, à commencer... par les États-Unis.
Derrière ces différents exemples dans le collimateur de Volodymyr Zelensky, se pose une question essentielle : Steve Witkoff fait-il cela par stratégie, pour amadouer Moscou, ou parce qu'il est en phase avec la vision du Kremlin ? De la réponse dépendra largement la teneur des négociations.
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